Université de Franche-Comté

Revoir la gestion des approvisionnements en entreprise

Photo : falco (Shutterstock)

 

Pénurie de papier, de bois, d’acier, de cuivre, de composants électroniques…, depuis des mois les difficultés d’approvisionnement touchent différents secteurs économiques. La faute à la crise sanitaire, qui a privé les fournisseurs d’une partie de leur force de production, puis à la reprise économique, qui a pompé les stocks et orienté la production en faveur de certains marchés ou zones géographiques.

La faute aussi aux aléas climatiques, écologiques, économiques, qui n’ont pas manqué d’ajouter de la complexité au problème. Une situation globale déroutante, paralysante, qui voit les retards dans les approvisionnements de fournitures ou de matières premières atteindre des sommets et se répercuter sur les délais de fabrication, une dynamique infernale que ne peut compenser la constitution ordinaire de stocks. La conjoncture est certes inédite, mais elle ne manque pas d’attirer sur les données d’un problème de fond, amené à se reproduire sous une forme ou une autre, celui de la gestion de crise dans les entreprises.

 

Enquête au cœur des entreprises

Cette question a fait l’objet d’une enquête menée par la Haute Ecole de gestion Arc auprès de PME et de grandes entreprises, à la fois en Suisse et dans la région de Samara en Russie, avec laquelle l’école entretient des relations académiques. Provenant essentiellement d’entreprises de l’Arc jurassien et de Samara, les réponses ont donné lieu à une complémentarité intéressante, en raison des similitudes que présentent les tissus économiques de ces deux territoires.

Spécialiste de la Supply Chain Management et coordinatrice du projet, Karine Doan relève que, ici comme là-bas, la vulnérabilité des entreprises augmente avec leur taille : « Les grandes structures ont des difficultés à contrôler leurs chaînes d’approvisionnement, qui se ramifient parfois sur plusieurs continents, et qui sont souvent dépendantes de la Chine. Leur système de production souffre également d’un manque de flexibilité, et cette difficulté d’adaptation s’ajoute aux problèmes d’approvisionnement. Résultat : les retards se cumulent pour honorer les commandes. »

Karine Doan relève par ailleurs une insuffisance de gestion prévisionnelle dommageable, même dans les grandes entreprises ; elle note que l’adoption des principes de rentabilité du lean management depuis une vingtaine d’années, impliquant notamment une baisse drastique des stocks, n’a peut-être pas été réalisée de façon appropriée dans les entreprises. Cette expérience de management, telle qu’elle a été développée d’après le modèle japonais, montrerait-elle ses limites devant une situation de crise ? Contraintes par l’urgence, les entreprises ont mis en place des mesures inédites, dont il est pour l’instant difficile de savoir si elles laissent augurer de nouvelles formes d’organisation. Ainsi, dans un véritable effort de mutualisation, certaines ont mis en commun des équipements utiles à leur activité, bien qu’elles n’aient jamais travaillé ensemble par le passé. D’autres se sont tournées vers des marchés de proximité, une notion qu’il faut ici entendre jusqu’au-delà des frontières du pays.

Cette démarche a pour but, à terme, de s’affranchir du poids de chaînes construites à l’échelle de la planète et sur lesquelles les sociétés n’ont plus de visibilité ni de prise. Dans une même logique de rapprochement, une partie des activités se sont vues rapatriées, comme les entrepôts de cette entreprise russe réinstallés près de son siège social. Ces initiatives constitueraient-elles l’amorce d’une réindustrialisation des territoires ? S’il est prématuré à ce stade de l’enquête d’imaginer un tel scénario, Karine Doan souligne une réelle volonté des entreprises de « penser local » et de tisser des relations partenariales plus transparentes et plus efficaces.

Contact(s) :
Haute Ecole de gestion Arc
Karine Doan
Tél. +41 (0)32 930 23 36
retour