Université de Franche-Comté

Une Franche-Comté polaire

Fjord Narsarsuaq (Groenland)

 

 Fjord Narsarsuaq (Groenland)

 

 

 

Est-ce le climat jurassien ? La maîtrise des techniques de ski et de déplacements sur la neige ? Est-ce un goût particulier pour les voyages ? N’est-ce qu’une question de coïncidences heureuses ? Impossible de savoir pourquoi des explorateurs et scientifiques de renom, spécialisés dans la recherche polaire, viennent de Franche-Comté.

 

 

Paul-Émile Victor, par exemple. Né à Genève en 1907, il a grandi entre Saint-Claude et Lons-le-Saunier (Jura), initié au ski et aux balades en peau de phoque sur les pentes du Noirmont et de la Dôle (Haut-Jura). C’est en 1934 que Paul-Émile Victor, alors tout jeune diplômé d’ethnologie, embarque sur le Pourquoi pas ? du commandant Charcot qui le dépose sur la côte Est du Groenland. Un premier hivernage (1934 – 1935), la première traversée française à ski du Groenland (1935), un deuxième hivernage avec une famille inuit (1936), font de Paul-Émile Victor, certainement le plus « blanc » des Eskimos (« Kratouna »), un explorateur audacieux et reconnu. Il ne faut alors pas s’étonner de trouver depuis ce temps là une toponymie plutôt originale sur les cartes de la côte Est du Groenland : « glacier de France », « glacier de Franche-Comté », « glacier du Jura », « glacier de Lons-le-Saunier »…

 

 

Sur les traces d’Erik le Rouge

2007. Toujours au Groenland, mais plutôt au sud-ouest, une expédition franc-comtoise arrive de nouveau. Son objectif n’est plus d’étudier les mœurs et coutumes des Inuits, mais de retrouver les traces d’une colonie viking. La terre verte — le Greenland — ne l’a été que quelques temps, à l’époque de l’optimum climatique de l’an mil.

 

Les conditions climatiques sont restées relativement clémentes jusqu’au XIIIe siècle, avant que ne s’amorce le petit âge glaciaire. En 982, justement, débarque sur cette terre Erik le Rouge, banni d’Islande pour avoir commis quelques meurtres. Au terme de trois années, il rentre de nouveau en Islande et vante tant et si bien les mérites du Groenland qu’il repart accompagné de vingt-cinq drakkars emportant mille hommes et femmes. Pendant 400 ans, peu ou prou, la vie s’organise sur place, très marquée par l’idéologie catholique. Aussi, quand les conditions climatiques se dégradent, et avec elles les conditions de navigation, quand les bœufs n’ont plus assez de fourrage… la colonie ne sait s’adapter — alors qu’elle aurait pu adopter les techniques et savoir-faire inuit — et disparaît assez rapidement.

 

C’est donc dans un temps et un espace connus et restreints que les Vikings ont exploité la terre et s’en sont nourris. Ces conditions sont optimales pour les chercheurs du laboratoire de chrono-écologie de l’université de Franche-Comté, associés à des archéologues de l’université de Bourgogne. En effet, ils cherchent dans les sédiments des lacs les traces des activités humaines qui permettront de reconstituer la façon dont le territoire était exploité : mesurer les changements de la couverture végétale, repérer l’introduction de nouvelles espèces, décrire les pratiques agropastorales, suivre leurs changements éventuels et mesurer leurs effets sur les sols, et enfin décrire les conséquences écologiques du déclin de ces pratiques au cours du XIVe siècle. Dans un environnement où peu d’événements se sont succédé, il y a fort à parier que les signaux recueillis seront relativement clairs et peu brouillés. Ces données seront comparées et interprétées au regard des connaissances acquises par les archéologues et les historiens ayant travaillé sur ces sites.

 

 

Petite annonce

Mais revenons à Paul-Émile Victor. Après la seconde guerre mondiale, en 1947, il crée les expéditions polaires françaises. En 1955, il prépare l’année géophysique internationale (AGI), en recrutant pour une toute jeune discipline, la glaciologie. C’est ainsi qu’une petite annonce arrive dans un couloir de l’université de Franche-Comté à Besançon : « Recherche jeunes chercheurs pour participer aux campagnes organisées par l’AGI ». Claude Lorius a 23 ans, il est tout juste diplômé d’études supérieures de physique quand il lit cette annonce. Et ainsi commence la carrière de ce glaciologue de renommée internationale, qui, le premier, en 1965, a eu l’idée d’analyser les bulles d’air emprisonnées dans la glace pour déterminer les atmosphères anciennes et participer à la reconstitution des climats passés. En 1984, Russes, Étasuniens et Français œuvrent à sortir une carotte de 2 200 m de profondeur. « Pour la première fois, nous disposions d’une série non perturbée par l’écoulement de la glace couvrant 150 000 ans, soit l’ensemble du dernier des cycles climatiques qui caractérisent le Quaternaire ».

 

Pourtant, les premières expéditions de Claude Lorius en Antarctique avaient pour objectif d’évaluer l’accumulation, la température, l’altitude de la surface et de l’épaisseur de la glace, toutes données nécessaires pour modéliser l’écoulement de la calotte glaciaire.

 

 

Un zodiac nommé Edgar

C’est un peu ce genre de travail que continue à effectuer le laboratoire de géographie ThéMA de l’université de Franche-Comté, qui, avec le groupe « recherches arctiques », a maintenu en vie la base française « Jean Corbel » au Spitzberg, notamment grâce au soutien de la région Franche-Comté, alors présidée par Edgar Faure. Le zodiac de l’expédition héritera de son prénom. Accompagné d’un consortium européen, le laboratoire dresse un ensemble de capteurs sur un glacier pour suivre en direct les évolutions et comprendre les modes d’écoulements et la circulation de l’eau dans ce système. Les technologies mises en œuvre sont autrement plus précises que celles utilisées par Claude Lorius à ses débuts. Elles permettent d’affiner plus encore les connaissances en ce domaine, notamment en développant une approche dynamique mieux résolue. Financé par l’ANR — Agence nationale de la recherche — et la région Franche-Comté et labellisé « année polaire internationale », ce programme, conduit par Madeleine Griselin, a déjà fait l’objet de plusieurs expéditions (cf. en direct n° 213, janvier 2007). Notre chercheuse est avant tout une femme de terrain. En 1986, elle organisa la première expédition féminine française qui tenta d’atteindre le pôle Nord à ski. Même si la grande partie de la recherche polaire française n’est pas en Franche-Comté, il est surprenant de constater les coïncidences entre les pôles et la région. Elles se manifestent également par l’installation, en 1989 à Prémanon, village de moyenne montagne du Haut-Jura, du musée européen de l’exploration polaire, à l’initiative de Paul-Émile Victor, devenu en 1998 le centre polaire Paul-Émile Victor.

 

Claire Dupouët – Stéphane Niveau

 

 

Capteurs d'images au Spitzberg

 

Capteurs d'images au Spitzberg 

 

 

Contact : Centre polaire Paul-Émile Victor

Tél. (0033/0) 8 77 51 25 45

 

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