Université de Franche-Comté

Un supercontinuum de lumière généré par microlaser dans une fibre optique ou comment la fibre devient une source ponctuelle de lumière blanche

Pouvoir déporter une mesure optique loin de la source lumineuse, atteindre de très hautes résolutions spatiales ou obtenir un rapport signal à bruit élevé sont des défis actuels qui conditionnent le succès des méthodes optiques en métrologie industrielle, spectroscopie, microscopie, génie biomédical… De nombreuses applications seraient permises à condition de disposer, en sortie d'une fibre optique, d'une émission intense de lumière blanche ou spectralement étendue.

•  Or, l'injection dans la fibre d'un tel rayonnement à partir de sources blanches classiques (lampes spectrales, halogènes…) est une opération d'autant plus complexe et d'efficacité d'autant plus faible que le diamètre du c¶ur de la fibre est réduit. Même avec des combinaisons d'éléments optiques élaborées, le taux d'injection dans une fibre monomode de diamètre de c¶ur 4 œm n'excède guère 1 % et la luminance obtenue en sortie de fibre est typiquement 100 fois plus faible que celle du soleil. Parce qu'elle permet de pallier ces difficultés, la génération au sein même de la fibre de continuums* de lumière intenses de rayonnement visible et proche infrarouge à partir d'un laser offre un intérêt immédiat. L'avènement récent des fibres microstructurées, dites  photoniques Ÿ, a révolutionné ce champ de recherche avec la démonstration spectaculaire, il y a deux ans, de supercontinuums de plus de 1 200 nm d'extension spectrale**. Cependant, ces performances record nécessitent l'emploi de lasers impulsionnels femtosecondes, sources massives et coûteuses. De plus, les fibres microstructurées, dont le développement n'est pas encore mature, possèdent des caractéristiques opto-géométriques très différentes de celles des fibres usuelles, ce qui pose des problèmes de stabilité à l'injection et interdit l'utilisation de connecteurs standard pour leur intégration directe dans des dispositifs entièrement fibrés.

•  En se fondant sur une combinaison appropriée de plusieurs processus optiques non linéaires de conversion de fréquences, différente de celle mise en ¶uvre dans une fibre photonique, l'équipe  Optique non linéaire Ÿ du laboratoire d'Optique P. M. Duffieux de l'université de Franche-Comté a exploré d'autres voies pour la génération de supercontinuums. Pour rendre ces derniers directement applicables, l'objectif était d'associer des microlasers sub-nanosecondes, très compacts, avec des fibres conventionnelles largement utilisées en télécommunications optiques. 

• La combinaison originale décrite ici repose sur le phénomène de mélange à quatre ondes, en accord de phase multimode transverse, qui initie une cascade Raman stimulée*** dans une fibre de télécommunication standard. Injectées dans 650 m de cette fibre, les impulsions de durée 400 picosecondes délivrées par un microlaser Nd:YAG à 532 nm produisent alors un supercontinuum s'étendant sur plus de 1 100 nm, soit plus d'un octave. La luminance spectrale obtenue en sortie de fibre est environ 500 fois celle du soleil. D'une part, l'enrichissement en germanium du c¶ur de la fibre favorise l'effet Raman. D'autre part, si cette fibre télécom supporte dans le domaine visible un nombre de modes transverses suffisant pour mettre en ¶uvre le type de mélange à quatre ondes mentionné ci-dessus, le couplage intermodal par l'effet Raman permet ensuite de ne développer le supercontinuum que sur le mode fondamental de la fibre, aspect important pour un grand nombre d'applications, notamment en interférométrie.

•  Les records d'étendue spectrale des fibres photoniques sont donc atteints ici dans une configuration simplifiée, compatible avec la connectique classique, offrant une très grande stabilité et à un coût dix fois moindre. Cette nouvelle source polychromatique fibrée de grande brillance, compacte, est directement utilisable dans un grand nombre d'applications, en témoigne son essaimage rapide dans plusieurs expériences au laboratoire. Elle constitue par exemple la source d'éclairage d'un nouveau microscope optique en champ proche, sa faible cohérence temporelle permettant d'éviter les artéfacts qui dégradent habituellement les images obtenues en lumière monochromatique. Grâce à la fibre, elle permet des mesures interférométriques à distance avec un rapport signal à bruit équivalent à celui d'un interférogramme en lumière blanche usuel. Dans le domaine biomédical, les performances de cette source viennent d'être validées dans deux types d'applications : d'une part la tomographie optique de cohérence avec une résolution transverse de l'ordre du micron et une résolution axiale de l'ordre de deux microns, soit un facteur 5 d'amélioration par rapport aux systèmes utilisant des diodes superluminescentes ; d'autre part la microscopie confocale en lumière blanche appliquée à l'inspection cutanée. Le domaine spectral proche infrarouge est en effet particulièrement bien adapté à l'étude du derme et de l'épiderme. Thibaut Sylvestre, Hervé Maillotte,  Gilbert Tribillon Laboratoire d'Optique P.M. Duffieux (UMR CNRS/UFC 6603) Université de Franche-Comté Tél. 03 81 66 64 25 Fax 03 81 66 64 23 thibaut.sylvestre@univ-fcomte.fr   

 

Thibaut Sylvestre, Hervé Maillotte, Gilbert Tribillon
Laboratoire d’Optique P.M. Duffieux
(UMR CNRS/UFC 6603)Université de Franche-Comté
Tél. 03 81 66 64 25
Fax 03 81 66 64 23
thibaut.sylvestre@univ-fcomte.fr

 

 

retour