Université de Franche-Comté

L’université de Franche-Comté, de Dole à Besançon (1423-1691)

Pourquoi Dole ?

Le siège de Dole en 1636

Le comté et le duché de Bourgogne formaient au début du XV­­siècle une principauté gouvernée par la riche et puissante maison des Valois, chacun des deux États obéissant cependant à ses propres lois. Campée entre le royaume de France et le Saint empire romain germanique, cette unité finira par se disloquer, et au gré des alliances et des guerres, les territoires bourguignons finiront tous par rejoindre le giron français. C’est dans ce contexte historique que naît et évolue l’université de Franche-Comté.

L’université au XV­ siècle est une institution ecclésiastique, sa création exige l’assentiment du pape. En 1422, Martin V signe la bulle pontificale autorisant la création de l’université des deux Bourgognes à Dole. Les portes de la vénérable institution s’ouvrent l’année suivante sous la gouvernance du duc Philippe le Bon.

Pourquoi Dole, et non Besançon où elle sera transférée en 1691 ? D’abord parce que Besançon est à l’époque une ville qui n’a à voir ni avec le comté, ni avec le duché de Bourgogne, pas plus d’ailleurs qu’avec la France : c’est une ville impériale, et son cas est très particulier dans l’histoire. Enclavée au beau milieu du comté de Bourgogne, Besançon conserve son statut de ville impériale pendant plusieurs siècles, après qu’elle a rompu avec la tutelle de l’archevêché comtois en 1290 pour se placer sous la protection de l’empereur.

Au XV ­siècle, la ville la plus importante de la Comté est Salins, dont les salines constituent l’un des plus grands centres industriels d’Europe : le sel extrait de son sol, l’or blanc, assure plus de la moitié des ressources de la province. Mais Dole est une place parlementaire et religieuse : en alternance avec Beaune, elle reçoit les sessions du Parlement bourguignon-comtois ; elle dispose en outre d’une collégiale1 contrôlée par les comtes de Bourgogne. Le profane et le sacré ne sont jamais très loin à cette époque ; Dole en est une bonne illustration, et présente de ce fait un contexte favorable à l’installation de l’université dans ses murs.

Un autre atout de Dole, et non des moindres, est d’être située à la frontière entre le comté et le duché. Gray bénéficiait aussi de cette situation frontalière, et ce n’est pas un hasard si c’est là que la toute première université comtoise fut fondée, en 1291. « Le médiéviste Francis Rapp affirme qu’au-delà de la seule intention, comme on l’a longtemps supposé, une université a réellement existé et fonctionné à Gray, mais sans doute sur une période très courte, faute de moyens suffisants », raconte Paul Delsalle, professeur émérite d’histoire moderne à l’uFC, spécialiste de la Franche-Comté. Enfin, Dole est une ville ne comptant pas plus de 4 000 habitants, un avantage à une époque où on cherche à fonder les lieux de savoir dans des petites cités tranquilles plutôt que dans des localités plus importantes, potentiellement plus agitées.

À Dole, l’université accueille l’élite comtoise, seigneurs propriétaires terriens et nobles distingués pour services rendus à la Cour ou sur le champ de bataille ; ses professeurs leur enseignent la théologie, la médecine et surtout les droits civil et canon, disciplines dont l’université tire sa bonne réputation. Entre affaires citoyennes et religieuses, les deux droits sont indissociables. Et en cette période de constitution des États, la formation d’ecclésiastiques et plus encore de juristes, qui contrôlent toutes les institutions politiques, est une priorité.

Au nombre des plus anciennes que compte la France actuelle, l’université des deux Bourgognes conserve une taille modeste pendant plusieurs siècles. À l’époque de Charles Quint, pendant la première moitié du XVI ­siècle, elle accueille une cinquantaine d’étudiants. Avant sa création, les Comtois étaient envoyés principalement à Bologne, à Pavie et à Ferrare dans les États italiens. Ils continuent cependant à fréquenter ces universités, dont la liste s’allonge avec Louvain aux Pays-Bas, ou encore Orléans et Caen, les cursus s’effectuant à l’époque dans plusieurs universités.

 

1 Église accueillant un collège de chanoines

 

Transfert à Besançon

Sur le territoire comtois, les relations sont bonnes entre Dole et Besançon, dont le puissant abbé de Saint-Paul avait d’ailleurs intercédé auprès du pape en faveur de la fondation de l’alma mater à Dole. Le transfert définitif de l’université à Besançon intervient en 1691, plus de deux siècles et demi après sa création. Il est lié à la conquête de la Franche-Comté par Louis X­I­V, qui réussit là où Louis X­I et Henri I­V avaient échoué : en 1678, le traité de Nimègue ratifie le rattachement de la Franche-Comté au royaume de France. « Dole a toujours opposé une farouche résistance à la France. Louis X­I la fait entièrement détruire, et l’université s’installe alors à Poligny et à Besançon, le temps de la reconstruction de la ville au début du X­V­I­ siècle. Henri I­V, lui, n’ose pas s’attaquer aux redoutables fortifications à l’italienne, très modernes et inconnues des Français, dont la cité s’est alors pourvue. »

En 1636, à l’époque de Louis X­I­I­I, Dole oppose un siège héroïque à l’envahisseur, des mois durant. Quelques décennies plus tard, alors que le contexte est pour différentes raisons devenu favorable au royaume de France, sa conquête par Louis X­I­V fait figure de « promenade militaire ». Mais les rébellions passées de la ville lui valent d’être punie au profit de Besançon. Une dizaine d’années avant le traité de Nimègue, la ville impériale était redevenue comtoise par un jeu d’échanges de territoires. Les conditions étaient dès lors réunies pour que Besançon accueille les institutions installées à Dole, et parmi elles, l’université.

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