Université de Franche-Comté

Une église paléochrétienne dégagée à Mandeure

Le sol de Mandeure (25) n’en finit pas de livrer ses secrets… La découverte inattendue d’une église paléochrétienne datant du VIe siècle porte l’enthousiasme des archéologues et des chercheurs à son comble, et génère son lot de questions quant au statut de la ville à la fin de l’Antiquité.

 

 

 

Bloc scuplté du VIe ou VIIe siècle. Photo Marion Tschann, UNICOM-UNIL 

 

Bloc sculpté du VIe ou VIIe siècle, élément de couvercle de reliquaire ou couverture de barrière liturgique ?

Photo Marion Tschann, UNICOM-UNIL

 

 

Décaper, gratter, nettoyer… la tâche est longue, minutieuse et ardue, mais le travail de fourmi auquel se livrent les archéologues chaque été depuis plusieurs années sur cette petite portion du site de Mandeure est enfin récompensé. Ils savent avec certitude avoir mis au jour les vestiges d’une église du VIe siècle, une découverte étonnante, témoignant d’occupations plus tardives que celles de l’époque gallo-romaine jusqu’à présent étudiées.

 

Les premiers éléments apparaissent voilà deux ans sous la truelle des chercheurs, exhumant des restes de murs sur un périmètre de 17 m de long par 12 m de large. L’absence de traces de piliers suppose le soutènement de la charpente par des poutres dont on sait, à cette époque, qu’elles sont taillées d’un seul tenant à une longueur de 12 m. Les dimensions de l’édifice, abritant une immense pièce de 60 m2, laissent imaginer un bâtiment public, sans toutefois en deviner la destination. Le sol fait de mortier en tuileau, un mélange de chaux et de tuiles concassées à la fonction décorative, est parfaitement conservé, et on s’apercevra au fur et à mesure des fouilles qu’il vient en alternance avec un sol plus simple, marquant ainsi certaines zones d’une importance particulière. Le plan de l’édifice, dégagé peu à peu, laisse enfin penser à celui d’une église, avec un chœur, une nef, une pierre à la fonction supposée d’autel. Sur le chemin des chercheurs, un bloc sculpté identifié pour être un élément de coffre d’un reliquaire ou la couverture d’une barrière liturgique, des éléments décoratifs spécifiques et du petit mobilier religieux donnent pleinement son sens au bâtiment. L’absence de sépultures renforce l’hypothèse, les églises, exclusivement dédiées au culte, ne comportant pas de cimetière à cette époque. « Les aménagements liturgiques de ce type sont très rares et comparables avec seulement quelques autres trouvés en Europe » relève Cédric Cramatte, archéologue à l’université de Lausanne et directeur du chantier de fouille sur le castellum du Bas-Empire.

 

 

 

Équipe imposante pour chantier monumental 

 

La découverte de l’église paléochrétienne intervient à la fin du programme de recherche initié voilà onze ans et placé sous la responsabilité de Philippe Barral, ingénieur de recherche au laboratoire Chrono-environnement de l’université de Franche-Comté. Mandeure a reçu des équipes des universités de Besançon, Lausanne, Strasbourg, Dijon et Paris, chacune apportant sa propre spécialité et ses compétences pour analyser et comprendre ce site aux multiples ressources.

 

Les recherches concernant l’église ont vu intervenir des archéologues et étudiants de Lausanne et Besançon, les premiers, rompus à l’exercice des fouilles, encadrant les plus jeunes et leur enseignant le métier sur le terrain. Trente-cinq permanents en moyenne se sont ainsi relayés sur le site entre juin et août 2011.

 

 

 

Une véritable cathédrale pour l’époque

Mais à ce stade des recherches, l’exploration n’a pas encore révélé toutes ses surprises. De nouvelles investigations montrent que le bâtiment se poursuit plus avant, dépassant largement les limites du champ de fouilles. « Ce qu’on avait au départ pris pour le chœur pourrait n’être qu’un espace intermédiaire entre la nef et le véritable chœur », explique Pierre Mougin, archéologue municipal de Mandeure, chercheur associé au laboratoire Chrono-environnement de l’université de Franche-Comté. Désormais, les dimensions estimées de l’église avoisinent 30 m de long et des locaux annexes sur ses côtés l’élargissent de manière appréciable. « Toutes proportions gardées et compte tenu des constructions réalisées au VIe siècle, cette église est monumentale, une véritable cathédrale pour l’époque ! » s’exclame Pierre Mougin, dont trente ans passés sur le site de l’ancienne Epomanduodurum n’altèrent pas l’enthousiasme.

 

Des fragments de peinture murale, des placages de marbre et une grande quantité de verre à vitre de teinte olivâtre, des trouvailles rares autant que luxueuses, confortent le caractère grandiose et sacré de lieux dignes d’un évêque. Subsiste une interrogation, de taille elle aussi : à l’époque considérée, l’histoire dit que Mandeure n’abritait pas d’évêché, et que la région du Nord Franche-Comté n’était pas encore christianisée… Un vrai chemin de croix pour des chercheurs en quête de vérité.

 

 

Fragment de verre à vitre datant du VIe siècle

 

Fragment de verre à vitre datant du VIe siècle

 

 

 

Mandeure, une histoire à tiroirs 

 

Seconde agglomération du pays séquane après Vesontio, capitale de cité, Epomanduodurum appuie une position tant stratégique qu’économique le long d’un méandre du Doubs. L’exploration de ses quelque 180 hectares a permis de mettre au jour des vestiges gallo-romains de première importance, comme le célèbre théâtre antique, le deuxième en termes de dimensions (142 m de diamètre) de toute la Gaule, et seul monument encore en élévation du site.

 

L’occupation et l’activité de la Mandeure antique sont avérées du Ier au IVe siècle, mais il subsiste encore de nombreuses interrogations en suspens, comme celle liée au développement d’une parure monumentale de très grande ampleur. La mise au jour d’un sanctuaire et d’un temple immenses, de statues tout aussi démesurées, comme celle de Mars, aujourd’hui abritée au musée de Montbéliard (25), atteignant plus de 3,80 m, les marbres blancs, les porphyres rouges issus d’Égypte, les porphyres verts provenant de Grèce, les placages somptueux sont autant d’indices, pour certains chercheurs comme Cédric Cramatte, donnant à penser que Mandeure était un pôle religieux de premier plan.

 

 

Contact : Philippe Barral

Laboratoire Chrono-environnement

Université de Franche-Comté

Tél. (0033/0) 3 81 66 54 24

 

 

Pierre Mougin

Archéologue municipal de Mandeure

Tél. (0033/0) 3 81 36 28 80

 

 

Cédric Cramatte

Section d’archéologie et des sciences de l’Antiquité

Université de Lausanne

Tél. (0041/0) 21 692 30 49

 

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