Université de Franche-Comté

Une horloge atomique MEMS de la taille d'un dé à coudre

Où les microtechniques et le temps-fréquence bisontins et neuchâtelois œuvrent ensemble pour une version européenne d’horloge atomique miniature

  

Seules les horloges atomiques sont susceptibles de fournir une base de temps avec une précision de l’ordre de 10-11, et les plus petites actuellement commercialisées sont de la taille d’un paquet de cigarettes. Or, dans de nombreuses applications civiles ou militaires (récepteurs GPS, téléphones portables, systèmes de cryptage des télécommunications…) l’amélioration des performances passe par des garde-temps ultraprécis directement embarqués. La miniaturisation de l’horloge atomique devient un enjeu stratégique.

 

 

Le piégeage cohérent de population comme principe physique

La miniaturisation d’une horloge atomique, jusqu’à atteindre la taille d’un petit morceau de sucre, nécessite un saut scientifique et technologique important. Un phénomène permet de l’envisager : le piégeage cohérent de population, connu depuis les années 70.

 

Une vapeur de césium ou de rubidium contenue dans une cellule est excitée par le faisceau d’une diode laser modulée en fréquence. Un photodétecteur permet d’observer la résonance atomique en sortie de la cellule. L’information qu’il reçoit est alors utilisée pour asservir la fréquence de modulation du laser afin d’assurer un signal stable et précis. Cette solution a le mérite de s’affranchir de la cavité micro-onde de résonance des horloges « macroscopiques », limitant sérieusement la miniaturisation. En revanche, elle est une source de nombreuses difficultés tant scientifiques que technologiques. Devant les perspectives d’applications, notamment dans l’armement, quelques équipes américaines, financées par la DARPA (équivalent étasunien de la DGA), ont relevé ce défi et en 2001 les premiers résultats sont apparus. En Europe, les recherches se structurent en France et en Suisse, respectivement autour de la DGA et du CNES, de la CUS (Conférence universitaire suisse) et de l’ESA. Grâce au septième programme-cadre, un projet européen de type STREP porté par l’université de Franche-Comté (FEMTO-ST) démarrera en septembre prochain, pour la réalisation d’une micro-horloge atomique européenne.

 

 

Alliance des MEMS et du temps-fréquence

La réalisation d’une micro-horloge atomique mobilise de nombreuses compétences que l’on voit rarement associées : les micro-usinages MEMS, la photonique, la microélectronique et la métrologie temps-fréquence. C’est pourquoi ce projet associe le savoir-faire de deux départements de FEMTO-ST (Micro nano sciences & systèmes et Temps-fréquence) et quatre laboratoires de l’Institut des Microtechniques de l’université de Neuchâtel (Temps-fréquence, Optique appliquée, Électronique et traitement du signal, et Capteurs, actuateurs et microsystèmes). Ces unités de recherche sont déjà partenaires au sein du LEA Microtechniques.

 

Le cœur de l’horloge est constitué d’une microcellule qui contient la vapeur de césium. Elle est formée par deux couvercles de verre qui prennent en sandwich un substrat de silicium, évidé pour laisser place à la cavité contenant la vapeur de césium. La principale difficulté tient dans le remplissage de la cavité par la vapeur. Deux différentes techniques de remplissage sont explorées. Celle de l’IMT, dont le principe a été développé aux États-Unis, consiste à remplir la cellule de césium puis à la sceller. Or, les soudures anodiques se faisant à haute température (400°C), le césium tend à diffuser sur les surfaces, ce qui rend l’opération délicate. Pour éviter cela, la technique inventée à FEMTO-ST consiste à utiliser un dispenser comme source de césium métal. Ce dispenser se présente sous forme d’une pastille d’alliage mise dans la cavité de la microcellule avant la soudure. La vapeur de césium est ensuite libérée par un échauffement local de la pastille grâce à un faisceau laser. Cette innovation a fait l’objet d’un dépôt de brevet.

 

Microcellules au coeur de l'horloge atomique conçue à Neuchâtel               Microcellules au coeur de l'horloge atomique conçue à Besançon

 

Des microcellules au cœur de l'horloge atomique. L'une conçue à Neuchâtel, l'autre à Besançon

 

 

Le plan de charge de l’équipe pour caractériser et intégrer la microcellule dans un système complet reste dense :

– étude des phénomènes de dégazage dans de petits volumes et des problèmes de collisions des atomes avec les parois

 

– étude du mécanisme central de la micro-horloge, du faisceau laser à l’excitation des atomes, de sa stabilité, des sources d’instabilité (notamment les variations de température)

 

– packaging et assemblage du résonateur atomique intégrant la source laser adaptée pour la température de fonctionnement du résonateur (70 – 85°C) et son optique de collimation et de polarisation

 

– conception d’une électronique ultraminiature et basse consommation pour la génération du signal d’interrogation et l’asservissement de l’oscillateur de référence.

 

 

Une micro-horloge à rubidium pour l’aérospatiale

En parallèle de ce programme démarré en 2008 et qui court sur trois ans, le laboratoire Temps-fréquence et l’IMT de Neuchâtel travaillent sur un autre contrat, mandaté par la European Space Agency (ESA), et en partenariat avec SPECTRATIME TEMEX (ex NEUCHÂTEL TIME). Les applications sont ici plus directement liées à l’aérospatiale, s’agissant de sécuriser les télécommunications. Les spécifications initiales chargeaient l’équipe de développer une micro-horloge de 1 cm3, d’une stabilité de 10-11 et consommant une dizaine de milliwatts. En analysant ces spécifications pour les applications visées, la première proposition de l’équipe a été d’assouplir les exigences sur la taille et la consommation pour augmenter la précision de l’horloge.

 

Contrairement à l’horloge européenne, celle-ci utilise le rubidium comme référence de fréquence, ce qui fait la spécialité du laboratoire de Neuchâtel.

 

Les microtechniques et le temps-fréquence sont les deux fils héritiers de l’horlogerie dans l’Arc jurassien. Seule la région, en Europe, pouvait se mettre en lice avec un tel projet qui ne trouve de concurrents qu’au Japon et aux États-Unis. 

 

 

Contact :
Vincent GiordanoChristophe Gorecki

Institut FEMTO-ST

Université de Franche-Comté / UTBM / ENSMM / CNRS

Tél. (0033/0) 3 81 85 39 73 / (0033/0) 3 81 66 66 07

 

 

Gaetano Mileti

Laboratoire Temps-fréquence

Université de Neuchâtel

Tél. (0041/0) 32 718 34 82

 

 

 

Pierre Thomann, ou la mesure du temps

 

Pierre Thomann s’est prêté au jeu des leçons inaugurales de l’université de Neuchâtel en présentant une conférence sur le thème « La mesure précise du temps : pour quoi faire ? ». Ce professeur ordinaire a une vision tant universitaire — pour avoir effectué ses recherches sur le refroidissement d’atomes par laser ou sur les horloges atomiques primaires à l’Observatoire de Neuchâtel — qu’industrielle — pour avoir passé sept ans chez OSCILLOQUARTZ SA, chargé du développement d’horloges atomiques. Il a pris la direction du nouveau laboratoire Temps-fréquence de l’Institut de Physique de l’université de Neuchâtel.

 

 

Contact : Pierre Thomann

Laboratoire Temps-fréquence

Université de Neuchâtel

Tél. (0041/0) 32 718 29 95

 

 

Retour en haut de page

 

 

retour