La maladie serait-elle bientôt un concept désuet ? Elle fait en tout cas de la place à celui de santé globale, qui associe la notion de bien-être physique, mental et social à l’idée d’une santé partagée avec les animaux et l’environnement : nous prenons conscience que nous ne pouvons plus envisager la santé humaine indépendamment de ses relations avec les autres êtres vivants et la nature. L’origine de nouvelle approche de la santé comme phénomène global, appelé syndémie, est à chercher du côté du SIDA : au-delà du virus lui-même, la prise en considération de la société, des personnes, de leur façon de vivre et de leurs représentations, et l’implication des patients comme acteurs de la prévention et du soin procèdent d’une démarche qui s’est avérée capitale pour réussir à endiguer l’épidémie. Cette manière de voir a fait son chemin depuis les années 1980. On recherche aujourd’hui dans les modes de vie ou la consanguinité des sources d’explication à certaines maladies rares, dans les données environnementales des responsabilités à la prévalence de malformations congénitales ou de pathologies. « L’approche purement technique dominant par le passé a montré ses limites », expose Sarah Carvallo, enseignante-chercheure en philosophie à l’université de Franche-Comté, qui souligne que les sciences humaines et sociales sont de plus en plus reconnues et sollicitées pour aborder les enjeux de santé et d’environnement, au point d’investir aujourd’hui le champ de l’enseignement. « Des bourses de thèse sont depuis quatre ans proposées en SHS aux étudiants en médecine pour développer des parcours de praticiens hospitaliers universitaires ; des masters pluridisciplinaires entre santé et SHS se développent partout en Europe. »
Une petite révolution dans le cénacle de la médecine. En Bourgogne – Franche-Comté, un master Humanités médicales et environnementales est en gestation à l’université, il combinera les points forts de Dijon et de Besançon autour de trois axes inédits en France : santé environnementale et médicale, âges de la vie et intelligence artificielle. La philosophie, la sociologie, la psychologie, l’histoire, le droit, l’économie et l’écologie seront partie prenante du master, en lien avec les disciplines médicales.
L’instauration de nouvelles relations entre patients et soignants, notamment grâce à la loi Kouchner de 2002 faisant du patient un acteur majeur de sa santé, la crise de l’hôpital et l’apparition de déserts médicaux, la réforme des études, la sensibilisation aux problèmes environnementaux et sociaux favorisent en outre l’émergence d’une nouvelle culture, qui accompagne l’évolution de la conception de la santé. Le progrès technologique est une donnée indissociable de ce mouvement de fond, et particulièrement les technologies de l’information et de la communication, marquées par l’avènement du numérique.
Au tout début des années 2000, la Franche-Comté enregistre 3 500 cas d’AVC par an, dont les 2/3 ne peuvent être pris en charge par des structures ou des médecins spécialisés, faute de moyens suffisants. Pour pallier le manque de personnel, instaurer un système de soins efficace à proximité du patient et injecter la connaissance nécessaire pour que ce système fonctionne, le projet RUN-FC naît sous l’impulsion du Pr Thierry Moulin, neurologue au CHU de Besançon, aujourd’hui également directeur de l’UFR Santé de l’université de Franche-Comté. Ce réseau pionnier inaugure en France la mise en œuvre du concept de télémédecine. Le projet est coconstruit par des professionnels de différents horizons, praticiens du domaine de la santé, informaticiens, juristes…, dont la complémentarité a joué en faveur du succès de l’opération. La télémédecine telle qu’elle est définie dans un décret d’octobre 2010 comporte cinq actes : la téléconsultation, donnée à distance en visioconférence ; la téléexpertise, permettant l’échange de vues entre spécialistes ; la téléassistance, pour s’épauler entre professionnels lors de la réalisation d’un acte médical ; la télésurveillance, prévoyant la communication et l’interprétation de données patient ; la télérégulation, ou réponse médicale, pour solliciter un avis ou déclencher une prise en charge. Le télésoin, qui met en lien le patient avec tous les intervenants de la santé, infirmières, kinésithérapeutes, pharmaciens, orthophonistes…, a depuis peu fait son apparition dans cette définition. « La prise en compte de ce sixième acte témoigne de l’évolution nette du concept de télémédecine vers celui de télésanté », souligne Thierry Moulin.
La plateforme numérique RUN-FC devient complètement opérationnelle en 2005. Le projet, motivé par des collaborations avec l’EPFL et le laboratoire d’informatique de l’université de Franche-Comté (actuel DISC / FEMTO-ST), bénéficie de l’implication sans faille du CHU de Besançon depuis le début de l’aventure. La solution logicielle, développée sous la houlette d’Éric Garcia au laboratoire d’informatique de Besançon, donnera naissance à la start-up Covalia, devenue depuis un des grands noms du domaine de la télémédecine. Après le volet technique, l’étape juridique occupe les années 2008 à 2010 : le travail des membres du réseau est à l’origine de l’apparition de réglementations spécifiques à la télémédecine dans le droit français.
Le travail en réseau, ou parcours de soins, s’est constitué progressivement, « délaissant le concept de médecine individuelle au profit de la notion de médecine de chaîne », selon les mots de Thierry Moulin, avec pour priorité absolue un service médical rendu au moins équivalent à celui d’un système classique. « La télémédecine est avant tout une histoire d’organisation, pour les professionnels cela signifie modifier certaines habitudes et adapter ses façons de travailler au service d’usagers actifs, au centre du dispositif. D’un point de vue technique, les outils numériques permettent la communication entre les personnes, le transfert de données de qualité et l’implémentation de connaissances qui s’enrichissent de nouveaux contenus en permanence, ce qui finalement renforce les liens entre les hommes. »
« Le réseau RUN-FC mis sur pied, la plateforme logicielle opérationnelle, il restait à s’occuper des aspects de formation », raconte le Pr Thierry Moulin. Le DIU (diplôme interuniversitaire) national de télémédecine est né en 2016 et s’adresse aux praticiens et à tous les professionnels de la santé souhaitant acquérir des connaissances théoriques et pratiques dans ce domaine en plein essor. Sous l’égide de la Société française de santé digitale, il est le fruit d’une collaboration réunissant, outre l’université de Franche-Comté, les universités de Bordeaux, Caen, Lille 2, Montpellier, Nantes et l’université catholique de Lille. L’ensemble du territoire français est ainsi irrigué par une offre de formation homogène, dont le démarrage est un franc succès : la première session enregistrait 40 inscriptions, la rentrée 2019 faisait état de 120 participants.
Les enseignements du DIU sont dispensés tout au long de l’année universitaire, sous la forme de six modules, dont certains organisés… à distance bien sûr. À l’image de la télémédecine, la formation peut être appliquée à la plupart des disciplines médicales, dermatologie, neurologie, cardiologie, pneumologie… Si la télémédecine est un enjeu important de formation continue pour les praticiens en exercice, elle se doit d’investir également le programme de formation des étudiants, comme à l’UFR Santé à Besançon, où certains enseignements du DIU apparaissent désormais dans les maquettes pédagogiques.
Si les moyens de la télémédecine sont adaptés pour le suivi des patients voire la réalisation d’actes de chirurgie, en présentiel l’hôpital de jour est un dispositif de plus en plus prisé, se substituant à une hospitalisation classique pour la dispense de soins dans un contexte de pathologie chronique. De manière générale, la mise en place de solutions de proximité et de maintien à domicile des patients et des personnes âgées est une tendance nécessitant une gestion optimale des déplacements toujours plus nombreux des infirmières, infirmiers, aide-soignant(e)s, et tous personnels de santé impliqués dans ces dispositifs. Pour que l’organisation des tournées ne vire pas au cauchemar, qu’elle soit à la fois efficace, humaine et respectueuse de la relation entre patients et soignants, le projet OPTIMHAD s’est concentré pendant trois ans sur les objectifs et les contraintes spécifiques du domaine de la santé pour élaborer une solution logicielle dédiée ; elle sera prochainement valorisée commercialement grâce à la création d’une start-up.
Financée par la région Franche-Comté, la solution OPTIMHAD a été développée entre 2015 et 2018 par Olivier Grunder, enseignant-chercheur à l’UTBM en informatique, spécialiste en optimisation et recherche opérationnelle, et Amir Hajjam El Hassani, également enseignant-chercheur à l’UTBM en informatique, spécialiste en ingénierie de la connaissance et de l’aide à la décision. « Planifier une tournée pour une journée demande en moyenne 2,5 jours de travail d’une régulatrice dans un centre de soins », remarquent-ils. Même si cette journée type est susceptible de se répéter, on conçoit très vite les limites d’une organisation gérée sous Excel ou au stylo bille. Les deux experts font entrer la gestion de tournées dans l’ère de l’intelligence artificielle. Et si des solutions informatiques existent déjà sur le marché, la leur est qualifiée de « multiobjectif », elle propose des solutions adaptées au contexte professionnel de la santé à domicile, en tenant compte des différents paramètres impliqués. D’un point de vue quantitatif, les tests effectués en lien avec des centres de soins du Nord Franche-Comté, dont l’activité représente plus de 300 000 kilomètres parcourus par an, montrent un gain de temps moyen de 27 % par tournée, et jusqu’à 50 % sur certains trajets. « Mais les algorithmes développés ne s’attachent pas seulement à l’aspect économique de l’optimisation d’une tournée. Ils sont aussi construits pour se centrer sur l’humain, pour favoriser le bien-être au travail ainsi que la relation patient / soignant. » À des critères tels que les durées de trajet et d’intervention ou encore les temps de soin incompressibles, s’ajoutent les contraintes propres au domaine de la santé, comme la réalisation de prises de sang sur des patients à jeun ou l’exécution de gestes techniques nécessitant la présence de deux soignants en même temps. « Il est également essentiel de veiller à la bonne répartition des charges entre les soignants, qui subissent parfois des pressions très fortes. » Le domaine de la santé à domicile est en effet marqué par un fort absentéisme, souffre de difficultés de recrutement, et le taux d’accident du travail y est 3 fois supérieur à la moyenne, tous secteurs confondus.
Le logiciel sera accessible en ligne dans le courant de l’année ; ses développements, ses interfaces et ses éventuelles adaptations seront administrés par une start-up qui vient tout juste de démarrer son incubation à DECA-BFC. Olivier Grunder a quitté la direction du pôle Énergie et informatique à l’UTBM pour prendre celle de l’entreprise, et se consacrer entièrement à l’industrialisation et à la commercialisation du produit. Amir Hajjam El Hassani apportera son concours scientifique à la jeune structure qui, basée à Belfort, prévoit le recrutement de plusieurs ingénieurs.
Parmi les quelque 10 000 protéines que compte le corps humain, certaines présentent un intérêt majeur pour les biologistes, notamment celles qui apparaissent dans la signature des cancers. Des interactions existent entre ces protéines, qui cependant ne sont pas toujours visibles ni faciles à repérer.
C’est un peu à l’image de ces réseaux que des chercheurs du laboratoire UTINAM scrutent le labyrinthe de plusieurs bases de données, dont Wikipédia. Une équipe menée par José Lages, enseignant-chercheur en physique théorique à l’université de Franche-Comté, en collaboration avec des confrères toulousains. « L’objet de la recherche est d’établir des liens entre les pages Wikipédia concernant les cancers, les médicaments, les recherches en biologie…, de mettre en évidence des cheminements pour aboutir à une vision éclairée de certains processus. » L’outil mis au point par l’équipe est inspiré de PageRank, un algorithme de classement qui présida la création de Google en 1998, que les chercheurs ont modifié et adapté grâce à d’autres algorithmes pour en faire une matrice capable de travailler sur un maillage de données. Le modèle mathématique se complexifie à mesure que les objectifs deviennent plus exigeants : « Maintenant que nous savons détecter des interactions en croisant et recoupant les données, nous commençons à prendre en compte des notions plus fines, comme les phénomènes qui caractérisent l’activité des cellules. » L’idée, à terme, est de faire émerger des pistes thérapeutiques de la synthèse des volumineuses bases des données biologiques mises en lien et interprétées par l’algorithme développé sur mesure par les chercheurs. Une étude menée en post-doctorat dans le cadre de cette recherche vient de débuter dans l’objectif de déterminer de potentielles interactions entre médicaments : quels sont les médicaments les plus sensibles aux autres, et à l’inverse quels sont les plus perturbants ? La promesse d’un nouvel apport de connaissances pour les pharmaciens et les médecins, grâce à l’expertise numérique.
La notion de qualité de vie est prise en considération depuis une vingtaine d’années dans les protocoles de soins élaborés pour des patients souffrant de cancers. D’abord intégrée à des essais cliniques pour évaluer l’efficacité des traitements, la qualité de vie devient un élément de suivi au quotidien, dans le but d’améliorer la gestion de la maladie, la communication entre les médecins et les patients, la satisfaction et le bien-être de ces derniers. L’essor des technologies et la création de plateformes dédiées dans certains hôpitaux favorise son développement comme instrument à utiliser en routine, comme en Grande-Bretagne où des expériences ont été menées avec succès dès le début des années 2000.
Les spécialistes de l’Unité de méthodologie et de qualité de vie en cancérologie (UMQVC), créée en 2011 par le Pr Franck Bonnetain au CHU de Besançon, prennent part à des expérimentations pour tester le concept en France. Les patients sont-ils volontaires pour répondre à des questionnaires aidant à déterminer leur qualité de vie ? Les médecins sont-ils prêts à s’emparer de ces informations pour en faire un outil de diagnostic et de traitement ? L’étude QOLIBRI avait posé de premiers jalons de recherche auprès de patients atteints de cancers du côlon, du poumon et du sein, entre 2016 et 2018. Également pilotée par la plateforme bisontine, l’étude QUANARIE a pris le relais sur 24 mois, en 2018 et 2019, auprès de patients souffrant de cancers du rein, dans une étude multicentrique concernant 8 établissements de santé du Grand Est. « Une étude de cette envergure, outre qu’elle concerne davantage de patients et se déroule sur un temps long, donne la possibilité de vérifier que l’expérience est reproductible quel que soit le contexte médical », explique le Dr Guillaume Mouillet, cancérologue et responsable du projet. Les patients sont interrogés sur leur difficulté à porter un sac de provisions, à effectuer une promenade longue, à s’habiller ou à manger seuls… Les questionnaires sont administrés sur des tablettes numériques, à domicile ou en salle d’attente à l’hôpital, où les patients peu familiarisés avec les nouvelles technologies reçoivent l’aide d’une assistante pour saisir leurs réponses. Traitées en temps réel, les informations sont directement transmises sous forme de graphiques au médecin, qui peut les utiliser lors de la consultation. « L’idée est que le patient évalue lui-même les symptômes qui accompagnent son traitement et son quotidien : non seulement les effets secondaires liés à une chimiothérapie, par exemple, mais aussi les problèmes d’ordres psychologique ou financier, les contrariétés rencontrées dans sa vie familiale, sociale ou professionnelle. Ces informations aident à orienter le patient vers des soins de support adaptés à sa situation, comme une consultation de diététique, une rencontre avec une assistante sociale, des séances de relaxation ou de sport… »
Les résultats de l’étude, qui devraient faire l’objet d’une publication scientifique dans les mois prochains, montrent la bonne volonté des patients à se plier à cet exercice et leur intérêt si l’objectif de la démarche est bien explicité. Les médecins, de leur côté, reconnaissent les bénéfices potentiels de cette démarche, mais des efforts restent nécessaires pour améliorer l’intégration de ces données dans la pratique de routine et la prise de décision médicale.
Au nombre des nouvelles technologies mises au service de la santé, le serious game utilise les ressorts ludiques du jeu à des fins « sérieuses », même sur un sujet aussi grave que celui de la fin de vie. À la Haute Ecole Arc Santé, Pierre-Alain Charmillot est responsable du Certificate of Advance Studies (CAS) en soins palliatifs et enseignant-chercheur en sciences infirmières. Il a mis au point avec son collègue Stéphane Gobron, du domaine Ingénierie, un serious game destiné à évaluer et à améliorer les compétences des infirmiers et infirmières dans les échanges qu’ils assurent avec les patients en situation de fin de vie. Nommé « habiletés relationnelles », ce savoir à forte dimension humaine est désormais autant enseigné que les gestes techniques comme le pansement de plaie ou l’injection. Envisagé comme un complément de formation, le serious game End of life a toute sa place dans le programme, « notamment parce que la confrontation de jeunes étudiants à la mort constitue une lourde charge émotionnelle et touche des dimensions intimes et personnelles ». Lors d’une étude préalable menée pour vérifier l’acceptabilité du dispositif, les étudiants ont montré qu’ils étaient favorables à cette approche et se sont rapidement pris au jeu. Les derniers chapitres sont en cours d’élaboration, et la maquette est peaufinée par Sylvia Gonzalez, adjointe scientifique du projet, en collaboration avec le scénariste : « Nous étudions de manière très précise les chemins que sont susceptibles d’emprunter les étudiants devant une situation donnée, et nous optimisons le déroulement du jeu en fonction de ces informations ».
Le serious game fait aujourd’hui l’objet d’une analyse scientifique auprès d’un panel d’étudiants pour vérifier son intérêt pédagogique. « Lors d’un exercice de simulation dans lequel un acteur prend le rôle d’un patient en fin de vie, les étudiants sont filmés afin d’évaluer leur habileté relationnelle autant que leur ressenti. La caméra saisit leur comportement non verbal, leurs mimiques, postures, silences…, qui sont des indicateurs révélateurs de leur niveau de stress ou d’angoisse. » Les étudiants disposent ensuite du serious game, sur lequel ils peuvent s’exercer pendant un mois. Un nouvel exercice de simulation est alors réalisé afin de mesurer l’impact de l’entraînement par le jeu sur le niveau de compétence des étudiants. L’analyse est étayée de comparaisons avec un groupe contrôle, et de questionnaires administrés auprès des étudiants afin qu’ils puissent formuler leur perception de la situation vécue.
Le projet, financé par l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM), est pour l’instant essentiellement testé et mis en œuvre au sein de la Haute Ecole Arc Santé. Pierre-Alain Charmillot cherche des appuis académiques et industriels pour assurer le développement du jeu et le mettre à disposition des formations en sciences infirmières d’autres établissements, ainsi qu’aux professionnels en activité par le biais de la formation permanente. « Le serious game End of life est un support de formation inédit dans le champ de l’habileté relationnelle. Comme la plupart des nouvelles technologies éducatives, il doit encore convaincre, mais s’inscrit d’ores et déjà dans la tendance qui veut recourir à des outils de plus en plus prisés pour leur efficacité. »
L’examen au microscope de tissus ou de cellules prélevés lors d’une opération, d’une biopsie, et leur analyse grâce à des techniques morphologiques, immuno-phénotypiques ou moléculaires permettent d’établir un diagnostic qui conforte ou éclaire celui du médecin ou du radiologue. Ce champ d’investigation est celui de l’anatomopathologie, une discipline souvent méconnue des étudiants en médecine. Et pour cause : il est difficile de rendre accessible à tous un service aussi spécialisé, qui n’existe au demeurant pas dans tous les hôpitaux.
Le CHU de Besançon et l’hôpital Nord Franche-Comté disposent chacun d’un tel service, dont les spécialistes sont attentifs à diffuser leur savoir : le Pr Séverine Valmary-Degano était enseignante à l’UFR Sciences de la santé et praticienne hospitalière au CHU de Besançon lorsqu’elle a initié le lancement d’un serious game dédié à la discipline. Du CHU Grenoble Alpes où elle exerce aujourd’hui, elle continue à suivre le projet en collaboration avec le Dr Anthony Jacquier, qui a consacré sa thèse de médecine à Discovering Pathology. « La technologie donne les moyens de visualiser les lames de microscope sur ordinateur, un peu à la manière dont on lit un scanner », expliquent-ils d’une seule voix. C’est le point de départ du serious game, dont l’objectif est très concret : puisqu’ils ne peuvent tous se rendre dans un service de pathologie, les étudiants découvrent ses activités de façon virtuelle. Projetés dans la peau du médecin qu’ils deviendront plus tard, ils sont confrontés à différentes études de cas qui, du prélèvement d’échantillons à l’examen microscopique, les emmènent à leur objectif, le diagnostic. Une façon ludique et efficace de compléter les cours, comme en témoignent les appréciations des intéressés à la suite des premiers tests effectués l’an dernier : « Très utile, et très formateur ! » « C’est un bon outil pour vérifier si nos connaissances sont acquises. » « Mettre mes connaissances en pratique en raisonnant sur les cas cliniques était vraiment satisfaisant et donnait un sens aux cours théoriques. »
Discovering Pathology est un projet financé par l’Europe par le biais du FEDER, dans lequel se sont investis des médecins, des ingénieurs pédagogiques, des informaticiens et une société bordelaise spécialisée dans la réalisation de jeux vidéo. Le souhait est de diffuser cet outil pédagogique innovant à d’autres universités et hôpitaux en France, voire en Europe.
L’idée d’un retour aux sources ancestrales s’impose sans complexe aux côtés des technologies les plus pointues pour esquisser une image de la santé aujourd’hui : encouragée par la vague bio, la pharmacopée s’intéresse de plus en plus à la médecine traditionnelle et à ses formulations à base de plantes. Les héritiers de cette culture également, qui souhaitent mettre les recettes du passé à l’épreuve des avancées scientifiques et concocter de nouveaux produits. Au sein de l’unité de recherche RIGHT1, l’ingénieure Céline Viennet-Steiner et son équipe travaillent depuis quinze ans sur la peau et ses pathologies, et dans ce cadre depuis de nombreuses années en collaboration avec l’université de Naresuan en Thaïlande. Une histoire dont le premier chapitre s’écrit avec une jeune chercheure en post-doctorat à l’université de Franche-Comté, venue au laboratoire tester les principes actifs extraits d’Artocarpus altilis, plus connu sous le nom d’arbre à pain.
Depuis, les doctorants thaïlandais se sont succédé, porteurs de projets autour d’extraits de lotus, de mimosa, d’Aloe vera… La jeune chercheure des débuts est devenue doyenne de la faculté de pharmacie à l’université de Naresuan, une situation qui facilite encore les échanges. D’autres universités thaïlandaises étoffent peu à peu le partenariat.
« Les extraits de plantes sont préparés et caractérisés chimiquement en Thaïlande, puis leur potentiel biologique sur la peau est testé dans notre laboratoire sur des modèles cellulaires, raconte Céline Viennet-Steiner. Les produits pharmaceutiques élaborés à base de ces extraits sont ensuite développés et commercialisés majoritairement sur le continent asiatique, avec des directives en vigueur différentes de celles de l’union européenne ». Pour les chercheurs français, ces expériences permettent de mettre en évidence les propriétés thérapeutiques de produits d’origine végétale et de s’en inspirer pour concevoir de nouvelles molécules, en cancérologie par exemple.
Artocarpus altilis recèle des principes actifs particulièrement intéressants pour la peau et ses pathologies. « Ils ont des effets sur le vieillissement de la peau, sur sa pigmentation, sur le phénomène de cicatrisation et sur les inflammations, aussi bien les douleurs que les rougeurs qu’elles provoquent », explique l’ingénieure. Les dermatoses liées à toutes sortes de pathologies sont dans la mire des scientifiques, au même titre que les maladies de peau proprement dites, comme le psoriaris ou l’eczéma. « Nous travaillons directement sur la csellule, à partir de modèles de peau in vitro que nous avons mis au point et qui miment le vieillissement ou les défauts de cicatrisation, et qui nous aident à comprendre les mécanismes d’action en jeu. » Les chercheurs bisontins ont récemment mis en évidence la capacité d’Artocarpus altilis à inhiber la synthèse de la mélanine, une piste désormais suivie par leurs homologues thaïlandais pour le développement de produits aptes à dépigmenter la peau. Si de tels travaux sont prometteurs pour le développement de traitements et de produits dermatologiques de nouvelle génération, Céline Viennet-Steiner souligne l’importance de trouver un équilibre entre les possibilités qu’offrent la chimie, « qui reste indispensable », et la nature : « On n’identifie pas toutes les molécules dans un extrait végétal, c’est un travail long et difficile ; il faut se méfier des répercussions potentiellement nocives de certains actifs inconnus ». Se laisser séduire par les vertus de la médecine traditionnelle et une production massive à base de plantes pose également la question de l’environnement, avec le risque sous-jacent d’une exploitation abusive des ressources.
Version mobile des espaces snoezelen dédiés à la détente et à la stimulation des sens, le « chariot sensoriel » est une création de Christian Weiler, responsable de la Fondation Primeroche à Lausanne. « Les patients sont souvent perturbés lorsqu’on les déplace vers un univers qu’ils ne connaissent pas, ce qui parfois ruine le bénéfice qu’ils pourraient obtenir de séances dans un espace snoezelen. L’idée de la mise au point d’un dispositif mobile est née de ce constat », explique Christian Voirol, qui, avec son équipe à la Haute Ecole Arc Santé, se charge de mesurer l’impact de ce système innovant auprès de patients atteints de démence.
Établir un minimum de communication avec une personne qui parfois ne reconnaît plus les siens, lui apporter détente et bien-être pour apaiser ses accès de colère ou d’agressivité, les objectifs sont les mêmes, les manières d’opérer aussi : stimuler les sens grâce à la diffusion de sons, d’images, de lumières, de parfums et par des massages. Dans la démarche menée autour du chariot sensoriel, les proches aidants sont sollicités pour élaborer des moyens de communication personnalisés, avec la complicité d’un technicien média. « C’est important pour tenter de recréer un peu de l’intimité qui fait défaut, et pour venir en aide aussi à l’entourage, qui se sent impuissant et démuni. » Retrouver des photos de famille, visionner des vidéos prises pendant des vacances, filmer un environnement aimé, enregistrer des chansons favorites… à l’arrivée, un support média réalisé sur mesure pour éveiller les sens du patient, et une démarche permettant aux aidants de retrouver la personne d’une autre manière, et de s’investir auprès d’elle. « Si quelques améliorations sont constatées dans le comportement des patients, nous nous heurtons à la difficulté de mesurer un bénéfice qui ne peut être exprimé par des mots. Du côté de l’entourage en revanche, l’expérience est appréciée et se révèle positive. C’est une belle mobilisation de la technologie », conclut Christian Voirol.