Université de Franche-Comté

Sport ou esport, telle est la question

Photo INTEL – ESL

 

Le sport électronique, ou esport, a-t-il sa place aux Jeux olympiques ? La question a trouvé une certaine réponse avec l’organisation des Olympic Virtual Series en marge des JO, comme à Tokyo en 2021. Une compétition d’un nouveau genre portant la marque des cinq anneaux, pour laquelle le CIO applique ses critères de sélection : des jeux vidéo correspondant à des pratiques sportives, et répondant aux valeurs et aux règles de l’olympisme. Parmi les élus, Zwift pour le cyclisme, Virtual Regatta pour la voile ou encore eBaseball.

La problématique reste cependant entière et le débat ouvert entre partisans et détracteurs de la présence de l’esport aux JO. Elle pose d’emblée la question de la définition du terme esport. L’esport est une manière compétitive de jouer aux jeux vidéo, qui exige, selon ses pratiquants, concentration, dextérité, motricité et entraînement, parfois intensif. Il ne se limite pas à des jeux de sport, mais concerne aussi par exemple des jeux de stratégie. Il fait l’objet de compétitions en présentiel ou en ligne, entre plusieurs adversaires ou entre équipes. La confusion paraît donc réductrice pour l’esport, tout comme le seraient les représentations qui décrivent des pratiquants de jeu vidéo affalés sur leur canapé une manette à la main et une bière dans l’autre, à l’opposé de l’image du sportif aiguisant ses muscles dans les stades.

Les réactions des lecteurs de lequipe.fr

Dans une enquête qu’il a menée dans le cadre de sa thèse au laboratoire C3S de l’université de Franche-Comté, consacrée aux représentations médiatiques de l’esport, Nicolas Voisin a analysé les réactions des lecteurs de lequipe.fr aux articles parus sur la question entre août 2017 et septembre 2021. Ses conclusions montrent que de nombreux fans de sport s’opposent à l’introduction de l’esport aux Jeux olympiques, jugeant que la pratique d’un jeu vidéo, même à haut niveau, ne s’apparente pas à un sport. Surtout, cette pratique menacerait un idéal sportif inconditionnellement associé à l’effort physique. Si les adeptes d’esport, soucieux de démontrer la dimension sportive de leur pratique, argumentent en réaction, la plupart d’entre eux ne défendent pas l’introduction de l’esport aux Jeux. Certains s’y opposent même, estimant que les compétitions virtuelles n’ont pas leur place aux JO, ou craignant que leur pratique soit dénaturée par une institution sportive opportuniste.

Et si la détention de la propriété intellectuelle des jeux vidéo par les éditeurs, l’absence de fédération internationale d’esport reconnue ou le choix des jeux sont des obstacles au rapprochement, il n’en reste pas moins que les relations tissées peuvent être l’occasion pour l’esport d’accélérer sa démocratisation et sa légitimation en tant que pratique sportive, et pour le CIO de s’ouvrir aux tendances actuelles, et par là même de retrouver les faveurs du public jeune, dont l’intérêt pour le sport olympique a tendance à s’émousser.

Les résultats de l’enquête de Nicolas Voisin ont été présentés lors du colloque Esport : du divertissement à l’olympisme, organisé par le CEROU en juin dernier à Besançon, dont les échanges pourront contribuer à la réflexion actuellement menée sur la question de l’esport aux Jeux olympiques.

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