Université de Franche-Comté

Un nouveau maser ultrastable


L'équipe  temps-fréquence Ÿ du département LPMO de FEMTO-ST a développé un oscillateur ultrastable, composé d'un résonateur en saphir (Al2O3) maintenu à très basse température (4 K, soit − 269°C), couplé avec un amplificateur chargé d'entretenir les oscillations. Parce que les composants électroniques de cet amplificateur ne peuvent supporter des températures aussi extrêmes, celui-ci est placé à l'extérieur de l'enceinte cryogénique. Le câblage nécessaire à la liaison entre le résonateur et l'amplificateur génère des pertes qu'il faut compenser, ainsi que des fluctuations de fréquence et donc un système d'asservissement relativement délicat et encombrant (cf. en direct n° 177, octobre 2003). Si ce système présente des performances inégalées, il comporte donc aussi des inconvénients de maniabilité et de mise en ¶uvre, et peut difficilement s'exporter hors d'un laboratoire de recherche.
• En cherchant à améliorer cette technologie, les chercheurs sont tombés sur un phénomène inattendu qu'ils ont eu du mal à expliquer dans un premier temps. Fondé sur une de ces coïncidences qui brouillent les cartes, le phénomène découvert ouvre pourtant la voie à un nouveau type d'oscillateur ultrastable : un maser. En effet, une des fréquences du résonateur cryogénique, qui permet un entretien des oscillations avec peu d'énergie, se situe à 12 GHz. Or, à faible puissance, le résonateur refusait d'entrer en oscillation à cette fréquence. Pour comprendre la raison de ce fait, il a fallu remonter à la composition même du résonateur. Le saphir, dans lequel il est taillé, contient des impuretés dues à la technique de croissance du cristal, avec, parmi celles-ci, des ions ferriques Fe3+. Or, il se trouve que ces ions possèdent deux niveaux d'énergie séparés de la même fréquence : 12 GHz. À 4 K, une majorité de ces ions se situe préférentiellement sur le premier niveau, engendrant une différence de population. À faible puissance, les ions Fe3+, bien que présents en toute petite quantité (1 ppm), absorbent donc toute l'énergie fournie au système (les électrons transitent alors du premier au deuxième niveau d'énergie) et empêchent l'oscillateur d'entrer en résonance.
• Ce phénomène, qui aurait pu être importun, va permettre de rendre le résonateur actif et de transformer l'oscillateur en maser. Les ions ferriques ont trois niveaux d'énergie : 12 GHz sont nécessaires pour que les électrons transitent du premier au deuxième ; 31 GHz font transiter les électrons du premier au troisième.

En fournissant un signal à 31 GHz (pompage), les électrons atteignent le troisième niveau, puis, avec un temps de relaxation très court, redescendent au deuxième niveau. Le premier niveau se dépeuple donc au profit du deuxième. Le système devient alors intrinsèquement amplificateur pour une onde résonante à 12 GHz. Si la puissance de la pompe est suffisante pour compenser les pertes du résonateur (qui sont très faibles), le système peut entrer en oscillation.
• Sur les premiers tests effectués, ce maser laisse entrevoir des performances au moins égales à celles de l'oscillateur cryogénique. Dès à présent, une stabilité à 2×10-14 a été démontrée, alors qu'aucune optimisation n'a encore été faite. L'intérêt principal du maser réside dans le fait que le résonateur et l'amplificateur sont placés tous deux à basse température et dans le même bloc de matériau. Les problèmes de liaison de ces deux composants sont donc purement et simplement supprimés. On peut donc s'attendre à des performances améliorées et surtout à la possibilité de réaliser une source compacte et transportable. Les applications possibles se nichent partout où des stabilités extrêmes sont nécessaires. Par exemple, les stations de base pour suivi des sondes interplanétaires nécessitent ce type de source. Dans ce cadre, un appel à projet va être prochainement lancé par l'ESA — European Space Agency. Cette découverte, associée aux résultats obtenus depuis trois ans avec ses oscillateurs cryogéniques, fait de l'Institut FEMTO-ST le leader européen dans la technologie des oscillateurs micro-ondes ultrastables.
• Pour poursuivre ce travail, des collaborations sont en cours avec l'IRCOM — Institut de recherche en communications optiques et micro-ondes — pour la modélisation électromagnétique qui permettra d'optimiser la taille du saphir, et avec le National Physical Laboratory (Grande Bretagne) pour les aspects théoriques. Des barrières restent cependant à lever, et notamment la maîtrise de la concentration en ions ferriques dans le cristal. En effet, actuellement les fabricants ne peuvent la contrôler puisque ces ions viennent de façon importune se greffer dans le saphir.
• Alors que l'on pensait avoir tari la recherche sur les oscillateurs micro-ondes, voilà qui vient redonner de l'eau au moulin des chercheurs, avant de préparer le glissement vers les oscillateurs optiques, plus prometteurs.

 

Pierre-Yves Bourgeois – Yann Kersalé –
Vincent Giordano
Département LPMO
Institut FEMTO-ST
Université de Franche-Comté / UTBM / ENSMM / CNRS (UMR 6174)
Tél. 03 81 85 39 85 / 39 49 / 39 73
pybourgeois@lpmo.edu
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