Université de Franche-Comté

Une momie égyptienne objet de tous les soins, par-delà le temps

Ta-sherit-en-Imen nous vient tout droit de l’Égypte des pharaons, où elle aurait vécu entre 800 et 520 avant J.-C. Sa momie cache toujours sous ses bandelettes et à l’abri de son sarcophage le mystère de ce qu’elle fut. Si on ne sait encore que peu de choses d’elle, on connaît en revanche l’histoire qui l’amène aujourd’hui à la Haute Ecole Arc, où sa dépouille doit faire l’objet d’une restauration des plus respectueuses.
En 1887, le voyageur italien Zacharia Zanoli acquiert la momie de Ta-sherit-en-Imen sur un marché du Caire. L’époque n’est pas encore à la protection des biens culturels et de nombreuses momies font l’objet de transactions en toute impunité. Celle-ci est cependant rare car elle présente la particularité d’être toujours accompagnée du cartonnage qui la protège. Au début du XXe siècle, mû par la curiosité, le collectionneur décide d’ouvrir le sarcophage, un événement qui attire curieux et journalistes dans son jardin de Brissago, dans le Tessin. Menée sans les précautions scientifiques nécessaires, l’opération signe le début de sa dégradation.

 

Un voyage de près de 3 000 ans

En 1912, quelques années avant sa mort, Zacharia Zanoli fait don de l’ensemble de sa collection à la commune, qui ouvre un musée pour la présenter au public. La momie en devient l’une des pièces maîtresses avant que, en raison de signes de décrépitude de plus en plus visibles, elle soit retirée de l’exposition quelques décennies plus tard. En 2019, les administrateurs de Brissago, conscients des outrages

qu’elle continue de subir dans l’atmosphère délétère de la pièce dans laquelle elle est entreposée, avancent l’idée de la faire restaurer. Devant le coût que représente une telle entreprise, Valentin Boissonnas, consulté pour son expertise en conservation-restauration à la Haute Ecole Arc, propose de monter un programme de recherche interdisciplinaire pour tenter de sauver la momie d’une détérioration définitive. « Soumis à des variations de température et d’humidité relative extrêmes, le couvercle du sarcophage s’était affaissé sur la momie, elle-même fragile et cassante. C’est ainsi que nous avons fait la connaissance de Ta-sherit-en-Imen. »

Le spécialiste espère la voir sous un jour meilleur lorsque les analyses techniques ainsi que les recherches historiques et anthropologiques donneront la connaissance nécessaire pour assurer sa restauration et sa préservation. « Il sera alors possible de connaître sa taille, son âge, les maladies qui l’ont affectée, les raisons de son décès, et chose incroyable, de reconstituer les traits de son visage grâce aux techniques de reconstruction 3D. »

 

Lin, stuc et peinture

Pour l’instant, tout porte à croire que Ta-sherit-en-Imen était issue d’un rang supérieur, en raison du visage peint à la feuille d’or sur le sarcophage. L’ analyse du corps et des bandelettes qui le protègent renseignera sur la technique d’embaumement, autre indice de l’appartenance à une classe sociale. L’étude des matériaux utilisés pour la réalisation du cartonnage, également fait de bandelettes de lin, collées entre elles puis recouvertes de stuc et de peinture, permettra d’en savoir plus sur la confection du sarcophage et sur les restaurations dont il a peut-être fait l’objet, les motifs qui le décorent n’étant pas tous identifiés de la même époque.

« Le corps avait été préparé avec beaucoup de soin pour pouvoir renaître dans l’au-delà. Il a été profané, et notre ambition est de poursuivre l’effort consenti voilà près de 3 000 ans pour assurer sa conservation, afin d’être au plus proche de la volonté originale. » Un souci éthique partagé par les membres de l’équipe d’un projet prévu pour trois, voire quatre ans, et pour lequel le budget, estimé à 280 000 francs suisses, cherche encore des financeurs.

Des collaborations sont d’ores et déjà engagées avec le département de conservation de la Hochschule der Künste Bern, le Musée historique et ethnographique de Saint-Gall, l’Institut de médecine évolutive de Zurich et le ministère de la culture égyptien. Après leur restauration, la momie et son sarcophage pourront à nouveau être admirés à Brissago avant de rejoindre les collections égyptiennes du Musée historique et ethnographique de Saint-Gall ; une exposition et une publication scientifique retraceront l’histoire de la momie ainsi que les analyses et travaux réalisés.

 

Photos Valentin Boissonnas – Haute Ecole Arc
Contact(s) :
Haute Ecole Arc Conservation-restauration
Valentin Boissonnas
Tél. +41 (0)76 557 19 06
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