Université de Franche-Comté

Saga linguistique franco-suisse

Adieu à tous ! Si vous avez décidé de bassoter au lieu de travailler, vous avez meilleur temps de vous amuser à découvrir les mots et expressions du patois restés vivaces dans nos régions, puis d’en parler avec le Paul ou la Suzon à midi au dîner, tout en brassant la salade…

Le patois a la cote ! En témoignent les milliers de réponses aux enquêtes internet menées à ce sujet par les universités de Neuchâtel, Genève et Zurich en 2015. « Ce succès confirme le vif intérêt de la population à l’égard des particularismes linguistiques régionaux », se réjouit Federica Diémoz, spécialiste de dialectologie galloromane et sociolinguistique au Centre de dialectologie et d’étude du français régional de l’université de Neuchâtel. « Le parler local reste une fierté, qui est intimement liée à l’identité de chacun. »

L’étude s’est déroulée en plusieurs épisodes, elle a concerné pour une part la Suisse romande et la France voisine, puis a repoussé les frontières de ses investigations aux limites de l’Hexagone et jusqu’en Belgique. Les objectifs ? Analyser les expressions et prononciations considérées comme propres au français parlé en Suisse romande, apprécier leur vitalité et attester leur présence à l’intérieur et hors de la Suisse.

Pas moins de dix mille habitants de Suisse romande et de France voisine se sont prêtés à un vaste jeu de questions sur leurs habitudes linguistiques, vingt mille si on considère l’étude élargie à l’ensemble des participants. « Des informations étaient bien sûr déjà disponibles, mais posaient des problèmes de représentativité des populations. L’envergure de l’étude réalisée ici apporte une caution scientifique indiscutable aux données », explique Mathieu Avanzi, postdoctorant à l’université de Zurich et au Centre universitaire d’informatique de l’université de Genève. « Nous avons dépouillé, répertorié et analysé des dizaines de milliers de réponses, qui nous ont servi à élaborer des cartes de localisation linguistiques. » Où l’on remarque que certains particularismes sont vivaces sur l’ensemble du territoire helvète ou à l’inverse ne concernent plus qu’un canton ou deux à l’intérieur de la Suisse romande, quand d’autres ont allègrement passé les frontières.

La « panosse » ou la « patte » ?

Ainsi « adieu » pour dire bonjour est toujours très répandu en Suisse romande et s’utilise couramment jusqu’à Annecy ; « dîner » a disparu en France mais reste sans concurrence en Suisse et en Belgique pour indiquer le repas de midi ; en Suisse, on utilise volontiers la « panosse » pour laver le sol, une habitude connue aussi en Rhône-Alpes, sauf à Lyon, où, comme en Franche-Comté, on passe encore la « patte », tout cela n’ayant guère changé depuis 50 ans ; à Neuchâtel, on parle des années « quatre-vingts », mais dès qu’on quitte les rives du lac pour aller vers le sud, jusqu’à Lausanne on dit « huitante ». Le découpage géographique réserve quelques surprises, comme l’habitude de donner du « y » à tout bout de champ, que l’on croyait plutôt réservée aux Savoyards ou aux Bourguignons, mais dont la zone d’influence dépasse le domaine francoprovençal dont il est issu ; en Suisse romande, le pronom est usité jusqu’à Nyon dans le canton de Vaud. On prononce la consonne finale du mot « vingt » non seulement en Suisse et dans l’ouest de la Franche-Comté, mais aussi dans une large partie de l’Est de la France. L’expression « meilleur temps » n’est pas l’apanage de la Romandie comme on pouvait le croire : on la retrouve dans les départements du Doubs, du Jura et de Haute-Savoie. Même remarque à propos du verbe « voir », qui se rencontre dans des formulations comme « sers-moi voir un verre » ou « dis voir » plus fréquemment en France voisine que dans les cantons de Neuchâtel et du Jura.
La saga linguistique franco-suisse n’est pas terminée… Une nouvelle enquête est en cours. Pour y participer : http://francaisdenosregions. com/participez-a-lenquete/

Contacts : Mathieu Avanzi

Université de Zurich / Université de Genève

Federica Diémoz

Centre de dialectologie et d’étude du français régional

Université de Neuchâtel
Tél. +41 (0)32 718 16 43

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