Université de Franche-Comté

Sport à l’italienne

Étudiercouverture ouvrage l’histoire du sport pour aborder autrement l’histoire d’un pays ? Directeur du Centre Lucien Febvre de l’université de Franche-Comté, Paul Dietschy est coutumier de cette lecture à double interprétation, dont il donne une illustration avec l’ouvrage Storia dello sport in Italia. L’histoire du sport en Italie n’avait fait l’objet d’aucun ouvrage de synthèse depuis les années 1970. C’est aujourd’hui chose faite avec la sortie de ce livre coécrit avec Stefano Pivato, historien à l’université d’Urbino, qui retrace une épopée en lien avec l’histoire de la péninsule. Football, cyclisme, sports mécaniques, pour ne citer que les plus emblématiques, ont chacun leur témoignage à apporter. Le panorama est immense, de l’Antiquité où le culte du corps et la ferveur ambiante ont une résonance encore de nos jours dans la façon dont les Italiens abordent le sport, jusqu’à la crise économique actuelle soulignant le déclin du sport italien.

Paul Dietschy et Stefano Pivato racontent comment l’art de l’escrime est né sur le sol italien au XVIe siècle avant de rayonner en France ; comment Il Calgio, mélange de foot et de rugby, se jouait sur la place Santa Croce à Florence jusqu’au début du XVIIe siècle, avant de renaître dans les années 1930 sous le régime fasciste ; comment la gymnastique, pour ses vertus autant pédagogiques qu’hygiénistes, pouvait faire un bon conscrit en 1920, au sortir d’une guerre où tant de soldats, toujours adeptes de leur parler régional dans une Italie réunifiée depuis quelques décennies seulement, furent tués pour ne pas avoir compris des ordres donnés dans la langue nationale ; comment le Giro d’Italia, créé en 1909, est calqué sur le Tour de France ou encore comment la passion des Italiens pour la vitesse amène une Fiat à dépasser les 200 km/h dès 1908.

Le livre est ainsi nourri d’anecdotes et de récits pour mieux mettre en scène l’histoire avec un grand H : la construction de « l’Homme nouveau » de Mussolini, s’affichant pour l’exemple torse nu, et dont le gouvernement, en 1925, est le premier à mettre en place une politique sportive en Europe ; l’affirmation de la supériorité du pays, deuxième aux Jeux olympiques de Los Angeles en 1932, vainqueur de la Coupe du monde de foot en 1934 sur son sol, puis en France en 1938, un symbole de la puissance d’une Italie moderne face à une France vieillissante ; la résistance avec le cycliste Gino Bartali, porteur de messages cachés dans le cadre de son vélo pendant la Seconde Guerre mondiale, devenu une légende urbaine dans le contexte d’insurrection communiste de 1948, qu’il aurait désamorcée grâce à ses exploits dans les étapes alpines du Tour de France.

L’ouvrage explore les années 1950 et le « miracle italien », les années « de plomb et d’or » inscrivant les deux décennies suivantes dans le terrorisme, la croissance industrielle des années 1980 et le sport business, l’arrivée au pouvoir de Berlusconi en 1994, brandissant son slogan « Forza Italia », « Allez l’Italie », à la manière d’un supporter. Il raconte les années 1990 et les débuts de la globalisation du sport, quand Ferrari devient une équipe internationale et que d’autres, comme Lancia en rallye, ne négocient pas le virage et disparaissent. Aujourd’hui le sport italien est en déclin, à l’image d’un pays qui continue de subir les revers de la crise économique de 2008. L’Inter Milan a été vendu à la Chine et certains clubs de foot, auparavant prestigieux, sont relégués en « deuxième division européenne ». Histoire du sport et histoire du pays sont, comme nulle part ailleurs peut-être en Europe, intimement liées. Une histoire à découvrir dans cet ouvrage rédigé en italien, en attendant sa traduction française…

Dietschy P., Pivato S., Storia dello sport in Italia, Éditions Il Mulino, 2019

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