Rituels, vie quotidienne, organisation sociale, loisirs… le hamac se prête à des usages éclectiques à travers le monde et le temps, du continent sud-américain où il est né aux pays occidentaux qui ont adopté sans réserve cet objet exotique et plaisant. Pour garantir la conservation de ces objets du patrimoine à l’histoire millénaire, Nicolas Moret a étudié certains spécimens sous toutes les coutures et proposé une méthode de conditionnement applicable à des collections pourtant très hétérogènes. Un travail réalisé dans le cadre de son cursus en conservation-restauration à la Haute Ecole Arc.
Le hamac trouve ses origines dans le Nord de l’Amérique du Sud et en Mésoamérique dès le début du premier millénaire. Il est un symbole de puissance dans lequel s’assoient et sont transportés les hauts dignitaires des sociétés précolombiennes, avant de devenir un « meuble universel » présent dans toutes les habitations.
Il est alors utilisé pour dormir mais pas seulement : les enfants y sont mis au monde, et le père partage cette couche quelque temps avec la mère pour favoriser le développement des liens familiaux ; les jeunes filles y sont cantonnées le temps de la période de menstruations ; les femmes s’y installent pour cuisiner, les hommes pour discuter, les enfants pour jouer. Il sert à délimiter les espaces dans les maisons communautaires et à affirmer les statuts sociaux au sein de la famille. Il est aussi un moyen de se protéger des animaux, un objet de commémoration, une monnaie d’échange…
À ces coutumes, ces cultures et ces époques correspondent autant de types de hamacs. Grands ou petits, tissés ou réalisés sous forme de filet, ornés de motifs, de fils colorés, de pendeloques ou de plumes, ils suscitent la curiosité et l’intérêt des premiers conquistadors.
Dès le XVIe siècle, les explorateurs ramènent des spécimens en Europe où ils deviennent des objets de décoration et servent de modèles à de nouvelles interprétations. Les hamacs investissent par exemple les bateaux où ils remplacent avantageusement les lits traditionnels de la marine, occupant moins de place et se montrant plus hygiéniques. Importés en Afrique dès le XVIe siècle, ils sont un signe de prestige et de pouvoir, servent de moyen de transport aux rois, aux colons et aux malades. La demande dépasse bientôt l’offre, la fabrication étrangère supplante la facture traditionnelle, beaucoup plus coûteuse, et l’industrialisation devient l’affaire des pays occidentaux, notamment des USA au milieu du XIXe siècle. Parallèlement, certaines coutumes autochtones tombent en désuétude sous l’influence de l’occidentalisation des sociétés sud-américaines.
Le hamac reste cependant très présent dans nombre d’entre elles, et sous nos latitudes il est devenu un objet de relaxation, un symbole associé au loisirs.
Répondant à une demande du musée d’histoire de Berne, Nicolas Moret a fait du hamac l’objet d’un travail de bachelor (licence) à la Haute Ecole Arc Conservation-restauration. Il a étudié les 9 hamacs sud-américains de la collection ethnographique de l’institution pour proposer un conditionnement adéquat. « Ici la matérialité et l’état de l’objet priment : nature des matériaux, dimensions, poids, souplesse, altérations…, et doivent être mis en parallèle avec son usage et son environnement de conservation passé et présent », explique-t-il.
Les plus petits gabarits ont été conditionnés à plat et les plus grands selon des procédés très étudiés à l’aide de coussins et de tubes. Les matériaux de conditionnement sont les plus neutres possible pour éviter les interactions chimiques dans le temps, potentiellement délétères. Les exigences particulières de conservation de ces « textiles » ethnographiques, humidité, température, lumière, polluants atmosphériques…, sont mis en regard des caractéristiques offertes par la réserve dans laquelle ils vont trouver place.
Malgré la nature complexe et peu étudiée de ce corpus d’objets patrimoniaux, Nicolas Moret a réussi à dégager une méthode de conditionnement spécifique au hamac, et à élaborer un document didactique à destination des institutions muséales concernées.
Article paru dans le n°288 (mai-juin 2020) du journal en direct.