Université de Franche-Comté

Valorisation de farines d’amidon comme filtres membranaires pour le traitement d’effluents aqueux

Friches industrielles, anciennes exploitations minières, bases militaires abandonnées… L’homme laisse derrière lui des sites imprégnés de substances toxiques. Présents dans les sols, le plus souvent à l’état de traces, les métaux lourds (mercure, cadmium, plomb, zinc, cuivre…) et les éléments non métalliques (sélénium, arsenic), constituent une source de pollution qu’il est devenu urgent de traiter. De plus, les composés aromatiques sont l’objet d’une attention croissante du fait d’une législation de plus en plus sévère. Ces dérivés sont le plus souvent issus de rejets de divers procédés industriels et peuvent être présents aussi bien dans les eaux que dans les sols. Il apparaît donc nécessaire, dans un souci de préservation pour notre environnement et notre santé, de mettre au point des adsorbants capables de retenir et de récupérer ces produits.

•  Il existe sur le marché différents types d’adsorbants, notamment les filtres minéraux tels que les charbons actifs. Ces derniers sont doués de propriétés adsorbantes efficaces, en raison de leur grande stabilité et de leur large gamme de porosité. Ils sont utilisés dans les traitements industriels (purification et récupération de solvants, décoloration…) et dans les traitements dépolluants (eaux industrielles et eaux potables). Une fois saturés, les charbons actifs peuvent être régénérés par désorption ; mais le coût de cette régénération est élevé. De nombreuses études ont ainsi été engagées ces dernières années dans le but de préparer de nouvelles résines organiques naturelles (végétales ou animales) performantes et économiques.

•  Les résines organiques présentent deux avantages importants : les matières premières dont elles sont issues sont renouvelables et surtout biodégradables (d’où leur nom de biopolymères). Cependant, et contrairement aux résines minérales, elles doivent s’affranchir de nombreuses difficultés : méthodes de synthèse longues et difficiles ; rendements d’adsorption moins performants ; caractéristiques texturales (porosité…) moins intéressantes ; manque de reproductibilité ; cinétiques d’adsorption lentes ; problèmes de régénération ; prix de revient très élevé.

•  L’amidon fait partie de ces biopolymères. C’est un polysaccharide naturel et bon marché, qui trouve des applications dans de nombreux secteurs industriels (agroalimentaires, bâtiment, industries pharmaceutique et cosmétique, adhésifs, matières plastiques…), mais qui reste peu utilisé dans le domaine de la dépollution et de la protection de l’environnement. Or, dans un contexte économique difficile caractérisé par une concurrence accrue sur le marché des polymères, les producteurs de céréales s’interrogent sur les possibilités de nouveaux débouchés pour valoriser les produits et déchets de l’agroalimentaire. La plupart des réponses qui leur sont apportées évoquent naturellement des perspectives de développement dans les domaines des biotechnologies.

•  Le projet développé au laboratoire de Chimie des matériaux et interfaces de l’université de Franche-Comté répond à ces préoccupations puisqu’il consiste à élaborer, à partir des farines de blé déprotéinées et enrichies en amidon (sous-produits de l’industrie agroalimentaire), de nouveaux matériaux organiques naturels, adsorbants, recyclables et biodégradables qui présentent des propriétés complexantes et chélatantes vis-à-vis des molécules aromatiques et des métaux lourds.

•  Ce programme de recherche comporte trois principaux volets : – la synthèse de matériaux macromoléculaires par transformation chimique des farines industrielles incluant réticulation et copolymérisation (création de réseaux rigides tridimensionnels par pontage chimique) – la caractérisation physico-chimique et structurale des biomatériaux élaborés afin de relier leurs propriétés (porosité, surface spécifique, nanoparticules) à leur emploi comme résines – l’étude des propriétés adsorbantes et la mise au point de filtres membranaires adaptés à une dépollution spécifique des eaux usées et des sols.

•  Les propriétés adsorbantes de ces nouveaux filtres vis-à-vis de métaux lourds et de polluants aromatiques sont déterminées par les procédés classiques de la chimie analytique : les techniques chromatographiques et les méthodes dites "batch" couplées aux spectrophotométries d’absorption UV-Visible et atomique. Les paramètres, tels que la concentration en polluant et sa nature chimique, le temps de contact, l’influence du pH…, ont été étudiés en détail. Les matériaux organiques synthétisés permettent de s’affranchir des inconvénients (voir plus haut). Les études de laboratoire ainsi que les développements technologiques industriels prennent en compte, en particulier, la possibilité de recyclage des filtres (réversibilité de l’adsorption complexante) ainsi que le devenir des polluants qui ont été extraits et concentrés par la méthode.

•  Les résultats déjà publiés montrent que : – les fractions de farines très riches en amidon peuvent être valorisées hors de la filière alimentaire classique – le procédé met en jeu des réactions classiques de la chimie organique et macromoléculaire – la méthode de synthèse est simple à mettre en oeuvre et parfaitement reproductible – les rendements d’adsorption sont excellents, proche de 100 % – les cinétiques sont très rapides – les filtres adsorbent sélectivement des molécules toxiques – les matériaux sont recyclables et parfaitement réutilisables.

•  L’intérêt de ce projet réside dans la possibilité de concilier valorisation et dépollution. Tous les résultats décrits démontrent que les sous-produits à base d’amidon peuvent trouver des débouchés hors de la filière alimentaire. Ces farines de blé peuvent également trouver des applications dans le domaine des hydrogels, comme transporteurs (ou vecteurs) de molécules actives.

•  Les études sont réalisées en partenariat avec l’ADEME, et en collaboration avec le laboratoire de Chimie macromoléculaire de Lille (UPRES A 8009) et l’Institut de biochimie G. Ronzoni de Milan.

 

Joël Vebrel – Franck Delval
Laboratoire de Chimie des matériaux et interfacesGrégorio CriniCentre de SpectrométrieUniversité de Franche-ComtéTél. 03 81 66 65 64joel.vebrel@univ-fcomte.frgregorio.crini@univ-fcomte.fr

 

 

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