Université de Franche-Comté

Une enquête ethnologique d'un type particulier appliquée au monde du football à Neuchâtel


Le projet a démarré par une commande dans le cadre du centenaire du musée d'Ethnographie : réaliser un documentaire ethnographique sur la pratique du football dans le canton de Neuchâtel*. Bien que limitée à une région particulière, il s'agit d'une pratique diversifiée : des joueurs amateurs aux dirigeants des clubs professionnels en passant par les apprentis arbitres, les équipes féminines et les clubs de supporters, une multitude d'activités structure le monde du football.
• Face au foisonnement d'idées et de possibilités, il revenait aux réalisateurs de déterminer dans un premier temps leur méthode d'approche, apte à intégrer les éléments les plus hétéroclites qui se présenteraient au fil du tournage. Peu de temps était imparti avec un budget limité. Peu de temps à disposition pour effectuer au préalable des recherches conséquentes, pour élaborer des hypothèses complexes et valider leur pertinence scientifique, comme l'auraient fait d'autres chercheurs en sciences sociales. Ces conditions de départ ont donc orienté la démarche pratique, dans la mesure où le tournage du film a commencé rapidement après la première mise sur pied du projet. Ainsi, ce documentaire ne fournirait pas une analyse visant à démontrer ou à infirmer une hypothèse de départ, mais bien plutôt un portrait, un état des lieux par petites touches du milieu dans lequel la caméra allait être immergée. Un second parti pris a dirigé l'aventure : évoquer non seulement la pratique professionnelle du football, mais aussi et surtout les aspects habituellement peu médiatisés. Une partie importante du documentaire a donc été consacrée aux personnes et aux activités en marge des terrains eux-mêmes.
• Il n'existait pas de scénario écrit à l'avance. Il a d'abord fallu  collecter Ÿ le matériel, les personnages et les situations qui correspondaient − de près ou de loin − à l'approche ouverte. L'enjeu formel au centre du projet était certainement d'établir un rapport le plus équilibré possible entre le discours des acteurs filmés, d'une part, et le propos que le langage filmique lui-même construit, d'autre part.

Les auteurs se sont placés en position d'observateurs et n'ont pas cherché à donner une place prépondérante à un discours scientifique analytique construit sur un autre, a priori moins important : celui des acteurs eux-mêmes. Le discours filmique (qui dans une certaine mesure s'apparenterait au discours construit par le chercheur) n'a pas ici la prétention de prendre le pas sur l'autre. Dès le départ, les auteurs ont ainsi décidé d'éviter les procédés de voix off, de narration commentée qui semblaient présenter le risque de plaquer un schéma explicatif inadapté sur la matière première glanée au tournage.
L'outil filmique possède cette caractéristique qu'il permet de rendre compte non seulement du discours verbal des acteurs, mais aussi d'une part de non-verbal bien présent : attitudes, gestes, rapports intersubjectifs. C'est pourquoi il a paru intéressant de dépasser, lorsque cela était possible, le cadre strict de l'interview, pour saisir quelques séquences dans d'autres situations. Ainsi,  les quelques plans avec les supporters de Neuchâtel Xamax en déplacement en car, ou ceux montrant la formation des jeunes arbitres, constituent-ils probablement la partie la plus éloquente du film.
• Le propos du documentaire lui-même a été construit par une mise en rapport des éléments récoltés pendant le tournage, donc par le travail du montage. Le tournage s'apparente dans une certaine mesure à une récolte des données, le montage à leur analyse qualitative par une mise en relation mutuelle. Une fois la collecte d'éléments relativement hétéroclites terminée, une analyse du contenu a permis un recoupement des thématiques communes entre les différents discours. Enfin, le montage, d'une quarantaine de minutes, est organisé afin de donner à voir plus manifestement ces liens dégagés.
• D'une manière générale, le travail du documentariste − tout comme celui du chercheur en sciences sociales − consiste ici à donner un sens nouveau (qui n'en est qu'un parmi une série d'autres possibles) aux faits et gestes des acteurs qu'il côtoie, en les organisant d'une manière personnelle, originale et créative. La proposition faite ici est concrétisée dans le documentaire Neuchâtel, dans le miroir du ballon.

* Le DVD Neuchâtel, dans le miroirdu ballon (cf. en direct n° 193, mars 2005) peut être obtenu au centre international d'étude du sport Hôtel DuPeyrou CH-2000 Neuchâtel (tél. 41 32 718 39 00, www.cies.ch).

 

Jean-Denis Borel – Raffaele Poli
Centre international d'étude du sport
Université de Neuchâtel
Tél. 41 32 718 39 06 – Fax 41 32 718 39 01
raffaele.poli@unine.ch

 

 

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