Université de Franche-Comté

Comment les vidéos jouent sur le comportement alimentaire des enfants

Photo Shutterstock

La publicité est-elle encore un acte commercial traditionnel ? Depuis que la technologie autorise la réciprocité, l’interaction est de mise entre diffuseur et récepteur d’un message : des échanges se créent, des liens s’établissent, le registre émotionnel et affectif peut fonctionner à plein. Il n’en reste pas moins que sous ses airs complices, la pub reste de la pub. Julien Intartaglia est doyen de l’Institut de la communication et du marketing expérientiel à la Haute école de gestion Arc.

Sur mandat de l’association Promotion santé Valais, il a lancé avec son équipe une étude en neuromarketing pour évaluer l’influence de la publicité sur le comportement alimentaire des enfants. « Avec deux milliards d’utilisateurs par mois, YouTube est un média à part entière. Nous avons voulu mesurer l’impact des vidéos réalisées par des influenceurs sur le niveau d’attention, les émotions et les choix alimentaires du jeune public de 4 à 13 ans. » On sait que la moitié des marques consommées enfant continuent à l’être à l’âge adulte, qu’elles soient présentes sur la table du petit déjeuner familial ou vantées sur YouTube.

Plus souvent du registre de la malbouffe que de l’équilibre alimentaire, celles-ci opèrent une influence d’autant plus insidieuse que les produits se déguisent sous un habillage ludique et s’exposent hors des sentiers traditionnellement balisés par la pub. L’ unboxing, qui consiste à déballer ses colis sous les yeux d’une caméra, en est un exemple. « Le kids unboxing est un véritable outil marketing, mais l’étude met en évidence que ces vidéos ne sont pas perçues comme de la publicité, ni par les enfants, ni par les parents. » Dans l’étude, les mesures effectuées par eye tracking, technologie permettant de suivre précisément le regard, montrent que devant le contenu d’un colis, l’attention visuelle des enfants est en premier lieu captée par les produits sucrés.

 

Une irrésistible envie de sucré

« Plus les enfants sont jeunes, plus ils sont à même de fixer leur attention sur un grand nombre de produits. Et si ces vidéos n’influencent pas directement le choix d’un produit alimentaire, elles donnent envie de manger. » Une envie de sucre, associée à un sentiment de détente que confirment les analyses d’activité cérébrale par électroencéphalogramme. De là à mener à l’addiction, il n’y a qu’un pas, d’autant plus facile à franchir que les enfants sont devenus des prescripteurs, des acteurs à part entière du processus de consommation. Ces résultats d’enquête confirment l’importance de l’enjeu non seulement en Suisse, où 15 % des enfants étaient déclarés en surpoids ou obèses par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) en 2020, mais aussi dans les nombreux pays de l’hémisphère nord touchés par les problèmes d’obésité. Pour lutter contre le phénomène, Julien Intartaglia préconise en premier lieu de sensibiliser les parents à l’existence de telles techniques de manipulation pour créer une prise de conscience. « 95 % de nos apprentissages, de nos pensées, de nos jugements se forment de manière automatique, donc non consciemment, et finissent par être intégrés à notre mode de fonctionnement : il faut très tôt se montrer vigilant et se focaliser sur des changements au quotidien. » Comme réduire le taux d’exposition aux écrans, estimé pour les enfants de 2 à 4 ans à… 2 h 39 par jour ! (Chiffres 2020, rapport de l’ONG Common Sense Media).

 

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