Université de Franche-Comté

Rouges, verts, bleus, lumineux ou iridescents… les matériaux adaptatifs habilleront bientôt notre environnement


Les conditions environnementales peuvent modifier l'aspect visuel de certains matériaux, dits  adaptatifs Ÿ. Ceux-ci peuvent alors changer de couleur en fonction de la température, du rayonnement lumineux ambiant, de l'angle d'observation, ou briller dans le noir. S'ils sont connus depuis les années 70, les recherches en cours, et notamment au LMS — laboratoire de Microanalyse des surfaces — de l'ENSMM, portent sur leur amélioration, quitte à en synthétiser de nouveaux, et sur les mécanismes de mise en forme en vue de leurs applications grand public. Trois grandes familles de matériaux adaptatifs sont principalement étudiées au laboratoire :
• Des matériaux luminescents dans l'obscurité après excitation lumineuse. Les deux mécanismes constituant l'émission luminescente sont la fluorescence et la phosphorescence. Ils se distinguent principalement par le temps de persistance de l'émission lumineuse après arrêt de l'excitation.
La fluorescence, qui correspond au retour électronique spontané d'un état excité vers l'état fondamental, cesse dès que l'excitation est stoppée. La phosphorescence, elle, persiste après l'arrêt de l'excitation et le matériau est fréquemment désigné par le terme  phosphor Ÿ. Cette émission retardée est due au passage par un état électronique intermédiaire, appelé  métastable Ÿ, entre l'état excité et l'état fondamental. Ces propriétés sont rencontrées principalement dans deux matériaux semi-conducteurs : les sulfures de zinc dopés avec l'élément cuivre et les aluminates de strontium dopés avec l'élément europium*. Les procédés de dépôt des produits phosphorescents sont principalement la sérigraphie, les dépôts à la seringue, la peinture à sec (powder coating) ou avec solvants, l'extrusion, l'injection et le matriçage à chaud (hot embossing).
Le prix élevé des pigments phosphorescents doit être pris en compte dans les applications envisagées de ces produits.
• Des matériaux thermochromes qui changent de couleur, d'une manière réversible ou non, en fonction de la température. Le changement de couleur est dû à une réorganisation structurale du pigment, qui se produit à une certaine température (température d'activation) généralement comprise entre -15°C et 80°C. La molécule constitutive présente alors, via cette nouvelle configuration, une nouvelle longueur d'onde d'absorption. Lors de l'abaissement de la température, cette molécule retrouve ou non sa configuration d'origine.

Les pigments qui assurent le changement de couleur sont des composés leucodérivés ou des cristaux liquides qualifiés de thermotropes (ils présentent des variations orientationnelles en fonction de la température). Les pigments, utilisés après avoir été microencapsulés, peuvent être employés dans des procédés d'extrusion, d'injection ou d'émulsification, pour réaliser des encres ou des peintures.
En pratique, les produits leucodérivés sont moins performants que les cristaux liquides, mais aussi moins chers. 
Les matériaux photochromiques, qui changent de couleur en fonction de la longueur d'onde de la lumière, sont étudiés comparativement.
• Des matériaux photoniques : la couleur est liée, cette fois-ci, à la structuration du matériau et non à des pigments. En effet, dans ce cas, c'est un phénomène d'interférences lumineuses sur des stratifications périodiques de matériaux isolants à propriétés diélectriques qui est en jeu. La propagation de la lumière dans ces structures est liée à l'existence de bandes interdites photoniques (BIP) et de bandes permises. Cette structure stratifiée, que l'on retrouve par exemple dans la structure des écailles des ailes de papillons (classe des lépidoptères), est constituée, dans le cas de matériaux photoniques, par des oxydes tels que les oxydes de silicium, de titane, de tantale, d'hafnium…
La réalisation de ces matériaux à propriétés particulières est associée à des procédés de pulvérisation thermique principalement effectuée sur matériaux polymériques.
• Le LMS maîtrise ces trois catégories de matériaux. L'équipe travaille à en améliorer les performances : que les matériaux puissent fluorescer plus longtemps, avec moins d'apport en lumière… Pour cela, il est parfois nécessaire d'en synthétiser de nouveaux, en s'inspirant parfois de la nature (bioluminescence). L'autre pan de ce travail consiste à développer des méthodes de mise en forme adaptées aux applications recherchées. À titre d'exemple, les mécanismes de transfert sont inadéquats pour les matériaux phosphorescents. Il est donc nécessaire de concevoir toute une panoplie de techniques pour chaque type de matériaux adaptatifs.
Des applications sont prometteuses pour l'industrie, très demandeuse de ce type de produit, que ce soit pour la signalétique (assurer la sécurité dans un tunnel en cas de coupure d'électricité, par exemple) ou pour la décoration, à vocation ludique ou non.

* Les sulfures de zinc sont moins onéreux et quasi insensibles à l'humidité. Ils sont, par contre, moins performants que les aluminates de strontium, en termes de temps d'émission et d'intensité lumineuse émise.

 

Christine Millot – Frédéric Legay –
Claude Roques-Carmes
Laboratoire de Microanalyse des surfaces
ENSMM
Tél. 03 81 40 28 50
Fax : 03 81 40 28 52
claude.roques-carmes@ens2m.fr

 

 

retour