Université de Franche-Comté

Systèmes monétaires parallèles

Photo Kanchanara – Unsplash

La création de monnaies en marge des devises officielles ne date pas de la révolution numérique. En France par exemple, dans le contexte de bouleversement né avec 1789, des entreprises se voient accorder des licences pour créer de nouvelles monnaies, en vue de casser le monopole de l’État. Aujourd’hui, la méfiance vis-à-vis des gouvernements reste une motivation pour la création de valeurs d’échanges parallèles ; le souhait de s’affranchir des modèles dictés par le monde de la finance et la volonté d’échapper au contrôle que peuvent exercer les GAFAM1 sur les citoyens, par le biais des paiements électroniques, sont d’autres mobiles, eux, bien contemporains.

Certains de ces nouveaux moyens de paiement ont cours à l’international, comme les cryptomonnaies, dont le bitcoin est la plus utilisée à l’échelle planétaire ; d’autres irriguent un territoire très localement sous forme d’espèces, de cartes électroniques ou d’applications numériques. Transactions immédiates et anonymes, frais inexistants ou modérés…, ces formules, bien que difficilement comparables, présentent toutes les avantages du cash.

Le bitcoin est accessible à tous sur le web, pour effectuer des paiements aux quatre coins de la planète ; ce n’est pas un État qui gère son fonctionnement, pas plus une société privée, mais la communauté des acteurs qui l’utilisent. Les monnaies locales, quant à elles, sont émises par une collectivité ou une association, et veulent favoriser une économie de proximité. Les exemples sont nombreux. En Suisse, le batz a circulé à Neuchâtel le temps de la célébration du millénaire de la ville en 2011 ; l’abeille est apparue à La Chaux-de-Fonds en 2019 dans un contexte économique sous tension, en vue de soutenir le commerce local et d’améliorer la situation financière de la ville. Des enjeux politiques et économiques sont liés à la mise en circulation de monnaies parallèles ; leurs points communs et leurs divergences interrogent sur leur cohabitation : de tels questionnements étaient à l’ordre du jour du café scientifique organisé en mai dernier à l’université de Neuchâtel.

Informatique tous azimuts

Parmi les intervenants, Valerio Schiavoni est enseignant-chercheur en informatique, science évidemment largement impliquée dans la création et la diffusion des cryptomonnaies. « Mes recherches s’orientent vers les prévisions de transfert et de taux de change des monnaies électroniques. Elles concernent aussi la sécurité des échanges et la protection des données, que des solutions de machine learning décentralisé permettent de renforcer 2. » Valerio Schiavoni évoque le spectre des échanges illicites, et notamment de l’argent de la drogue, qui a plané sur les débuts de l’aventure bitcoin, née en 2009. « Aujourd’hui le contrôle des monnaies et des marchés est renforcé. Mais dans ce domaine, tout évolue très vite ; des travaux tels que ceux que nous menons à l’Institut d’informatique s’attachent à mieux en maîtriser les rouages. »

 

Pour en savoir plus, le podcast du café scientifique du 23 mai 2023, Du batz au bitcoin : par ici la monnaie ! est en ligne sur le site de l’université de Neuchâtel.
1 Les géants du web Google (Alphabet), Apple, Facebook (Meta), Amazon et Microsoft.
2 Dans l’apprentissage automatique décentralisé, les données sont réparties entre différents nœuds dans un réseau, et non stockées à un emplacement unique. Plus flexible et plus évolutif, le système garantit davantage de sécurité et de confidentialité.
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