Université de Franche-Comté

Besançon et la planète mathématiques

Les maths se portent bien à l’université, où le Laboratoire de mathématiques de Besançon (LMB) cultive un réseau de collaborations actives avec l’entreprise et la sphère académique à travers le monde entier. Déjà au XVIII siècle, le mathématicien comtois Mathieu-Joseph Jacques faisait parler de lui jusque dans le bureau de d’Alambert, le célèbre encyclopédiste…

 

Rayonnement scientifique au siècle des Lumières

Mathieu-Joseph Jacques (1736-1821) marque l’époque des Lumières par ses travaux de mathématicien, mais pas seulement. Né dans une famille de cultivateurs à Arc-sous-Montenot (25), le futur savant fait preuve d’une curiosité d’esprit et d’une rigueur scientifique qui lui valent de se distinguer dans différentes disciplines et d’obtenir la reconnaissance de ses contemporains.

Après l’enseignement qu’il reçoit de la part d’un grammairien d’Ornans puis au collège de Salins, Mathieu-Joseph Jacques rejoint les bancs de l’université de Besançon où il suit des études de théologie. Il exerce sa mission de prêtre avant d’endosser le rôle d’enseignant, d’abord en philosophie au collège de Lons-le-Saunier, puis en mathématique au collège Saint-Louis de Besançon. Ses travaux attirent l’attention de d’Alembert, qui dirige aux côtés de Diderot l’édition de la fameuse Encyclopédie, et qui dira à son propos : « Je ne croyais pas qu’on trouvât en province des mathématiciens de cette force ».

Le Comtois revient cependant aux origines de sa formation en 1776, alors qu’il obtient la chaire de théologie à l’université de Besançon. Une chaire dont il sera destitué lors de la Révolution, une situation qui l’oblige à s’exiler en Suisse, puis en Allemagne. L’occasion pour lui d’apprendre la langue allemande… et d’en rédiger une grammaire. De retour sur le sol français en 1801, il s’installe à Paris où il poursuit des travaux commencés en exil et fait imprimer plusieurs ouvrages. Bien qu’il ne réside plus dans cette ville, il retrouve sa place de titulaire au sein de l’Académie de Besançon, institution qu’il avait rejointe dès 1769.

Recteur de l’université bisontine à deux reprises, en 1779 et 1789, c’est cependant à Lyon, où il est nommé doyen de la faculté de théologie en 1810, qu’il termine sa carrière ; il y dispense son enseignement presque jusqu’à sa mort, malgré la cécité dont il souffre les dernières années. Outre ses recherches, Mathieu-Joseph Jacques a aussi innové en matière de pédagogie. À partir de 1781, il ne dicte plus ses cours, mais en fournit une version imprimée à ses élèves, du temps gagné pour mieux les expliquer…

 

Réputation internationale

La réputation et le dynamisme des mathématiques à Besançon ne se sont pas démentis au fil du temps. En 1900, pour ne citer que cet exemple symbolique, Louis Bachelier soutenait à l’université une thèse qui allait poser le fondement des mathématiques financières modernes. Le colloque qui porte aujourd’hui son nom réunit tous les ans à Besançon des spécialistes du monde entier autour des questions de finance et d’actuariat.

Photo Marc Le Mené

Ce congrès est à l’image des événements qu’organise le Laboratoire de mathématiques de Besançon (LMB), dont les collaborations sont régulières avec des universités ou structures de recherche dans une quarantaine de pays. La fibre internationale est inscrite dans l’ADN du laboratoire, qui ne compte pas moins d’une dizaine de nationalités dans les rangs de ses membres permanents, et qui accueille des post-doctorants en provenance des quatre coins du monde. La mobilité suit également le chemin inverse…

Responsable du master Modélisation statistique à l’université, Camélia Goga encadre des travaux de thèse dont certains conduisent les étudiants bien au-delà des frontières de l’Hexagone. « Les sujets de recherche sont nombreux, intéressants, et les besoins des entreprises exigent des compétences en statistique, en informatique et en optimisation. » Le parcours sans faute de Mehdi Dagdoug, qui le mène aujourd’hui à inaugurer sa carrière d’enseignant-chercheur de l’autre côté de l’Atlantique, illustre bien cette réalité.

Originaire de Gray, Mehdi Dagdoug suit un cursus en mathématiques à Besançon couronné par une place de major de promotion à l’issue du master. Encouragé par Camélia Goga et l’un de ses collègues canadiens de l’université d’Ottawa, qui codirigeront ensuite ses travaux, il se lance dans la réalisation d’une thèse dans laquelle il combine techniques de sondages, modélisation statistique et machine learning. Une thèse financée par la Région Bourgogne Franche-Comté et par la société Médiamétrie, qui y voit des applications potentielles pour la mesure d’audience des médias. « Les méthodes d’estimation et les algorithmes mis au point au cours de ses travaux sont fondés sur des méthodes telles que random forest ou matrix completion ; ils permettent, grâce aux apports de l’intelligence artificielle, de compléter les manques dans les retours d’audience et de construire une estimation plus précise. »

La thèse a valu à son auteur une publication dans une revue scientifique de haute volée, en même temps qu’un prix attribué par la Société française de statistique en 2022. Mehdi Dagdoug poursuit ensuite ses travaux en post-doctorat à l’université d’Ottawa, et vient de passer avec succès un concours professoral : en août prochain, le jeune chercheur prendra son poste d’assistant-professeur à la prestigieuse université McGill à Montréal.

 

En prise directe avec l’innovation

Lorsque Camélia Goga lui propose d’entrer dans le cofinancement d’une thèse en statistique consacrée à l’échantillonnage en grande dimension, Aurélie Vanheuverzwyn, directrice exécutive chez Médiamétrie, se montre tout de suite intéressée : « C’est un domaine qui recèle un fort potentiel d’applications pour notre problématique médias, et c’est aussi une démarche de soutien à la recherche qui nous permet d’être en lien direct avec l’innovation ».

Médiamétrie mesure l’audience des médias TV, radio et internet en France, par des sondages réalisés auprès de milliers d’individus constituant, selon la formule consacrée, des échantillons représentatifs de la population. Tout dispositif d’enquête par sondage peut présenter des données manquantes, soit parce que les individus refusent de répondre à tout ou partie de l’enquête, soit parce que leurs données sont partiellement collectées.

C’est là qu’entre en jeu la thèse de Mehdi Dagdoug, dont Médiamétrie s’approprie peu à peu les résultats pour les appliquer sur le terrain. Médiamétrie est membre de la Société française de statistique et participe à de nombreux colloques concernant son domaine d’intérêt. C’est par ce biais que l’entreprise de Levallois-Perret a établi des liens avec le LMB voilà de nombreuses années, formalisés par la signature d’un premier accord de collaboration en 2010. « En France, la théorie des sondages tient une place assez limitée dans la formation en mathématique, alors que les besoins sont croissants et les domaines d’application de plus en plus variés. La recherche en la matière est particulièrement dynamique à Besançon, où le LMB est un pôle d’excellence. »

Selon Aurélie Vanheuverzwyn, les méthodes d’échantillonnage ont un avenir à chercher aussi dans l’analyse des données massives, qui exigent des capacités de stockage et de traitement informatique considérables. « Filtrer les données et réaliser des échantillonnages pertinents grâce à des méthodes mathématiques innovantes sont des pistes de développement qui vont dans le sens de la sobriété numérique. »

Contact(s) :
LMB
UFC / CNRS
Camélia Goga
Tél. +33 (0)3 81 66 63 24

Médiamétrie
Aurélie Vanheuverzwyn
Tél. +33 (0)1 47 58 94 52
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