Université de Franche-Comté

Sculptures de lumière

Rayon lumineux des plus cohérents, le laser suit une ligne droite impeccable ou parfois brisée selon des angles de réfraction choisis, mais toujours parfaitement rectiligne. Une définition un rien restrictive depuis qu’une équipe de chercheurs du département Optique de l’Institut FEMTO-ST a démontré, expériences à l’appui, la possibilité de lui faire adopter une courbe, ou d’autres formes encore. Une technologie novatrice dérivée de la maîtrise du principe de l’holographie, une compétence historique du laboratoire bisontin.

« Écrire entièrement », telle est la signification du terme holographie selon sa racine grecque. En enregistrant la phase et l’amplitude d’une onde diffractée par un objet, la technique holographique est capable de restituer cet objet sous la forme d’une image 3D : l’hologramme est un ensemble de franges d’interférences nées de la rencontre d’une onde lumineuse de référence et d’une onde émise par l’objet. L’image qui en résulte est enregistrée sur une plaque photosensible, elle n’apparaîtra à notre œil qu’à la condition d’être éclairée par une onde lumineuse similaire à l’onde de référence qui a rendu possible son enregistrement. Ce principe est celui de l’holographie optique, dont l’essor dans les années 1960 est lié à celui du laser qui devient alors la source lumineuse de référence par excellence. Née dans les années 1990, l’holographie numérique s’appuie sur le même procédé optique, mais la plaque photosensible est ici remplacée par une caméra qui assure l’enregistrement de l’image puis la restitue sur ordinateur.

Hologrammes…

Une vingtaine d’hologrammes fascinants sont présentés exceptionnellement au public, comme la Vénus de Milo et un airbus A300, un dauphin et une maison sous la mer…

Cette exposition est issue des archives de l’Institut FEMTO-ST et de la collection privée de l’entreprise HOLOLASER, dont l’activité dans les années 1980 était développée par des chercheurs bisontins.

L’expérience holographique, du 18 /09 au 15 /11/ 2015, Gymnase-espace culturel, Besançon.

 

Dans les deux cas, l’image possède toutes les informations sur l’onde émise par l’objet, dont il devient possible d’étudier les caractéristiques même en son absence, voire de le recréer de toute pièce. Cela signifie qu’au-delà de son côté spectaculaire et de ses déclinaisons artistiques, l’holographie est un outil au service de la science, ainsi que d’autres développements en interférométrie. Ses données sont exploitées dans de nombreux domaines, comme en métrologie optique où elle a rendu possible la caractérisation de microsystèmes presque invisibles à l’œil nu.

Rayon laser prenant la forme d'une sphère

Le rayon laser prend la forme de sphère…

D’ailleurs, l’holographie numérique n’a pas besoin d’objet réel pour lui servir de modèle : il est possible de construire par calcul informatique un objet que l’on veut obtenir en image, ce qui ouvre le champ à toutes les déclinaisons possibles et imaginables en fonction des applications souhaitées.

Les hologrammes ainsi réalisés repartent dans le circuit optique grâce à des matrices à cristaux liquides, une technique exploitée à FEMTO-ST depuis 2008 qui permet de mettre en forme la lumière à partir des informations contenues dans l’hologramme. « La lumière se comporte comme de la pâte à modeler, se plaît à comparer Maxime Jacquot, directeur adjoint du département d’optique de FEMTO-ST. On la façonne avec différents paramètres comme la polarisation, la phase, la fréquence… »

L’une des applications les plus extraordinaires de ce savoir-faire est à chercher du côté de l’usinage laser. À FEMTO-ST, des « aiguilles optiques » ont été obtenues par interférométrie. Elles permettent de percer par laser femtoseconde des nanotrous dans du verre à des profondeurs jamais atteintes1.

Loin de s’arrêter à ce résultat, certes époustouflant mais unidirectionnel, l’équipe réussit ensuite à maîtriser des faisceaux dits « accélérants », où la lumière est spatialement modifiée pour obtenir des trajectoires complexes et courbées. Une prouesse réalisée par l’équipe bisontine en 2012, qui aujourd’hui parvient même à façonner les rayons laser en dômes de lumière…

Mer optique et agitée

La houle qui se propage sur la mer se mêle aux autres ondes provenant des profondeurs ou de vents contradictoires, créant une surface chahutée, aux interférences compliquées, que peut néanmoins reproduire l’optique via l’utilisation des techniques d’holographie numérique. À FEMTO-ST, Amaury Mathis et Luc Froehly, sous la houlette de John Dudley, ont ainsi réussi à reconstituer une « mer optique » où il est possible d’observer des événements extrêmes proches de ceux se produisant réellement en mer. « Même si les bons parallèles sont difficiles à établir, il existe des similarités intéressantes à exploiter pour élaborer des prédictions sur les aléas qui peuvent se produire en mer. »

Attention cependant à ne pas confondre la mer optique de ces chercheurs et les vagues scélérates de John Dudley ! Si les deux expériences d’inspiration maritime se basent sur l’optique, elles en exploitent des propriétés et des principes différents…

 

De l’holographie à l’interférométrie

En 1945, le physicien Pierre-Michel Duffieux s’établit à Besançon. C’est sous son impulsion que se développe l’optique au laboratoire de Physique générale de l’université, lui qui est le fondateur de la transformation de Fourier en optique. Une fonction mathématique dont est issu, entre autres, le principe de l’holographie. Marchant dans ses pas, les chercheurs du laboratoire, qui prendra plus tard son nom, sont à la hauteur du talent de leur maître. Ils sont parmi les premiers en France dans les années 1960 à réaliser des lasers, puis des hologrammes, donnant au laboratoire, et dans les deux domaines, une réputation internationale qui ne se démentira plus.

En 1975, l’hologramme de la Vénus de Milo, atteignant 1,5 m de hauteur par 1 m de large, est alors le plus grand jamais réalisé. Il fait le tour du monde et demeure un symbole historique du savoir-faire bisontin. Bien du chemin a été parcouru depuis, jalonné de réussites et de prix scientifiques.

Hologramme représentant un mannequin

Hologramme photographié par Rémi Meyer – Institut FEMTO-ST

Lorsque la technique de l’holographie numérique se développe à Besançon à la fin des années 1990, le domaine est encore neuf. Le laboratoire connaît une conjonction de compétences qui s’agrègent et donnent lieu à des publications essentielles entre 2008 et 2012, sur la mise au point de faisceaux laser complexes à partir d’hologrammes de phase.

Les recherches se focalisent sur le domaine du micro-usinage laser : les impulsions courtes générées par un laser femtoseconde sont utilisées pour percer des trous de l’ordre de quelques centaines de nanomètres de diamètre dans du verre sur une longueur de plusieurs centaines de microns, selon un rapport de forme atteignant aujourd’hui 1 0001.

Les micro-, puis nanocanaux réalisés sont des premières mondiales, que relaient plusieurs publications scientifiques dès 2010. L’histoire s’accélère et en 2012, la réalisation d’usinage par faisceau laser courbe décroche aussi le titre de première mondiale… La démonstration coiffe au poteau la théorie avancée à ce sujet par le célèbre physicien israélien Morchedai Segev la même année, une petite fierté pour l’équipe bisontine, et la confirmation de son excellent savoir-faire expérimental.

1 Cf. encart – en direct n° 257 de mars – avril 2015

Contact : Maxime Jacquot / Luc Froehly 

Département d’optique – Institut FEMTO-ST

Université de Franche-Comté / ENSMM / UTBM / CNRS
Tél. (0033/0) 3 63 08 24 16 / 20 97

 

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