Université de Franche-Comté

Soulager les patients atteints de la maladie d'Alzheimer par la stimulation transcrânienne

À l’origine de la détérioration progressive et inéluctable de multiples fonctions cognitives, la maladie d’Alzheimer est la plus fréquente des maladies neurodégénératives. Les techniques de stimulation transcrânienne constituent des pistes innovantes et prometteuses pour lutter contre les effets de la maladie et améliorer la qualité de vie des patients et de leurs proches.

 

Il ne s’agit pas de soigner la maladie elle-même, mais d’améliorer la qualité de vie des patients atteints de la maladie d’Alzheimer, et par ricochet de celle des proches et aidants qui les accompagnent, ce qui est remarquablement précieux. Deux techniques de stimulation transcrânienne sont employées à cette fin, pour l’instant exclusivement dans le cadre d’études cliniques : la tDCS1, qui utilise un courant électrique de basse intensité, et la rTMS², exploitant un champ magnétique. Le recours à ces techniques trouve son origine dans le traitement des dépressions sévères, pour lesquelles elles représentent une alternative aux solutions médica­menteuses parfois peu efficientes, voire inefficaces pour certains patients.

Agissant sur l’activité et la connexion des neurones, dont le dérèglement s’avère responsable de patho­logies et de dysfonctionnements, les techniques de stimulation transcrâniennes montrent aussi des effets bénéfiques dans le traitement des suites d’un AVC, de la fibromyalgie, ou dans la lutte contre les addictions comme le tabagisme. Elles interviennent aujourd’hui également dans la prise en charge thérapeutique de la maladie d’Alzheimer. Autant de champs d’intervention gérés au laboratoire de neurosciences intégratives et cliniques de l’université de Franche-Comté, et toujours à l’in­térieur de protocoles de recherche.

« Nous menons actuellement une étude clinique auprès de cinquante-deux patients atteints de la maladie d’Alzheimer, raconte le Pr Pierre Vandel, chercheur en neurosciences et responsable du service de psychiatrie adulte au CHU de Besançon. S’il est encore prématuré d’annoncer des résultats définitifs, nous pouvons remarquer chez les pa­tients une amélioration certaine du dynamisme, de la motivation, de la capacité à participer à des activités ou à une discussion, et de manière générale du comportement. Parallèlement, l’anxiété et les troubles de l’humeur diminuent. Ces évolutions positives sont confirmées par les témoignages des proches et des soignants. »

 

1 tDCS : stimulation électrique à courant direct

² rTMS : stimulation magnétique transcrânienne répétitive

Les chiffres de la maladie d’Alzheimer

En France, en 2015, 900 000 personnes étaient atteintes par la maladie d’Alzheimer. 225 000 nouveaux cas sont recensés chaque année. La maladie frappe le plus souvent des personnes âgées (près de 15 % des plus de 80 ans), mais peut aussi survenir beaucoup plus tôt : on estime aujourd’hui en France à 33 000 le nombre de patients de moins de 60 ans atteints de la maladie d’Alzheimer. Les chiffres mondiaux font état de 35,6 millions de personnes touchées, et de 7,7 millions nouveaux cas chaque année.

La maladie d’Alzheimer n’est pas uniquement imputable au vieillissement. Son apparition est aussi corrélée aux activités cognitives, au mode de vie (nutrition, activité physique), aux risques cardiovasculaires et aux troubles psychologiques (anxiété, dépression) d’une personne. Un récent travail de compilation et d’analyse des données disponibles a mis en évidence qu’un tiers des cas de maladie d’Alzheimer est attribuable à ces facteurs de risque. Si certains, comme les antécédents génétiques, sont difficiles à contrôler, il est possible d’avoir une influence sur d’autres : une activité intellectuelle stimulante, des exercices physiques réguliers, une alimentation saine et de manière générale une bonne hygiène de vie, la prise de certaines vitamines voire de certains médicaments, sont des facteurs protecteurs de la maladie.

 

Dépression et rTMS

Identifiée comme piste thérapeutique possible dès la fin des années 1960, mais délaissée au profit des traitements médicamenteux émergeant alors, la stimulation magnétique transcrânienne connaît un regain d’intérêt depuis une dizaine d’années, depuis que ces mêmes médicaments ont montré leurs limites : de nombreux patients souffrant d’un épisode dépressif majeur ne répondent en effet pas de façon satisfaisante aux traitements par antidépresseurs.

Le Pr Emmanuel Haffen et son équipe, du laboratoire de neurosciences intégratives et cliniques, ont récemment publié les résultats d’une recherche portant sur les effets de la tDCS sur 24 patients souffrant d’une telle pathologie. L’étude DepReSCo fait état d’une « amélioration de la symptomatologie dépressive des patients ayant reçu le traitement actif, comparativement aux patients ayant reçu un placebo, quatre semaines après la fin des séances de tDCS ». Pour confirmer ces premiers résultats, l’étude STICODEP prend le relais sur sept centres en France et inclura à terme cent vingt patients.

Elle évaluera les effets du traitement par tDCS sur six mois, et ajoutera l’étude de son impact sur les fonctions cognitives à celle de son influence sur les troubles de l’humeur. L’intérêt de développer les traitements par tDCS réside dans le fait qu’ils sont relativement peu coûteux, reposent sur un appareillage peu encombrant et facile à transporter, quand la technique rTMS, qui fait ses preuves depuis de nombreuses années, suppose des installations d’envergure et onéreuses.

À noter que sur les quarante centres français disposant d’un tel équipement, Besançon est l’un des seuls à posséder un dispositif robotique permettant de guider l’impulsion magnétique au plus près de la zone corticale à traiter, grâce à une reconstruction 3D du cerveau par IRM. Cet équipement, représentant un investissement de 200 000 €, a été financé en intégralité par la Région Franche-Comté en 2011.

 

 

Courant indolore et salvateur

Le protocole inclut deux groupes de patients, le premier bénéficiant réellement du traitement tDCS et le second représentant un groupe « placebo ». « Les gestes et la procédure sont les mêmes, mais les patients du premier groupe seuls reçoivent la stimulation par courant électrique. »

Rappelons que la technique tDCS, non invasive, utilise un courant de très faible intensité, indolore, et est aussi extrêmement simple à mettre en œuvre : le dispositif comporte deux électrodes reliées à une batterie et placées sur le crâne du patient par l’intermédiaire d’un casque. Deux séances de vingt minutes sont programmées deux fois par jour, pendant cinq jours consécutifs. L’effet de la stimulation intervient environ quatre semaines plus tard, pour une durée encore à étudier.

« Lorsque nous serons à même de mesurer les effets de la stimulation dans le temps, nous pourrons ajuster la fréquence de répétition des séances et adapter les protocoles », souligne Pierre Vandel. L’étude clinique montre cependant de façon certaine une efficacité de la technique tDCS supérieure à celle de la rTMS, auparavant testée auprès d’un sous-groupe de patients.

Cette recherche pionnière, menée en collaboration avec l’hôpital de Saint-Rémy, Association hospitalière de Bourgogne – Franche-Comté (70) et l’hôpital Lariboisière à Paris, est activement soutenue par l’association France Alzheimer Franche-Comté et par la Région. « C’est la première fois en France que ces techniques sont proposées dans le cadre de maladies neuro­logiques », confirme Pierre Vandel.

Les premiers résultats sont prometteurs et les témoignages encourageants. Ainsi l’épouse d’un patient confiait à l’équipe médicale l’immense bienfait d’avoir profité, lors de Noël dernier, d’une période de quinze jours marquée par l’apaisement, au cours de laquelle le comportement de son mari s’était amélioré de façon notable. Quinze jours de répit… seulement, pourrait-on croire. En réalité, un vrai cadeau.

Contact :

Pierre VandelLaboratoire de neurosciences intégratives et cliniques – Université de Franche-Comté

Tél. +33 (0)3 81 21 86 11

 

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