Profilage du casque, position de la selle, jusqu’au placement d’une couture sur un vêtement : en cyclisme, tout doit être étudié dans le moindre détail pour prétendre atteindre le plus haut niveau de performance. Créer l’osmose entre l’homme et la machine, et s’adapter à des conditions environnementales toujours différentes sont des exigences qui font de ce sport l’un des plus scientifiques qui soient. C’est la raison d’être du LabCom LAME, le laboratoire commun Athlète matériel environnement, né en 2019 de la collaboration entre le laboratoire de recherche C3S de l’université de Franche-Comté et l’équipe cycliste Groupama-Française des Jeux. Un modèle unique en France, qui au terme d’un contrat arrivé à échéance en août 2022, a fait les preuves de son intérêt, au point que l’association a été reconduite sur les fonds propres des deux partenaires, et avec le soutien financier de la Région Bourgogne – Franche-Comté. Le tableau d’affichage annonce des résultats très satisfaisants.
Pour l’équipe Groupama-FDJ, un classement international World Tour passé de la 11e à la 5e place, une équipe espoirs (U20) estimée comme la meilleure au niveau mondial, et de beaux succès individuels. L’exploit du jeune Bisontin Romain Grégoire, qui en mai dernier a remporté les 4 jours de Dunkerque à tout juste 20 ans, alors qu’il venait d’intégrer la première division, en est une éclatante illustration. Du côté de la recherche, la publication d’articles scientifiques, l’évaluation positive des autorités administratives (HCERES) et l’insertion professionnelle des jeunes impliqués dans le projet montrent que les objectifs sont atteints. « Une fois leur diplôme en poche, le doctorant et l’ingénieur recrutés sur le contrat LabCom ont tous deux été embauchés au service R&D de la société SGE, qui gère l’équipe Groupama-FDJ, pour poursuivre les travaux entrepris. C’est pour nous une très grande satisfaction », témoigne Alain Groslambert, qui partage dans un même enthousiasme la direction du LabCom avec Frédéric Grappe, également universitaire et directeur de la performance à Groupama-FDJ.
Les locaux du COPS, le Complexe d’optimisation de la performance sportive, accueillent à Besançon tous les acteurs impliqués dans cette aventure collective : chercheurs et étudiants, jeunes athlètes en formation, staff médical. Les équipements scientifiques des uns côtoient le matériel sportif des autres pour faciliter des interactions qui bénéficient par ailleurs de collaborations avec des entreprises high-tech, des sponsors, et d’autres laboratoires de l’université. Dans la thèse en neurosciences qu’il prépare au C3S, Thibaud Pirlot étudie les relations entre cerveau et muscles, et mesure l’impact de facteurs comme la fatigue, l’environnement, la motivation, sur les commandes motrices. « Capter les ondes électriques émises par le cerveau donne la possibilité de visualiser les zones qui s’activent. » Victor Simonin, aujourd’hui ingénieur de recherche à la SGE après avoir fait ses armes au LabCom, modélise le comportement du tandem homme/machine dans un environnement donné ; les simulations qu’il élabore en 3D permettent de rectifier l’ergonomie d’un équipement pour qu’il s’adapte le mieux possible au coureur, du sur mesure pour les plus grands cyclistes de l’équipe : « Un prolongateur d’accoudoir personnalisé a par exemple été réalisé pour David Gaudu, 4e au Tour de France 2022. Adapté à la morphologie de sa main, il a été réalisé par impression 3D ».
En montagne ou sur le plat, à 2 500 m d’altitude ou au niveau de la mer, par temps chaud ou sous la pluie…, les conditions sans cesse changeantes de la pratique du cyclisme sont aussi dans le collimateur des chercheurs. Les installations du COPS permettent de placer les coureurs dans des atmosphères particulières pour leur entraînement, en même temps qu’elles servent les besoins de la recherche. Parmi les plus spectaculaires, des appartements d’hypoxie reproduisent le manque d’oxygène auquel les athlètes sont confrontés en altitude, une tente d’hyperoxie propose à l’inverse de respirer un air enrichi en oxygène pour une pression équivalente à celle d’une plongée à 10 m de profondeur, une cabine de cryogénie abaisse la température ambiante jusqu’à -110°C pour mesurer les effets du froid sur la récupération physique… Ces installations sont aussi utilisées pour d’autres sports ou à d’autres finalités, par exemple pour la préparation de participants aux Jeux olympiques : le LabCom LAME comme les locaux du COPS partagent une même philosophie, celle de la mutualisation des moyens et des équipements.