Les radicaux libres sont célèbres pour leurs actions néfastes sur le corps humain. Ils agissent notamment en oxydant les biomolécules, entraînant alors un déséquilibre du potentiel d'oxydoréduction intracellulaire. Ce phénomène est soupçonné d'avoir des influences dans le développement des cancers ou de maladies dégénératives telles qu'Alzheimer. Le laboratoire de microanalyse nucléaire Alain Chambaudet de l'université de Franche-Comté s'est donc attaché à comprendre, au niveau le plus fin, c'est-à-dire au niveau moléculaire, les mécanismes intervenant dans cette oxydation. Pour cela, l'équipe a développé un outil d'analyse particulièrement judicieux dont l'innovation réside dans l'alliance de deux techniques déjà éprouvées : la photolyse laser et la spectroscopie laser vibrationnelle.
• La photolyse laser, fondée sur l'interaction entre l'impulsion laser et les molécules, permet de générer in situ les réactifs. Il est donc possible de déclencher la réaction chimique à un temps t0 connu à 2 ns près. La spectroscopie laser vibrationnelle, elle, s'appuie sur la propriété qu'ont les liaisons chimiques de vibrer, chacune à une fréquence caractéristique. Soumises au rayonnement laser, les molécules diffusent un signal (le rayonnement différé Raman) qui est dispersé par un monochromateur, puis visualisé par une caméra CCD. Les bandes ainsi obtenues sont caractéristiques des liaisons au sein des molécules, le jeu consistant ensuite à les identifier. Le dispositif est tel qu'il permet en outre un suivi dans le temps. La modification, la disparition ou l'apparition d'une bande renseigne donc sur l'état des liaisons chimiques. Il est alors possible de reconstituer le film des interactions moléculaires qui président à une réaction chimique.
• Cette étude expérimentale est couplée avec une recherche théorique utilisant la mécanique quantique. Les données des mécanismes moléculaires, telles que les barrières d'énergie à vaincre ou les constantes de vitesse d'une réaction, peuvent ainsi être déterminées et confrontées à l'expérience.
• Ce sont les espèces radicalaires qui intéressent particulièrement les chercheurs du laboratoire, les hydroxydes OH•, les superoxydes et les peroxydes d'hydrogène (H2O2). En effet, ces radicaux ont pour cible le groupement thiol (-SH) de la cystéine, acide aminé entrant dans la composition des protéines. Cette attaque modifie l'équilibre d'oxydoréduction intracellulaire. L'équipe étudie aussi le mécanisme de déprotonisation du thiol. Si R-SH figure la cystéine, la radicalisation R-S• peut entraîner une réaction combinant deux groupements thiol (R-S-S-R), qui dénature totalement la protéine.
• Ce projet, qui a nécessité l'installation d'un dispositif optique complexe, a été réalisé notamment grâce au soutien du conseil régional de Franche-Comté. Il ouvre de grandes perspectives de collaboration, en particulier avec les laboratoires francs-comtois s'intéressant à la physique moléculaire (LCMI — laboratoire de chimie des matériaux et interfaces —, LPM — laboratoire de physique moléculaire —, laboratoire d'astrophysique) qui d'ailleurs ont soutenu le projet. Dès à présent, l'équipe travaille avec le laboratoire de radiolyse du CEA (Saclay), et une collaboration est envisagée avec l'ENSBANA — école nationale supérieure de biologie appliquée à la nutrition et à l'alimentation — de l'université de Dijon.
Mironel Enescu
Laboratoire de microanalyse nucléaire
Alain Chambaudet
Université de Franche-Comté / CEA
Tél. 03 81 66 65 21
mironel.enescu@univ-fcomte.fr