Université de Franche-Comté

Souffle de poésie sur bougies d’anniversaires

Avec des œuvres denses, subtiles, prolifiques, Claude-Louis Combet et Jean Grosjean, chacun à l’aune de son talent, marquent le paysage littéraire français contemporain. Hommage(s) à des créations poétiques et à leurs auteurs, dont plusieurs pages de la biographie s’écrivent en Franche-Comté.



 

Claude-Louis Combet                               Jean Grosjean

 

Claude-Louis Combet                                               Jean Grosjean

 

 

Claude-Louis Combet a fêté ses quatre-vingts ans en 2012, Jean Grosjean en aurait eu cent à la fin de cette même année. Chacun des deux anniversaires a donné prétexte à diverses célébrations en terre comtoise, où par ailleurs les chercheurs du Centre Jacques-Petit de l’université de Franche-Comté valorisent ces auteurs et leur œuvre, dont ils ont à cœur de percer les mystères et de transmettre la portée. Leurs travaux s’appuient notamment sur la conservation, l’exploitation et la numérisation d’un patrimoine d’archives.

 

 

La complicité du mythe et de la réalité

Quand il fermait le livre de toutes les terreurs

et se campait de nouveau en l’attente de sa mère,

le fils avait voyagé intérieurement en des contrées de songe.

 

Claude-Louis Combet, Le livre du fils, Corti, 2010

 

 

Pour Claude-Louis Combet, seul le mythe — l’imaginaire universel — peut parler de l’humain. D’une vie de saint ou d’un être de légende, qu’il invente parfois en donnant à croire que le récit a bel et bien existé !, il bâtit un roman, une histoire sur laquelle il projette ses propres tourments et sentiments, ses réponses à des questions existentielles. Le genre est exclusif, il porte le nom de mythobiographie comme l’a baptisé son auteur. Enseignant-chercheur en littérature française moderne et contemporaine, France Marchal-Ninosque acquiert au cours de ses recherches les clés de compréhension de l’univers fantasmatique de l’écrivain. « Claude-Louis Combet possède une connaissance approfondie de la philosophie, de la psychanalyse et de la théologie, un mélange très personnel dont il nourrit une création dédiée au fantasme et à la rêverie. » Ajoutée à cela la virtuosité avec laquelle l’auteur sait jouer du lyrisme de la phrase, et l’on comprendra que Claude-Louis Combet entre dans le cénacle des auteurs majeurs du XXe siècle.

 

Je sens, comme je ne me souviens pas de l’avoir jamais sentie,

la densité sensuelle des choses.

Je me glisse parmi les parfums de la nuit

comme dans un espace encombré de choses insolites et disparates

et qui traînent à longueur de campagne.

 

Claude-Louis Combet, Miroir de Léda, Flammarion, 1992

 

 

Brouillons numériques

Sur les manuscrits de Claude-Louis Combet, aucune rature ou si peu. Jean Grosjean, quant à lui, ne souhaitait pas qu’on puisse faire lecture de ses brouillons et les détruisait au fur et à mesure 1. Seule l’œuvre du premier peut donc passer au crible de la critique génétique, une méthodologie pour trouver des indications dans des documents produits en marge du texte publié et remonter à la genèse d’un écrit.

 

Avis aux lecteurs : les pages de manuscrits de Claude-Louis Combet se comptent par milliers, près de 22 000 folios que les chercheurs du Centre Jacques-Petit numérisent patiemment depuis dix ans pour les mettre à disposition du public.

 

Une partie est déjà accessible sur le site http://centrejacquespetit.com/louis-combet/

 

1 L’exception confirme la règle : la Bibliothèque d’étude et de conservation possède un manuscrit de l’ouvrage Les Beaux Jours, qu’elle a officiellement déposé le 7 décembre 2013 à la Médiathèque Jean Grosjean de Baume-les-Dames (25)

 

 

 

 

« Si sa lecture est d’un abord peut-être ardu pour remporter l’adhésion d’un large public, à l’université sa gloire est faite. »

 

À Paris puis à Besançon, un hommage académique a été rendu à Claude-Louis Combet à l’occasion de ses quatre-vingts ans. Trois colloques internationaux ont été consacrés à l’écrivain, dont le dernier vient de donner lieu à la publication d’Actes 1, aux éclairages génétiques inédits, partant de la source de la création grâce à des documents et des témoignages exclusifs de l’auteur, qui, vivant à Besançon, entretient des relations privilégiées avec le Centre Jacques-Petit depuis plus de vingt ans.

 

 

Textes en version originale

Né à l’université de Franche-Comté voilà cinquante ans, le Centre Jacques-Petit a acquis une réputation internationale comme spécialiste de l’édition critique, et pour son activité de gestion de fonds d’archives qui, à mi-chemin entre recherche universitaire et conservation patrimoniale, lui confère une place à part dans la sphère académique. La littérature française de la fin du XIXe siècle et du XXe siècle constitue son domaine de prédilection.

 

Le Centre Jacques-Petit assure la réédition de textes assortis de commentaires critiques, un travail régulièrement mis en valeur dans les éditions prestigieuses de La Pléiade pour l’œuvre de Paul Claudel ou des Belles Lettres pour celle de Barbey d’Aurevilly. La recherche s’appuie sur la vocation patrimoniale du laboratoire à partir de l’exploitation d’archives, une dimension rare pour un laboratoire de littérature.

 

 

 

 

Une reconnaissance mitigée

Si Claude-Louis Combet garde d’une formation religieuse un penchant à la spiritualité dans laquelle ses fictions trouvent leurs origines, Jean Grosjean conserve de plusieurs années de prêtrise une étiquette de croyant que relaient certains de ses ouvrages.

 

Considéré comme un auteur religieux, il lui est difficile d’obtenir la reconnaissance de l’université comme celle du grand public. « Pourtant nombre de ses écrits témoignent d’une puissance critique et ironique vis-à-vis de la doctrine, et sa poésie, largement inspirée de la nature, est universelle », raconte Élodie Bouygues, enseignant-chercheur spécialiste de la poésie contemporaine. L’homme qui traduisit la Bible et le Coran tout autant que les tragiques grecs est avant tout un érudit extraordinaire.

 

 

Monté sur l’appui de fenêtre offrir

Mon rire apache aux courants d’air qui passent

Je me sentais saisi, presque enrôlé,

Ivre de vent, dans la horde des nues

 

Jean Grosjean, « L’appui de fenêtre », La Rumeur des cortèges, Gallimard, 2005

 

 

Prosateur, critique, poète, éditeur, homme de revue, c’est à ces différentes facettes que s’est attaché le colloque organisé par le Centre Jacques-Petit le 7 décembre dernier à Baume-Les-Dames (Doubs), dans une région chère à l’enfance du poète. À cette occasion, l’écrivain Christian Bobin a partagé son admiration pour l’auteur et célébré l’ami avec le grand public.

 

 

Le ciel comme un pavot et son cœur noir,

son cœur d’orage à l’orée des forêts.

L’averse arrive en rangs serrés

sur l’indigo des ancolies.

 

Jean Grosjean, « La réflexion », Les Parvis, Gallimard, 2003

 

 

Aux côtés d’hommes de lettres comme Raymond Queneau et Claude Gallimard, Jacques Réda et JMG Le Clézio comptent aussi parmi les proches de Jean Grosjean. Dans une autre forme d’hommage, ils signent respectivement l’avant-propos et la préface d’une anthologie de textes critiques écrits par Jean Grosjean entre 1947 et 2004 2.

 

1 Marchal-Ninosque F., Poirier J., Claude-Louis Combet, Fluences et influences, Presses universitaires de Franche-Comté,

Collection « Annales littéraires », 2012


2 Une voix, un regard, recueil de textes de Jean Grosjean écrits entre 1947 et 2004, éditions Gallimard, 2012

 

 

Contact : France Marchal-Ninosque Élodie Bouygues 

Centre Jacques-Petit

Laboratoire ELLIADD

Université de Franche-Comté

Tél. (0033/0) 3 81 66 54 47

 

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