Université de Franche-Comté

Usines de guerre

En 1914, la mobilisation concerne aussi les entreprises à l’arrière du front, et l’outil de production français connaît une véritable métamorphose sous l’influence du conflit. L’exemple des composantes historiques de l’actuel groupe PSA PEUGEOT-CITROËN en est une parfaite illustration. Ce thème a été mis en avant pour commémorer le centenaire de la Grande Guerre dans une exposition itinérante réalisée à l’initiative du Centre d’archives de Terre Blanche, Usines de guerre, préparée avec le concours des chercheurs des laboratoires IRTES-RECITS de l’UTBM et IDHES de l’université d’Evry-Val-d’Essonne : un regard scientifique complémentaire à un travail de recherche documentaire d’envergure, pour un témoignage inédit.

1914. À la fin de l’été, il apparaît clairement qu’il faut renoncer à l’idée d’un conflit de courte durée. Le gouvernement français enrôle alors ses usines dans un effort de guerre dont le système de production prévalant jusque-là ne sortira pas indemne.

L’entreprise doit s’adapter pour fournir les obus, moteurs d'avions puis de chars d’assaut, automitrailleuses blindées ou poussettes porte-brancards dont la guerre a besoin. Le savoir-faire de PEUGEOT, centré sur le travail du métal et du bois, orientera l’entreprise vers une production diversifiée. PANHARD abandonne son projet de fonderie et suspend ses activités principales pour se consacrer à la production d’obus, une fabrication que CITROËN va également assurer en construisant l’usine devenue célèbre du quai de Javel à Paris.

Usines des Automobiles et Cycles Peugeot à Audincourt (25) en 1914

Usine de carrosserie. Présentation de Torpédos 153 BRA transformées en automitrailleuses blindées.

Usines des Automobiles et Cycles Peugeot, Mandeure (Doubs), 1914. FDPMHI

Entre production traditionnelle et organisation à l’américaine

« Les sites du pays de Montbéliard, berceau historique de certaines de ces entreprises, restent actifs malgré leur proximité du front : canaux et chemin de fer continuent de rendre leur approvisionnement possible », raconte Fabien Lehouelleur, responsable de la communication du Centre d’archives de Terre Blanche. La production de masse attendue nécessite de reconsidérer complètement l’outil de production et l’organisation du travail. Les usines adoptent rapidement les méthodes américaines et notamment le taylorisme, qu’elles considéraient encore avec prudence juste avant-guerre. La production de l’usine CITROËN du quai de Javel passe ainsi de 5 000 obus par jour en 1915 à 40 000 en 1918.

Atelier des Usines des Automobiles et Cycles Peugeot à Audincourt (25) en 1917

Tours et meules d’ébarbage. Fabrication d’éléments pour obus de 75 mm de type Shrapnel.

Usines des Automobiles et Cycles Peugeot, Audincourt (Doubs), 1917. FDPMHI

Bulletin des Usines Peugeot présentant la production de guerre

Outre la mécanisation des ateliers et de la manutention, ces nouvelles méthodes sont aussi le moyen de faire exécuter plus facilement des tâches assurées par une main d’œuvre féminine et immigrée, souvent peu qualifiée.

La donne est nouvelle également d’un point de vue social. L’organisation doit tenir compte de nouvelles législations, comme l'aménagement de la durée du temps de travail ou l’instauration du travail de nuit, et de l’explosion des effectifs. PEUGEOT qui comptait 2 575 employés en 1912, en porte 6 148 sur ses registres en 1917. À l’intérieur des usines, des services et groupements sont mis en place pour assurer l’alimentation du personnel des usines de guerre. Ils bénéficieront même d’un office national à partir de 1917. « Ces structures de ravitaillement ont perduré jusque dans les années 1980 dans la région, sous l’enseigne RAVI qui était la propriété de PEUGEOT », explique Pierre Lamard, directeur du laboratoire IRTES-RECITS.

Au sortir de la Grande Guerre, l’entreprise ne sera plus jamais la même. Le secteur automobile se développe sur de nouvelles bases nommées modernisation, compétitivité, spécialisation et rationalisation. En 1919, la Citroën Type A10HP est la première automobile européenne construite en grande série. Elle inaugure une nouvelle ère industrielle fondée sur la production de masse. Mais ceci est une autre histoire…

 

Contact : Pierre Lamard 

Laboratoire IRTES-RECITS 

UTBM 

Tél. (0033/0) 3 84 58 31 06

Fabien Lehouelleur 

Centre d’archives de Terre Blanche

Tél. (0033/0) 3 81 30 75 39

 

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