L’environnement recèle des sources d’énergie, naturelles ou intrinsèquement liées à notre activité, telles les vibrations émises par les machines ou les pas d’un randonneur, la chaleur dégagée par le freinage d’un véhicule… Se servir de ces ressources multiples pour répondre à certains de nos besoins en énergie s’avère être un enjeu d’autant plus intéressant qu’aujourd’hui la miniaturisation de nombreux appareils suppose une consommation relativement faible pour les faire fonctionner.
La performance tient dans la récupération puis la transformation de ces sources potentielles d’énergie. Un défi auquel l’IPV apporte son expérience, notamment par la réalisation d’un démonstrateur appelé « Micro harpe ».
La récupération de l’énergie environnementale n’est pas une idée nouvelle. Cornelis Drebbel inventa la première pendule actionnée par les variations de température et de pression… en 1619 ! En 1928, Jean-Léon Reutter, ingénieur neuchâtelois, établit le principe d’une pendule au mouvement mécanique quasi perpétuel, selon un fonctionnement similaire, qui donnera naissance à l’étonnante Atmos de Jaeger-Lecoultre, toujours fabriquée aujourd’hui. La tradition et le savoir-faire horlogers, par le biais du temps fréquence, ne sont pas étrangers au développement des techniques de récupération de l’énergie mises au point à l’IPV.
Parmi elles, la Micro harpe utilise un procédé original et prometteur, sur lequel les ingénieurs travaillent depuis un an. La géométrie du système est adaptée pour élargir le spectre des fréquences disponibles dans la nature.
Démonstrateur Micro harpe.
Poutres composites PZT sur support de laiton
La Micro harpe comporte différentes « poutres » vibrantes, correspondant chacune à une fréquence dans la gamme de la centaine de hertz, qui se rapproche des fréquences les plus communes rencontrées (machines tournantes, voitures…). Le problème pour capter ces vibrations est rendu d’autant plus complexe que les ondes trouvent sur leur chemin des obstacles et prennent parfois des directions inattendues. Ainsi, le son que l’on croit provenir d’une pièce voisine n’est que celui que répercute le mur, agissant comme un filtre puis comme un haut-parleur, pour ne restituer à l’arrivée que les fréquences les plus basses. Il s’agit par exemple de piéger ces ondes à l’endroit adéquat, là où l’on veut récupérer l’énergie.
La piézoélectricité transformant une pression mécanique en tension électrique, et inversement, est le principe sur lequel se base la Micro harpe. De différentes longueurs, les poutres piézoélectriques sont autant d’éléments de transformation de l’énergie mécanique reçue en énergie électrique, ensuite stockée sur une carte électronique.
Le Laboratoire de génie électrique et ferroélectricité (LGEF) de l’INSA de Lyon, avec lequel l’IPV travaille en collaboration étroite depuis plusieurs années, apporte sa pierre à l’édifice grâce à des travaux de recherche en électronique, permettant d’accroître significativement l’énergie électrique effectivement récupérée dans l’élément de stockage. Ils ont abouti à un gain de dix par rapport à celui obtenu à partir des circuits conventionnels.
Par ailleurs, une nouvelle génération de matériaux devrait marquer de son empreinte la mise au point des systèmes. Ce sont des PMN-PT monocristallins, dont les propriétés piézoélectriques s’avèrent cinq fois plus élevées que les céramiques (PZT) jusque-là utilisées. Le LGEF de l’INSA de Lyon est un spécialiste mondialement reconnu dans le développement et la croissance de ces cristaux. Il travaille en étroite collaboration avec l’université de Pennsylvanie, qui a accepté de fournir gracieusement à l’IPV les échantillons utilisés pour ses démonstrateurs. L’emploi du silicium comme substrat pour les matériaux électroactifs présente l’avantage de profiter des technologies de fabrication collectives en salle blanche. Il se trouve par ailleurs que ce matériau est intéressant par ses propriétés mécaniques.
L’utilisation de tels matériaux, ainsi que la qualité de leur assemblage, sont des atouts essentiels pour la mise au point des microsystèmes piézoélectriques vibrants chargés de capter l’énergie environnante pour la transformer en énergie électrique.
Tout l’art consiste, à ce stade, à réussir l’assemblage des deux parties, une spécialité de l’IPV qui est à l’origine du développement d’un procédé spécifique en la matière.
Micro harpe, prototype.
Cristaux PMN-PT intégrés sur silicium
Quelle est l’énergie obtenue ? Dans le cas d’un premier démonstrateur à base de céramiques PZT sur métal, il a été possible de récupérer une puissance atteignant 1 mW par poutre, soit une densité de puissance d’environ 10 microwatts par mm3 pour une accélération de 1 g. Avec l’utilisation de cristaux PMN-PT intégrés sur silicium, ce résultat est multiplié par cinq ! Il confirme l’intérêt de tels dispositifs pour des applications à faible consommation, de l’ordre du microwatt, telle que celle requise pour l’alimentation de capteurs autonomes, de circuits électroniques…
Le bilan satisfaisant des travaux menés à l’IPV a conduit au début de l’année 2011 à une collaboration entre l’Institut FEMTO-ST, l’INSA de Lyon et l’IEMN (Institut d’électronique, de microélectronique et de nanotechnologie de Lille), pour la mise au point d’un prototype. Le projet vient également de faire l’objet d’un dépôt de dossier auprès de l’ANR.