Université de Franche-Comté

Vortex optique et soliton noir pour « sculpter » la matière et créer des guides d’onde

Les interactions de la lumière avec la matière ne cessent de surprendre. Surtout lorsqu'on « malaxe » et « travaille » la lumière pour lui conférer des propriétés particulières. Elle peut alors transformer certains matériaux en changeant localement et de façon très précise leur indice de réfraction, et ainsi créer des guides d'onde, des chemins dans lesquels une autre onde lumineuse, plus classique, sera conduite.

 

 

Un faisceau lumineux, issu d'un laser, est transformé en vortex optique : à l'image d'un tourbillon, la phase de l'onde lumineuse tourne de façon continue autour d'un point central. Le front de l'onde est en forme de spirale et non plus plane ou sphérique, et tourne autour de la direction de propagation. Il existe plusieurs méthodes pour générer de tels faisceaux lumineux. Dans le cas présent, la diffraction d'un faisceau laser classique par un hologramme de phase permet de coder la phase en spirale recherchée pour obtenir un vortex optique.

 

 

Un faisceau au cœur noir

Au centre de ce faisceau, toutes les phases entre 0 et 360° coexistent… et s'annulent par interférences destructives. Son cœur est donc complètement noir.

 

Une des applications de ces vortex optiques est la réalisation de pinces optiques pour le piégeage de particules. En effet, les photons véhiculés par ces vortex possèdent un moment orbital (le vecteur d'onde tourne autour de la direction de propagation du faisceau lumineux) qui peut être transmis aux particules. Elles se retrouvent en rotation, piégées au cœur du vortex. Ce qui en fait une façon de les manipuler.

 

Mais là n'est pas ce qui intéresse les chercheurs du département d'optique de l'Institut FEMTO-ST. Eux cherchent plutôt à les utiliser pour « sculpter » certains matériaux, dits photoréfractifs. Un peu comme une mèche de perceuse vient creuser dans la matière. Sauf que la mèche est de lumière et que le « trou » consiste plutôt en une redistribution des électrons dans la structure cristalline. Ils s'arrachent de certains atomes pour se retrouver sous l'attraction d'autres. Cette redistribution locale a pour effet de changer l'indice de réfraction du cristal à l'endroit du passage du faisceau. Si cette modulation d'indice est suffisante, la lumière sera alors guidée dans le « chemin » ainsi construit.

 

 

Profil 3D de l'intensité et de la phase d'un vortex optique

 Profil 3D de l'intensité d'un vortex optique et profil 3D de la phase d'un vortex optique

 

 

 

Vers la création de guides d'onde sans masques, sans lithographie, sans usinage

Pour obtenir un tel guide d'onde, il est néanmoins nécessaire de s'assurer que le vortex ne diffracte pas en se propageant, c'est-à-dire que le cœur noir du faisceau ne s'élargit pas au fur et à mesure de sa propagation dans le cristal, ce qui donnerait un guide en forme d'entonnoir. Or, les solitons possèdent ces caractéristiques de propagation. L'objectif de l'équipe a donc été de créer un soliton pour que la taille du guide reste constante. Il s'agit ici d'un soliton noir puisque c'est le centre du faisceau qui se propage sans se modifier. Cela est rendu possible car la modulation d'indice inscrite dans le matériau compense l'effet de diffraction.

 

 

Un système permanent et réversible

Le dispositif expérimental a été mis en œuvre et des guides d'onde ont été réalisés. Mieux encore, il est possible d'inscrire plusieurs guides ou de les faire bifurquer pour créer du multiplexage. L'intérêt supplémentaire du dispositif bisontin est qu'il utilise un cristal photoréfractif particulier, le niobate de lithium, pour lequel l'effet induit par le faisceau vortex est non seulement permanent mais aussi réversible. Permanent, parce que si le matériau n'est pas exposé à un rayonnement pour lequel il est photosensible, il garde ses propriétés. Réversible, parce que si au contraire on vient l'éclairer uniformément avec un rayonnement pour lequel ce matériau est photosensible, le guide inscrit est effacé et le matériau est à nouveau vierge et prêt pour l'inscription d'un nouveau guide.

 

On peut alors envisager — ou rêver — des structures complexes guidantes en 3D, inscrites au cœur des cristaux — et non plus à leur surface —, reconfigurables en fonction des besoins. De tels guides seraient particulièrement utiles dans le domaine des télécommunications. Ce travail expérimental en est au stade de la recherche fondamentale et il s'accompagne d'un énorme travail de modélisation des phénomènes en jeu lors de la propagation du vortex optique dans ces matériaux photoréfractifs. Pour le moment, les temps d'interaction entre la lumière et le cristal pour conférer à ce dernier les propriétés recherchées ne sont pas encore compatibles avec les temps demandés dans les télécommunications. Mais qui sait ?

 

 

Contact : Fabrice Devaux

Département d'optique P.M. Duffieux – Institut FEMTO-ST

Université de Franche-Comté / UTBM / ENSMM / CNRS

Tél. (0033/0) 3 81 66 64 27

Fax (0033/0) 3 81 66 64 23

 

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