Université de Franche-Comté

Visages de Marianne

SOMMAIRE

 

Introduction

 

République…

 

L'édifice du droit

 

 

La IIIe République érigée en modèle

 

 

Reconsidérer la tradition républicaine

 

 

 


  

 

 

Constitution du 4 octobre 1958

 

ARTICLE PREMIER


« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. »

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République…

À bien y regarder, le terme est plus équivoque qu’il n’y paraît. En France, la République fonde d’une façon tellement forte l'identité de la nation qu’elle donne à penser, à tort, qu’il n’en existerait qu’un modèle. Née d’une longue histoire et d’un héritage humaniste, elle est intimement liée à l’idée de démocratie, pourtant la démocratie n’est pas l’apanage de la République.

 

En France, la République s’annonce comme un renouveau dans la lignée de la Révolution de 1789, après des siècles de monarchie, à laquelle elle s'oppose farouchement. Elle se débarrasse peu à peu du carcan religieux et n’entend plus soumettre sa loi à l’influence d’un dogme. Traditionnellement opposée à toute forme de fédéralisme, elle veut faire de son unité une garantie d’égalité pour l’ensemble de ses citoyens. Ailleurs, la république s’associe à la religion, c’est le cas des républiques islamiques comme l’Iran ; elle ne craint pas d’emboîter divers degrés de citoyenneté, comme aux États-Unis. Ailleurs encore, c’est une monarchie constitutionnelle qui défend le principe démocratique, comme en Angleterre ou en Espagne…

 

Dans l’ouvrage La République a-t-elle encore un sens ?, tiré d’une thèse réalisée au laboratoire de philosophie de l’université de Franche-Comté, Daniel Arnaud définit la république comme « un être indépendant et se gouvernant soi-même, éventuellement au moyen d’une représentation, sans préjuger de la nature du lien unissant ses membres. » Ce lien, qu’il soit religieux, civique, social ou économique, serait le ciment de l’édification d’un bien commun admis par tous, exprimé dans l’étymologie même res publica, « la chose publique ». Ce principe posé, il reste à définir la forme de gouvernance qui servira cet intérêt, avec le droit pour instrument : ainsi la république n’est pas en soi une forme institutionnelle. Elle peut revêtir de multiples formes, comme le suggèrent les nombreux qualificatifs qu’elle emprunte à travers le temps et de par le monde, Républiques romaine et athénienne, République populaire de Chine, République socialiste soviétique…

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L’édifice du droit

Chers à la République française, les droits de l’homme et du citoyen trouvent leur origine dans le droit naturel et divin : les lois de la Création originelle, dépouillées de l’influence de la société et de l’histoire, laissent émerger les caractères et les besoins intrinsèques de l’être humain, donnant naissance aux principes sacrés et inviolables des droits de l’homme.

 

À partir du XVIe siècle, l’école du droit naturel moderne met en avant la nature humaine, s’appuie sur la Raison, et veut s’affranchir de la théologie. Jean Bodin affirme, dans Six livres de la République, les principes sociopolitiques d’une puissance souveraine, supérieure et autonome, prémices des fondements des républiques contemporaines.

 

1789 jette les bases d’une société nouvelle. Le mouvement d’individualisation né de la Révolution française remet en cause un fonctionnement de protection jusque-là fondé sur le groupe social. Qu’il soit issu du clergé, de la noblesse ou du tiers-état, chaque groupe possède un statut et une protection propres. « La Révolution française, en favorisant la liberté, fait éclater ce fonctionnement et perdre les privilèges accordés à chaque groupe social ; il devient impératif de protéger l’individu, désormais isolé face à la puissance de l’intérêt général », explique Yann-Arzel Durelle-Marc, historien du droit à l’université de Franche-Comté.

 

Mais il faudra attendre la IIIe République pour voir un nouveau système de garantie se mettre en place, formulant en termes de lois des principes élaborés depuis 1789, voire 1750. Après des démarrages hésitants au cours de périodes instables voyant se succéder les régimes politiques, la IIIe République (1871-1914) apparaît à bien des égards une période charnière, posant les fondements qui, depuis, constituent le socle de la République française.

 

Buste de Marianne

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Grands symboles et petite histoire…

 

Le drapeau français et le 14 juillet, deux des plus grands symboles de la République, sont issus de la Révolution française, mais avec une certaine ironie, adoptés sous la monarchie !

 

Les trois couleurs représentent, dès juillet 1789, la Nation souveraine et le Nouveau Régime par l’association du blanc de la monarchie et des couleurs du peuple parisien vainqueur de la Bastille, le rouge et le bleu étant traditionnellement associés à la ville de Paris. Menacé à plusieurs reprises au fil tourmenté de l’histoire post-révolutionnaire, le drapeau tricolore s’impose sans interruption depuis la Monarchie de Juillet.

 

Quant à la fête nationale, qui renaît sous la IIIe République, elle ne célèbre pas à proprement parler la prise de la Bastille, mais plutôt sa commémoration unanimiste par la fête de la Fédération, qui, réunissant les gardes nationales de tous les départements sur le champ de Mars à la date symbolique du 14 juillet 1790, affirme la volonté d’unité du pays. « Il était impossible en 1880 de célébrer directement un événement insurrectionnel, les modérés au pouvoir ne pouvaient le tolérer » raconte Frank Laidié, historien du droit à l’université de Franche-Comté.

 

Marianne, née elle sous la Ire République, est une référence à l’Antiquité, dont la tradition imprègne la culture révolutionnaire. Cette allégorie de la liberté et de la république rappelle aussi Cérès, la déesse romaine de l’agriculture et de l’abondance, elle-même très symbolique pour la société rurale qu’est la France de la fin du XVIIIe siècle.

 

Statue de Cérès, déesse romaine de l'agriculture

 

Cérès, déesse romaine de l'agriculture, a inspiré Marianne

 

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La IIIe  République érigée en modèle

L’activisme du législateur prend en cette fin de siècle sa source dans une inquiétude collective face à une société désireuse de progrès, mais taraudée par l’idée de décadence : il fallait œuvrer à l’édification de lois qui modifieraient le cours même de la République. Les lois de laïcité, de protection de la jeunesse, du droit des femmes et des pauvres, de la réforme pénitentiaire nées alors, si elles s’imposent aujourd’hui comme des évidences, ont été souvent gagnées de haute lutte par des législateurs soucieux de bâtir, avec l’avènement de la IIIe République, la société civile républicaine. Malgré la pérennité de leur œuvre législative, les noms du sénateur René Bérenger, père de la réforme pénitenciaire, et du juriste Raymond Saleilles, ont sombré dans l’oubli, emportant avec eux une certaine mémoire de la république. Annie Stora-Lamarre a été enseignant-chercheur en histoire contemporaine à l’université de Franche-Comté. Dans son livre La République des faibles, elle interroge cette mémoire des lois, que l’« on aurait tort de considérer de façon purement technique et juridique tant elles sont chargées d’épaisseur historique. »

 

De 1880 à 1910, nombre de lois morales trouvent leur origine dans le renouveau d’idées distillées par le siècle des Lumières puis la Révolution française, où « le droit exprime ce que l’homme veut pour sa société. » Des hommes comme Bérenger voulaient pour elle éloigner le spectre de la décadence et protéger les plus faibles de ses excès et de ses cruautés. Pour réaliser la république du droit, les législateurs récusent alors la philosophie du déterminisme, à la base de l’anthropologie criminelle de l’époque donnant aux « criminels nés » le visage du monstre.

 

Dans un contexte hostile, marqué par l’antisémitisme de l’affaire Dreyfus et la xénophobie visant les étrangers italiens et polonais, les législateurs étayent leurs prises de position de références historiques, religieuses, philosophiques, voire scientifiques, servis par un mouvement intellectuel favorable à des échanges fructueux avec d’autres pays d’Europe, où des expériences législatives fortes procèdent d’un même élan. Pour ces entrepreneurs de lois, il fallait placer le libre arbitre de l’homme et son environnement social au centre de la réflexion. Dès lors, ce n’est plus l’idée de nature, prévalant au début du siècle, mais bien l’émergence d’une société « solidariste », qui fonde la question sociale.

 

Inspirées par une société marquée par le malheur, les lois morales de la république ont pour vocation la protection des plus faibles, enfants maltraités, abandonnés, filles-mères délaissées, mineures prostituées… Après des siècles d’autorité paternelle incontestée, la loi du 24 juillet 1889 institue la déchéance du père, remettant en cause en même temps que son omnipotence un fondement essentiel du catholicisme social d’alors.

 

 

Fronton d'un Palais de justice

 

 

L’instruction rendue obligatoire et gratuite par la loi de 1881 et la liberté de la presse acquise la même année favorisent la circulation des informations et la prise de conscience des maux de la société. La loi du 18 avril 1898 punit les actes de cruauté et les violences commises envers les enfants, celle du 16 novembre 1912 affirme la reconnaissance judiciaire de la paternité naturelle, exige réparation auprès des filles abandonnées avec un enfant et mises au ban de la société. La réparation est une idée neuve qui s’applique également au monde ouvrier. La loi du 9 avril 1898 veut établir les responsabilités en cas d’accident. De fautif, l’ouvrier devient victime des excès du machinisme et de la révolution industrielle. Ces lois, et bien d’autres encore, se sont élaborées en interdépendance pour construire une justice plus humaine, tournée vers la société et la prise en compte de l’individu. La IIIe République marque en ce sens un tournant radical dans l’histoire politique de la République, « au point d’en constituer le modèle dont il faut reconstruire l’intelligibilité. »

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Intermittents du vote

 

L’abstention, en France comme dans toutes les démocraties occidentales, augmente de façon notable à partir du milieu des années 1980, principalement sous l’influence des abstentionnistes dits « dans le jeu politique ». Intéressés par la vie politique, souvent engagés dans des associations ou participant à des forums citoyens, ils trouvent dans l’abstention un moyen de montrer leur désaccord avec un système qui ne leur convient plus. « Ce sont des intermittents du vote plutôt que de véritables abstentionnistes, explique Sylvie Guigon, sociologue à l’université de Franche-Comté. Au-delà des clivages politiques, ils reviennent aux urnes dès lors qu’un discours ou des propositions nouvelles sont capables de les convaincre. L’intérêt fait à nouveau place au désenchantement. »

 

Dans un contexte aussi mouvant, difficile de prédire le taux d’abstention aux futures élections, un scrutin ne pouvant présager d’un suivant. 2002 demeure un cas particulier dans l’histoire des présidentielles, avec un taux d’abstention record de 28,4 %, motivé par un très grand nombre de candidats et le sentiment d’un second tour Chirac / Jospin joué d’avance. En quoi on se trompait lourdement, et l’annonce d’un affrontement Chirac / Le Pen a fait l’effet d’une bombe dont les répercussions ont été ressenties jusqu’à la présidentielle suivante. « On ne sait pas si l’effet mémoire de 2002 jouera encore en 2012, pas plus qu’on ne sait si les discours des candidats sauront conduire les électeurs aux urnes. » On est sûr, en revanche, de l’évolution du rapport entre le citoyen et la politique. Le vote s’apparente désormais moins à un devoir qu’à un droit dont on dispose à sa guise. Il n’est plus un indicateur de participation à la vie citoyenne comme auparavant, et c’est ailleurs que se trouve l’engagement politique, au demeurant toujours bien réel.

 

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Reconsidérer la tradition républicaine 

Si la loi est un élément constitutif et capital de la république, elle ne manque pas de souffrir de certaines ambiguïtés. La République, ballotée entre les idées qu’on veut bien lui prêter et une réalité parfois décalée, se trouve mise à mal et sujette à caution. Les débats fleurissent autour de ses principes et d’un héritage historique et culturel dont il lui faut bien tenir compte.

 

En France, l’exemple le plus symbolique se trouve dans l’affirmation de sa laïcité, contredite par des usages comme un calendrier toujours rythmé par les fêtes catholiques, le financement par l’État des lycées privés ou le régime concordataire de certains départements. Le concordat régit l’Alsace et la Moselle depuis sa mise en place par Napoléon Bonaparte en 1801. Non abrogé lors de leur annexion par l’Allemagne, pas plus qu’à leur retour en 1919 dans le giron français, le concordat est toujours en vigueur dans ces départements, qui en 1905 ont échappé à la loi de séparation de l’Église et de l’État. Le concordat prévoit la gestion et le financement des cultes par l’État, ce que la loi de 1905 interdit.

 

 

Drapeaux français

 

 

 

Le  droit  est  l’instrument  d’une  ambition  essentielle  pour  la  collectivité  publique : définir  et  défendre  le  bien commun. « Les services publics comme l’éducation et la médecine en sont deux exemples admis, explique Emmanuel Picavet, enseignant-chercheur en philosophie à l’université de Franche-Comté. Mais on se heurte aux limites de la cohésion  sociale dès lors que l’on considère l’accès au bien commun, souvent inégal et révélateur de problèmes sociaux. »

 

L’école, bastion de la république, est l’enjeu de deux conceptions totalement différentes, et interroge l’idée de république. L’une, dite des pédagogues, prône l’épanouissement de l’individu, quitte à procéder à quelques sacrifices de programmes ; l’autre, pétrie d’un élitisme républicain trouvant ses racines dans l’Antiquité, porte l’exigence à son plus haut niveau. La première conception de l’école républicaine suppose de composer avec l’enfant tel qu’il est pour envisager un enseignement adapté. Dans la seconde, l’école se présente comme un sanctuaire où, sous l’influence d’un maître, l’enfant s’élèvera in fine au rang de citoyen.

 

Vincent Bourdeau, enseignant-chercheur en philosophie à l’université de Franche-Comté, affirme que « l’école est le reflet de la république que l’on souhaite ». Plutôt que donner matière à affrontement, les deux courants de pensée devraient pour lui se rejoindre et se concilier dans une troisième voie combinant la pédagogie à l’ambition affichée de la conception républicaine, faire de l’élève un citoyen autonome, en encourageant sa participation active à la vie de classe.

 

Cette  idée  s’inspire  d’un  républicanisme  revu  et  corrigé  par  des  penseurs  comme  le  philosophe  irlandais  Philip Pettit. « Nous ne savons plus voir la puissance et la vertu de la tradition républicaine […], regrette ce dernier. Il est de la plus grande importance de se réapproprier le républicanisme, d’en élaborer une version nouvelle et de l’appliquer. » C’est là toute l’ambition de Vincent Bourdeau, qui voit dans ce néo-républicanisme la possibilité de répondre à des questions concrètes, dans le respect de valeurs fondamentales, débarrassées de grands principes dogmatiques et handicapants.

 

Vincent  Bourdeau  explique  qu’un  renouveau  traditionnaliste  de  l’idéologie  républicaine  s’est  opéré  à  partir  de 1989. « Loin d’une opération de mémoire neutre, le bicentenaire de la révolution a été le prétexte, pour de nombreux intellectuels, d’une mise au point sur la doctrine républicaine elle-même et d’une démonstration de l’éloignement de la société française, irrémédiable peut-être, de ses idéaux républicains fondateurs. Ce renouveau a piègé le républicanisme dans une conception fermée de la république, sourde aux attentes de nombreux citoyens avides pourtant d’en être des acteurs de plein exercice. »

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Un référendum, oui ou non  ?

 

La démocratie directe ? De part et d’autre de la frontière franco-suisse, les avis sont partagés. Si en France elle suscite une méfiance notoire de la part des élus, elle fonde en Suisse la tradition démocratique…

 

 

En France, la décentralisation connaît un véritable essor à partir de la loi du 2 mars 1982. Quelque quarante lois et trois cents décrets publiés jusqu’en 1986 ont donné un pouvoir accru aux collectivités territoriales. Cette décentralisation administrative, et non politique, ne remet pas en question le principe d’unité et d’indivisibilité de la République inscrit au premier article de la Constitution. « L’État encadre les collectivités et pose des limites à leur libre administration. On est loin de la notion de fédéralisme », explique Anne Marceau, enseignant-chercheur de droit public à l’université de Franche-Comté.

 

C’est dans ce contexte que, frileusement, l’idée de démocratie locale fait son chemin. Depuis 1992, une consultation locale est mise en place au niveau des communes, puis s’étend aux départements et régions en 2004. Les électeurs émettent un avis sur une question relevant de la compétence de la collectivité, comme la création d’une police municipale, l’implantation d’éoliennes ou le déplacement du monument aux morts du village. Depuis 2003, le référendum décisionnel local accorde aux citoyens un pouvoir plus fort, puisque leur vote a cette fois valeur de décision, mais cette disposition n’est que très peu utilisée.

 

Le droit de pétition, inscrit en 2003 à l’article 72 de la Constitution, autorise les citoyens à demander l’inscription d’une question à l’ordre du jour d’une assemblée d’une collectivité territoriale. Ce mécanisme semble toutefois très peu utilisé par les électeurs. Au niveau de l’État, si la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 donne la possibilité à un groupe composé de parlementaires et de citoyens de prendre l’initiative d’une proposition de loi, seuls les députés ont pour l’instant voté, en janvier 2012, les modalités d’application de ce référendum d’initiative partagée.

 

 

Dépôt d'un vote dans une urne

 

 

Une tradition née en 1891

La Suisse affirme, elle, la démocratie directe à tous les niveaux de sa vie politique, de la commune à l’État. Toutes les révisions de la Constitution et l’adhésion à certains traités internationaux sont soumises au vote du peuple et des cantons par un référendum rendu obligatoire par la Constitution. Ainsi, la question de l’adhésion de la Suisse à l’OTAN ou à l’Union européenne est décidée par le peuple. De plus, toutes les lois fédérales ne sauraient entrer en vigueur avant que les citoyens suisses aient disposé de leur droit à les soumettre à référendum s’ils le jugent nécessaire, et sous condition de respect de délai et d’obtention de 50 000 signatures légitimant la requête. Six à sept lois sur cent environ sont soumises au vote. Une fois sur deux en moyenne, le vote est négatif, obligeant les autorités à remettre l’ouvrage sur le métier.

 

Si une telle procédure peut apparaître comme un frein à l’activité politique et sociale du pays, les initiatives populaires constituent, elles, de véritables forces de proposition. La demande conjointe émanant de 100 000 citoyens peut aboutir à la révision de la Constitution. Ainsi, l’entrée de la Suisse à l’ONU en 2002 est le fruit de l’initiative populaire. Depuis 1891, si seules vingt requêtes ont abouti sur trois cent cinquante propositions, ces initiatives ont toujours activé les débats et fait avancer les réflexions.

 

Pascal Mahon, enseignant-chercheur de droit constitutionnel à l’université de Neuchâtel, se pose la question des limites de ce droit souverain. « Aujourd’hui, la seule limite de fond est l’inviolabilité du droit international impératif auquel nul État ne peut se soustraire, et qui concerne des notions extrêmes comme le génocide. Savoir s’il faut ajouter d’autres limites issues de traités sur les droits de l’homme est une question au cœur du débat actuel. »

 

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Internet au secours de la démocratie ?

 

La participation politique est un vecteur essentiel de l’idée de démocratie attachée à la République. Dans un contexte de fort abstentionnisme, les technologies de l’information et de la communication changent-elles la donne ? En matière de vote, rien n’est moins sûr. Pour l’instant, le seul vote politique possible en France par internet est l’élection de l’Assemblée des Français de l’étranger. S’il s’avère difficile de tirer des conclusions sur cette seule base, les expériences menées dans des pays voisins montrent qu’elles n’influencent aucunement la participation au vote politique.

 

Au-delà de cet espoir déçu se pose la question d’un changement de forme de la démocratie, lié aux TIC. Dans Internet, machines à voter et démocratie, Elsa Forey et Christophe Geslot, enseignants-chercheurs de droit public à l’université de Franche-Comté, évoquent une remise en cause des principes essentiels du droit électoral. « Le principe de confidentialité du vote peut être mis à mal lorsque, par exemple, un jeune votant par internet au domicile familial subit l’influence de ses parents. »

 

 

La transparence et la sécurité du processus électoral menacées

Avec le vote électronique, le processus électoral échappe par ailleurs au citoyen qui n’a plus la possibilité de vérifier par lui-même la vacuité de l’urne à l’ouverture du bureau ou l’exactitude du comptage des bulletins lors du dépouillement. La transparence de l’élection est fortement remise en cause. Selon Chantal Enguehard, enseignant-chercheur en informatique à l’université de Nantes et rédactrice d’un article dans l’ouvrage cité ci-dessus, la nature même du support informatique se prête à toutes sortes de déviations, et ne fournit en outre aucun élément physique sur lequel exercer un contrôle.

 

« La pression de quelques joules exercée sur un bouton lors du vote est traduite en une impulsion électrique qui va ensuite modifier la valeur de quelques bits d’un fichier informatique. Ces conversions invisibles peuvent aboutir à la modification du choix initialement exprimé. » L’auteur démontre comment, avec la même aisance, il est possible de transformer intentionnellement les suffrages ou de connaître l’identité d’un votant… Malgré la batterie de tests et la recherche de moyens de contrôle efficaces, la sécurité du vote par internet ou machine à voter ne peut faire la démonstration de sa garantie et pas davantage contrebalancer la perte de la transparence inhérente à ce type de procédé.

 

 

Machine à voter

 

 

Génération spontanée

Il n’en reste pas moins qu’internet représente un potentiel, un véritable outil politique dès lors que les citoyens s’en emparent comme d’un moyen de participation spontanée. Le site Wikileaks, avec ses révélations sulfureuses, en est sans doute l’image la plus forte, et blogs, sites et autres forums foisonnent sur la toile depuis dix ans.

 

La participation s’avère cependant moindre lorsqu’elle s’opère dans un contexte institutionnalisé. Les autorités politiques n’exploitent que peu ce canal, à des fins informatives plutôt que consultatives, et en général sur des sujets peu sensibles, sans enjeux véritables. « Décevante, la participation citoyenne est ici à la mesure du manque d’investissement des pouvoirs politiques dans ce canal de communication » explique Anne Marceau, enseignant-chercheur de droit public à l’université de Franche-Comté. Elle pose en outre le problème de la représentativité des internautes : soit s’exprimant sous couvert d’anonymat, il est impossible de les rattacher à un groupe politique ou social et d’en tirer des analyses, soit rompus à cet exercice, ils s’avèrent être toujours les mêmes, et se situent le plus souvent aux extrêmes sur l’échelle politique. Par ailleurs, il ne faut pas sous-estimer l’importance de la fracture numérique, révélatrice de disparités sociales et économiques impliquant un accès inégal aux TIC, et par conséquent de nombreux biais dans la représentativité citoyenne sur internet.

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Exposition républicaine

 

Les élections présidentielles sont le thème d’une exposition organisée par la bibliothèque de droit Proudhon de l’université de Franche-Comté du 26 mars au 4 mai, avec le concours des étudiants de licence et master AES. Pour tout renseignement, contacter le (0033/0) 3 81 66 61 92.

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Pour en savoir plus…


Elsa Forey, Christophe Geslot, Internet, machines à voter et démocratie, L’Harmattan, 2011

 

Daniel Arnaud, La République a-t-elle encore un sens ?, L’Harmattan, 2011

 

Annie Stora-Lamarre, La République des faibles, les origines intellectuelles du droit républicain, 1880 – 1914, Armand Colin, 2005

 

Annie Stora-Lamarre, La République et son droit, Presses universitaires de Franche-Comté, 2011

 

Vincent Bourdeau, Roberto Merrill, La République et ses démons, éditions ERE, 2007

 

Emmanuel Picavet, La revendication des droits, une étude de l’équilibre des raisons dans le libéralisme, Paris : Éditions Classiques Garnier, 2011

 

 

Contact :


Daniel Arnaud 


Université de Franche-Comté

Centre de recherches juridiques

Elsa Forey

Tél. (0033/0) 3 81 66 67 36


Yann-Arzel Durelle-Marc

Tél. (0033/0) 3 81 66 67 73


Frank Laidié

Tél. (0033/0) 3 81 66 67 72


Anne Marceau  

Tél. (0033/0) 3 81 66 61 42 



Laboratoire de sociologie et d’anthropologie

Sylvie Guigon

Tél. (0033/0) 3 81 66 65 78 



Laboratoire de philosophie

Vincent Bourdeau

Tél. (0033/0) 3 81 66 53 10


Emmanuel Picavet  

Tél. (0033/0) 3 81 66 53 10 



Laboratoire de recherches historiques

Annie-Stora Lamarre  

Tél. (0033/0) 3 81 66 54 32 



Université de Neuchâtel

Faculté de droit

Pascal Mahon

Tél. (0041/0) 32 718 12 72

 

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