Elle influe sur la santé autant qu’elle révèle les identités culturelles, elle est tributaire des ressources qu’offre la planète et du travail des hommes : de l’environnement jusqu’à nos assiettes, l’alimentation est une affaire d’équilibre…
6 543 : c’est à ce nombre incroyable de publicités que les enfants et jeunes adolescents ont été exposés sur les médias sociaux pendant les trois semaines d’une enquête marketing menée en Suisse. Une recherche assurée courant 2023 par la Haute école de gestion Arc sur mandat de l’OSAV, l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires, soucieux de connaître l’impact de la publicité numérique sur les jeunes générations dans un pays où près d’un quart des enfants de 5 à 9 ans sont concernés par le surpoids ou l’obésité (Promotion santé Suisse, 2021).
Le monitoring, réalisé de façon continue avec la méthode CLICK de l’OMS sur les tablettes ou smartphones de 77 enfants âgés de 4 à 16 ans, montre que ce sont les 4/9 ans qui sont justement les plus fortement exposés à la publicité : 50 % des vues concernent cette tranche d’âge, contre 25 % respectivement pour les 10/12 ans et les 13/16 ans. L’alimentation et les boissons représentent 11,74 % de l’ensemble des publicités capturées au cours de la période, ce qui ne représente pas moins de 768 publicités, dont près d’une sur quatre concerne les chocolats et sucreries.
92,5 % des publicités pour l’alimentation ont été capturées sur YouTube, loin devant Instagram (7,18 %), Snapchat et Twitter, chacun bien en-dessous de 1 %. « La prépondérance très marquée de YouTube s’explique en partie par le fait que c’est le réseau favori des plus jeunes, qui n’ont par ailleurs pas accès à Facebook », précise Julien Intartaglia, directeur de l’Institut de la communication et du marketing expérientiel à la HEG-Arc, et pilote de l’enquête.
Autre chiffre saisissant : 78 % de ces publicités sont considérées comme non autorisées pour les enfants, selon le modèle du profil nutritionnel de l’OMS ; elles assurent la promotion d’aliments à teneur élevée en graisses, sel et sucre, connus sous l’acronyme HFSS (High Fat Sugar Salt). Les paramètres se combinent donc de façon très défavorable pour l’alimentation et la santé des plus jeunes : « Avant 7 ans, les enfants sont à la recherche perpétuelle du plaisir et de la satisfaction immédiate. Cette quête hédoniste est renforcée par le fait que les réseaux sociaux sont des vecteurs de communication addictifs, ce que ne sont pas les médias classiques comme l’affichage par exemple.
Une exposition répétée à la promotion d’aliments HFSS par le biais des réseaux sociaux peut amener à des habitudes de consommation néfastes, d’autant plus que les comportements alimentaires s’ancrent dès l’enfance. » Pour le chercheur, il convient de faire prendre conscience de ces risques aux enfants, ainsi que d’ailleurs à leurs parents et aux adultes en général : « Si on ne peut pas lutter contre les réseaux sociaux, on a le devoir d’accompagner l’enfant à travers le dédale qu’ils représentent. »
Les conclusions de l’étude ont été remises à l’OSAV. L’office fédéral pourra émettre des propositions pour légiférer et peut-être intervenir auprès des industriels, sachant que sur les 65 marques de produits alimentaires recensées au cours de l’enquête, 49 ont diffusé des publicités assurant la promotion d’aliments HFSS, telles que Migros, Lindt, Nestlé, Coca-Cola ou Ovomaltine.