Pas de traces de manuscrits, très peu de textes édités… L’œuvre de Gilles Laubert, auteur de théâtre, comédien et metteur en scène, est éparse et ne laisse que peu d’empreintes dans sa Franche-Comté natale. C’est presque par hasard que des chercheurs du laboratoire ELLIADD de l’Université de Franche-Comté, à la mort de l’auteur en 2012, en découvrent la force et le talent, et décident de la valoriser. Dix-huit mois d’enquête pour reconstituer l’œuvre de Gilles Laubert et la soustraire à l’oubli auquel sont malheureusement souvent condamnés les textes de théâtre contemporain.
Tout commence en mars 2013 par un simple coup de fil. Peu banal cependant, puisqu’il est question du legs de la bibliothèque de Gilles Laubert (1950 – 2012), homme de théâtre d’origine comtoise récemment disparu. La jeune équipe CIMArtS accueille volontiers l’ensemble des volumes. Mais parmi les pièces et les œuvres, nulle trace des écrits de l’auteur. Une déconvenue pour Pascal Lécroart, enseignant-chercheur en lettres modernes et directeur de l’équipe, curieux de découvrir cette figure du théâtre presque inconnue dans sa Franche-Comté natale. L’enquête démarre, nourrie d’informations glanées auprès de ses proches, de la Compagnie des Cris, que l’homme dirigea en Suisse, et de ses partenaires de théâtre.
Pascal Lécroart déroule peu à peu le fil de l’œuvre et de la vie de Gilles Laubert, qui sont indissociables. De textes dactylographiés en fichiers informatiques, il découvre non sans surprise un artiste complet, acteur, metteur en scène, directeur de troupe et auteur dramatique. « Il faut comprendre que bien peu d’œuvres sont éditées, explique Pascal Lécroart. Les lecteurs de textes de théâtre contemporain sont rares. »
Gilles Laubert dans sa pièce Georges ou tout ce qui file entre les doigts
(2011)
Seuls quatre textes, sur la vingtaine d’œuvres réunies par les soins du chercheur, ont fait l’objet d’une édition, bien que certaines aient été jouées avec succès. La dernière, Aminata, devait être mise en scène lorsque la maladie emporte son auteur de manière brutale. La pièce sera jouée à titre posthume en Suisse en 2013, et le texte, récompensé par le prix d’écriture dramatique de la Société Suisse des Auteurs en 2011, édité ensuite aux Solitaires intempestifs.
L'Abus reste l’œuvre phare de Gilles Laubert. Monologue publié en 2002, il est le récit autobiographique et révolté d’un auteur violé à sept ans par son instituteur, et marque la renaissance, grâce au théâtre, d’un homme déglingué par le traumatisme d’enfance. Pascal Lécroart retrace le parcours de l’adulte. « Gilles Laubert suit une belle formation de comédien, travaille avec des metteurs en scène prestigieux, assure lui-même la mise en scène d’œuvres magistrales avant de connaître des années sombres et de s’abîmer dans l’alcoolisme. Il trouve ensuite la voie de la guérison dans l’écriture qui sera sa thérapie. » Son histoire personnelle est un motif pour porter la souffrance des autres, une préoccupation qui habitera toute l’œuvre de celui que les critiques qualifient d’« écorché vif ». « Son écriture, atypique, est violente, puis se canalise au fil des ouvrages. Le personnage est attachant, et l’auteur possède un style personnel très fort. »
Pour préserver et valoriser l’œuvre de Gilles Laubert, l’équipe CIMArtS, avec l’aide de la Maison des sciences de l’homme et de l’environnement Claude Nicolas Ledoux, dans le cadre du projet FANUM, a numérisé tous les récits et pièces de l’auteur rassemblés à ce jour, et dont les chercheurs pensent qu’ils constituent l’essentiel de sa création.
Le catalogue de ces textes assorti de la liste des spectacles qu’a dirigés ou joués Gilles Laubert, ainsi que sa biographie, sont accessibles sur le site http://fanum.univ-fcomte.fr/laubert/index.php.
Contact : Pascal Lécroart
Laboratoire ELLIADD — Édition, langages, littératures, informatique, arts, didactiques, discours — Équipe CIMArtS
Université de Franche-Comté
Tél. (0033/0) 3 81 66 51 88