Université de Franche-Comté

Usine miniature pour microtechniques

Les microtechniques auront bientôt une usine à leur taille… Une micro-usine connectée, autonome et reconfigurable, dans laquelle des procédés industriels servent la fabrication de petites séries et de produits personnalisés. Bienvenue dans le « nouvel imaginaire industriel » proposé par la Haute Ecole Arc Ingénierie.

 

Au début du XXe siècle, le développement de la production en série favorisait l’avènement de la consommation de masse. Un siècle plus tard, l’industrie doit s’adapter à l’évolution de la demande : le consommateur veut désormais accéder à ce dont il a réellement besoin ou envie. Couleurs, motifs, formes, la personnalisation gagne tous les marchés, de la voiture à la bague de fiançailles, du meuble contemporain à la console de jeux vidéo.

Cette nouvelle donne constitue l’un des défis que doit relever l’industrie 4.0, dont le vocabulaire s’approprie des termes en rapport : souplesse, flexibilité, agilité, durabilité… Dans ce contexte, la micro-usine inventée par les ingénieurs de la Haute Ecole Arc a tout d’une grande. Elle combine des moyens de production modulables dans un volume réduit, un double positionnement laissant imaginer l’industrie de demain.

 

L’idée avait été avancée avec le lancement en 2016 de la Micro5, une micromachine de fraisage cinq axes. Devant son succès, qui a donné lieu à commercialisation par plusieurs entreprises, le concept s’est décliné dans un projet plus ambitieux encore, celui d’une micro-usine autonome. Tournage, décolletage, découpe laser, impression 3D, gravure, contrôle multidimensionnel…, la micro-usine peut réunir au moins neuf procédés industriels dans ce qui ressemble à une solide étagère à cases.

« L’ un des avantages de cette logique de fabrication est de maîtriser le processus de production alors qu’il est en cours, explique Florian Serex, responsable partenariats et valorisation du MicroLean Lab de la HE-Arc. Dans les équipements traditionnels, les indicateurs de performance témoignant de dérèglements du processus de production sont difficiles à repérer, sauf à les soumettre au contrôle de capteurs, ce qui rend le processus plus complexe ; les dérèglements sont en revanche tout à fait détectables dans le cas de dispositifs simplifiés. Le défi est de faire en sorte que la machine réajuste elle-même et en temps réel ses paramètres ».

Résultat : la micro-usine doit être capable de fournir du premier coup, sans défaut, une pièce unique ou des petites séries adaptées à la demande, pour un prix comparable à celui d’une production de masse.

 

Le mariage réussi de la mécanique et de l’informatique

Pour réussir ce tour de force : un savant mélange entre mécanique et informatique. « Le fonctionnement s’appuie sur les techniques de machine learning : grâce à l’intelligence artificielle et au big data, la micro-usine apprend à exécuter les opérations voulues à partir de l’historique des données de production. » Toutes les machines sont interconnectées physiquement et numériquement, et l’ensemble de l’appareil de production est numérisé pour faciliter mise en œuvre, fonctionnement, maintenance et traçabilité.

En résumé, l’objectif est qu’à partir d’un modèle CAO, la micro-usine produise une pièce finie en un minimum d’étapes. L’utilisateur est en présence d’un fonctionnement simple, intuitif, comparable à celui d’une imprimante 3D, « mais avec des procédés plus conventionnels et qui garantissent la qualité nécessaire aux produits microtechniques à haute valeur ajoutée ».

Dans ce contexte, quid du métier de mécanicien ? « Il est en effet appelé à évoluer, à la manière dont les spécialistes de l’automobile ont peu à peu intégré l’électronique et l’informatique à leurs compétences. » Florian Serex souligne l’intérêt de développer le concept au sein d’une école d’enseignement supérieur comme la HE-Arc, une conjoncture permettant d’anticiper les enseignements qui seront à inscrire à une formation d’ingénieur à l’interface entre mondes physique et digital.

Les procédés industriels actuellement à l’œuvre sont le fraisage, assuré par la Micro5, et les contrôles dimensionnel et esthétique ; d’autres, comme le soudage et de chassage, particulièrement importants pour l’horlogerie, devraient bientôt être opérationnels. « Il reste encore bien des étapes à franchir avant d’atteindre l’objectif ultime, le fonctionnement complet de la micro-usine, qui est un centre d’expérimentation pour toutes les entreprises intéressées par ce nouvel imaginaire industriel. Certaines idées ne seront peut-être pas concrétisées, au bénéfice d’autres réalisations.

 

Briques technologiques à la demande

Et même si le programme de R&D est défini sur six ans, la preuve de concept est bien établie, et ne laisse planer aucun doute quant à l’intérêt de la démarche. » Du point de vue de la mise en œuvre, les briques technologiques seront installées à la demande, en fonction des besoins de production ; elles resteront la propriété des fabricants qui les ont conçues et mises au point, et qui devront faire évoluer leur modèle d’affaires vers une offre de service permettant à leurs clients de transformer des investissements amortis sur plusieurs années en frais de fonctionnement. Une tout autre façon d’envisager la production industrielle…
D’autant que la micro-usine se loge (presque) partout. Avec son poids plume, elle est largement moins gourmande en encombrement et en énergie que les équipements industriels classiques. Avantage supplémentaire, elle est en phase avec les démarches de développement durable initiées aujourd’hui. Esthétique, sa structure en bois entre aussi dans une tendance écologique bienvenue, même si ce ne sont pas ces motivations qui ont présidé au choix du matériau : le bois est avant tout le meilleur absorbeur de vibrations dans le cadre de cette configuration étagée.

La micro-usine peut décliner ses procédés à diverses applications industrielles des microtechniques : l’horlogerie bien sûr, mais aussi la connectique, les dispositifs médicaux comme les prothèses ou encore les implants dentaires.
Un premier démonstrateur a été présenté aux industriels en novembre dernier au parc technologique de Saint-Imier, qui abrite le MicroLean Lab.

Le projet de recherche initié en 2019, piloté par la HE-Arc, reçoit le soutien financier de la Confédération suisse, des cantons de l’Arc jurassien, de quatre grands groupes horlogers et de PME régionales, ces dernières intervenant principalement dans la réalisation des briques technologiques. Le montant global du projet s’élève à 7 millions de francs suisses sur six ans.

Contact(s) :
Haute Ecole Arc ingénierie
Florian Serex
Tél. +41 (0)79 206 85 58
https://microleanlab.ch
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