Université de Franche-Comté

Jeux vidéo violents : crainte légitime ou stigmatisation ?

Photo Piotr Drabik

Columbine, États-Unis, 1999 : treize étudiants et un professeur tombent sous la folie meurtrière de deux étudiants qui se suicident sur le lieu de leurs crimes. Cet événement tragique, qui a choqué l’Amérique et le monde entier, a alimenté le débat en faveur de l’interdiction des jeux vidéo violents en Suisse au milieu des années 2000.

Car comme lors d’autres massacres que le monde a déplorés, la pratique de jeux vidéo violents par les tueurs a été pointée du doigt pour donner une explication, sinon un sens, à leurs gestes fatals. Perte de l’empathie et perte de la notion de réalité figurent au rang des premiers chefs d’accusation de ces jeux sur le psychisme de leurs adeptes, et faciliteraient le passage à l’acte.

Un autre courant de pensée met en cause ce jugement : 85 à 90 % des jeunes de 12 à 18 ans jouent à des jeux vidéo violents, des chiffres éloquents proportionnellement au nombre de responsables de tueries. Professeur en communication et médias sociaux à la Haute Ecole de gestion Arc, Michael Perret a mené dix ans de recherches sur le sujet, aujourd’hui couronnées par une thèse, parallèlement à son enseignement.

 

 

Le jeu, symptôme parfois de malaise

Andrey Popov (Shutterstock)

Son travail met en lien le discours politique et le traitement médiatique qui ont cours depuis les années 1990 autour du jeu vidéo violent, et la pratique du jeu elle-même, pour mieux cerner le regard que peut avoir le législateur sur le phénomène. « Les conclusions de l’étude de cas détaillée que j’ai réalisée auprès d’une joueuse vont dans le même sens que les résultats d’études plus généralistes. Elles montrent notamment que la violence existe entre les joueurs et entre les joueurs et les spectateurs, lorsque le jeu fait l’objet d’un chat sur internet ; mais la pratique proprement dite du jeu ne se focalise pas nécessairement sur l’utilisation d’éléments violents pour réussir. »

Si l’analyse de Michael Perret souligne une agressivité parfois feinte, parfois bien réelle, de certains joueurs ou spectateurs, notamment des hommes envers les femmes, elle montre en fait que le jeu n’en est qu’un lieu d’expression parmi d’autres. De la même façon, le chercheur relève que « le numérique n’est pas en lui-même le problème, mais parfois l’indice d’un problème à chercher ailleurs, le symptôme d’un malaise souvent d’ordre psychologique ». Au-delà des premières conclusions tirées à chaud, l’enquête sur la fusillade de Columbine a révélé qu’il fallait chercher plus loin que la pratique de jeux vidéo violents pour tenter d’expliquer le geste des tueurs, en réalité en grande souffrance psychique depuis plusieurs années.

Si la problématique des jeux vidéo violents n’est pas nouvelle, elle reste d’actualité et suscite des inquiétudes légitimes chez les parents ou dans la société. Pour y répondre, le législateur suisse a décidé d’opter pour des mesures moins radicales que l’interdiction pure et simple des ventes comme le prévoyait un projet de loi en 2010, dont l’application a été jugée peu réaliste. « La discussion s’oriente aujourd’hui sur une régulation des contenus problématiques dans les jeux vidéo et les films, résultant d’une concertation entre l’État et les acteurs du domaine. »

Contact(s) :
Haute Ecole de gestion Arc
Michael Perret
Tél. +41 (0)32 930 23 48
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