Université de Franche-Comté

Sols pollués : les soigner par les plantes

Assurer le développement des végétaux grâce à l’action des micro-organismes, et inversement, tel est l’un des processus adoptés en matière de phytomanagement pour redonner vie aux sols pollués. Un combat patient et prometteur que mènent des chercheurs du laboratoire Chrono-environnement, sur le terrain comme sur les paillasses.

 

Mines, forges, hauts-fourneaux…, les sites d’extraction, de produc­tion et de transformation des métaux, notamment pendant la Révolution industrielle, sont une source historique de pollution des sols. D’autres activités, contemporaines, figurent aussi au banc des accusés. Désormais et pour très longtemps impropres aux productions destinées à la consommation humaine, ces surfaces n’en restent pas moins susceptibles d’être exploitées et de se rendre à nouveau utiles. À condition de se refaire une santé.

Le phyto­management, pour redonner vie aux sols

Réhabiliter les sols pollués est une mission que se sont fixés Michel Chalot et ses collaborateurs à Chrono-environnement. Un laboratoire pionnier en France pour l’étude et l’évaluation, par des outils innovants, du lien entre biodiversité des micro-organismes et pollution des sols. Michel Chalot est enseignant-chercheur en physiologie végétale et microbiologie. Il explique l’intérêt du concept de phytomanagement. « La dépollution des sols contaminés par les métaux reste extrêmement difficile, bien plus que celle des milieux aquatiques, même si cette piste continue à être explorée par la recherche. En revanche, exploiter des parcelles contaminées pour leur redonner une fonction de production n’est plus une utopie : c’est tout l’objet du phytomanagement, qui représente une solution accessible et efficace pour restaurer à faible coût des sols pollués. »

Sélection de 2 bactéries sur 275

L’apport de micro-organismes dans le sol est un excellent moyen de pallier le déficit de microbiodiversité responsable de l’appauvrissement des terrains. Dans cet objectif, les chercheurs de Chrono-environnement étudient les micro-organismes les plus aptes à stimuler la production végétale. Dans un article publié en septembre dernier dans le journal de référence Frontiers in Microbiology, les chercheurs identifient deux genres bactériens, Phyllobacterium et Streptomyces sp., comme les plus aptes, parmi 275 bactéries sélectionnées au départ, à aider à la restauration d’une décharge de gypse rouge résultant de l’extraction industrielle du titane.

L'apport des micro-organismes influence favorablement la croissance des peupliers

Parcelle expérimentale de Pierrelaye (95)

Des échanges gagnant-gagnant

L’objectif est de produire en masse, dans des fermenteurs de laboratoire, les micro-organismes sélectionnés, qui sont ensuite réintroduits dans les sols par colonies entières. « Nous avons démontré sur trois parcelles expérimentales contaminées par les métaux que la production de biomasses de peupliers, a, grâce à l’apport de micro-organismes, augmenté de 20 à 25 % en cinq ans. » Il s’enclenche un cercle vertueux : les végétaux ont besoin des micro-organismes pour se développer, et les micro-organismes prolifèrent en présence des végétaux. Michel Chalot note que dans ce processus, « la vie microbienne est plus importante au niveau des racines des végétaux, et surtout des arbres, dont les micro-organismes ont particulièrement besoin pour se développer. On en dénombre ici cent fois plus qu’ailleurs. » Or c’est aussi dans les racines, et justement grâce à l’action microbienne, que se fixent les métaux, évitant ainsi une dispersion de la pollution dans l’eau du sous-sol. Et des végétaux en abondance signifient également la fixation de CO2 et la capture du carbone dans les sols, des processus essentiels dans la lutte contre le réchauf­fement climatique.
Toutes ces interactions génèrent un processus de phyto­stabilisation nécessaire à la résilience des sols pollués. Reprenant vie, ceux-ci ont alors la capacité de faire croître des végétaux à l’origine, par exemple, de la production de fibres pour l’industrie des biomatériaux ou de matières premières pour la filière bois-énergie. C’est le moyen d’épargner les sols agricoles, à réserver aux produits destinés à la consommation humaine, en même temps qu’un bénéfice avéré pour l’environnement.

 

Pour en savoir plus la chronique de Jérémy Querenet sur France Bleu Besançon

Contact(s) : Laboratoire Chrono-environnement - UFC / CNRS - Michel Chalot - Tél. +33 (0)3 81 99 46 76 - michel.chalot[at]univ-fcomte.fr
retour