Université de Franche-Comté

Secrets de champignons

Enregistrement electrophysiologique pris dans les fructifications de Pleurotus citrinopileatus
Photo Matteo Buffi

Un champignon est plus complexe qu’il n’y paraît… À commencer par sa définition : ce que nous appelons communément un champignon, et que l’on consomme lorsque les variétés sont comestibles, n’est que son appareil reproducteur.

À la manière de l’iceberg, pied et chapeau ne sont que la partie visible d’un organisme dont le corps véritable est le mycélium, l’appareil végétatif qui assure sa croissance et qui court dans le sol sous la forme d’un réseau de filaments très fins, les hyphes. Le champignon est ensuite un casse-tête pour la classification scientifique des espèces. Ni végé­tal, ni animal, il a fini par faire l’objet d’un règne à lui seul, Fungi, mais cette classification classique, fondée sur la ressemblance, se double depuis les progrès de la génétique d’une classification phylogénétique, qui tient compte des degrés de parenté entre les espèces et bouleverse complètement la donne.

Certains groupes parmi les millions d’espèces de champignons connues n’ont d’ailleurs pas encore trouvé leur place au sein de cette classification récente et toujours en cours d’élaboration. Quelques spécimens forcent le respect, comme cet armillaire qui, en Oregon (USA), est reconnu comme l’un des plus grands et plus vieux organismes vivant sur la planète : son mycélium se ramifie sur quelque 10 km² et son âge est estimé à au moins 2 500 ans.

Des glaces du pergélisol aux profondeurs de la terre en passant par notre organisme, le champignon est partout ; utilisé pour fabriquer la pénicilline comme pour produire de la bière, il est aujourd’hui aussi pressenti pour aider à la remédiation des sols, grâce à ses capacités à neutraliser, absorber ou dégrader les polluants, et notamment les métaux lourds, une tâche dont il s’acquitte souvent avec des bactéries.

 

 

 

Réseaux de communication interne et externe

C’est à la physiologie complexe des champignons que Matteo Buffi consacre sa thèse au laboratoire de microbiologie de l’université de Neuchâtel. Le doctorant cherche notamment à mettre en évidence leur capacité à communiquer grâce à des signaux électriques émis par la multitude de structures filamenteuses qui composent le mycélium, sans doute à grande distance. « Il s’agit de comprendre comment le champignon arrive à gérer ce million de petites mains en même temps ! »

On sait aujourd’hui que les plantes et les bactéries communiquent grâce à de telles ondes ; Matteo Buffi s’intéresse ici à un organisme encore peu étudié par la science, bénéficiant du contexte porteur du laboratoire de microbiologie et des recherches qui y sont menées depuis plusieurs décennies. « Mes travaux portent égale­ment sur les échanges entre champignons et bactéries, et sur le rôle des champignons pour la communication des plantes entre elles : les réseaux tissés par le mycélium seraient susceptibles de leur servir de vecteurs de communication, à la manière de câbles téléphoniques les reliant les unes aux autres. »

Matteo Buffi a recours à diffé­rentes techniques pour détecter des charges ou des signaux électriques, comme la fluorescence ou l’électro­physiologie, une méthode employée pour étudier les neurones du cerveau. Mieux connaître les fonctionnements et les modes de communication chez le champignon apportera des éléments de connaissance à la science fondamentale comme à quantité d’applications sur le terrain, et en premier lieu pour prendre garde à ne pas rompre les connexions du Wood Wide Web, la toile des forêts, qui s’élaborent subtilement sous nos pieds.

retour