Université de Franche-Comté

Réservoirs nanométriques de principes actifs


Que ce soit pour délivrer lentement des médicaments ou pour protéger un métal de l'oxydation, il est intéressant de confiner un produit chimique actif dans une capsule et d'en maîtriser la libération. L'objectif des recherches actuelles est de diminuer la taille de ces capsules. C'est pourquoi de nombreuses équipes travaillent à la réalisation et à la caractérisation de capsules submicrométriques (quelques centaines ou dizaines de nanomètres de diamètre).
Un consortium européen, Nanocaps, auquel participent deux laboratoires de l'université de Franche-Comté*, s'intéresse à des applications spécifiques des nanocapsules, telles que la lutte contre les acariens, les bactéricides ou les traitements anti-corrosion. Elles mettent en ¶uvre des principes fondamentaux encore à découvrir et à préciser.
• Le LCMI intervient sur ce point. En effet, l'innovation apportée par le projet Nanocaps tient, d'une part dans la diversité des produits à encapsuler, d'autre part dans le fait qu'ils sont dans un état liquide et non solide comme dans la plupart des cas.
L'objectif est donc de créer des capsules les plus petites possible et les plus homogènes possible (monodispersées). Pour cela, le produit actif est d'abord mis en solution dans de l'eau ou de l'alcool. Ensuite, une émulsion doit être créée avec un milieu hydrophobe. Plutôt que d'utiliser l'agitation, une équipe du consortium (l'Institut Sintef à Oslo) a mis au point un nouveau procédé garantissant la formation de gouttelettes de taille identique : le liquide, grâce à l'application d'une pression, passe au travers d'une membrane. Les pores de cette membrane mesurent quelques centaines de nm ; des gouttes se forment à la  sortie Ÿ de la membrane et se dispersent dans le milieu hydrophobe, ici de l'huile. L'ajout de tensio-actifs est néanmoins nécessaire pour éviter que les gouttes ne fusionnent entre elles.
• L'encapsulation se fait ensuite par autoassemblage macromoléculaire (ou dépôt multicouche). Deux macromolécules ionisées, par exemple le poly(styrène sulfonate) et le poly(allyl amine), sont utilisées. La première est chargée négativement, alors que la seconde l'est positivement. Une couche de l'une vient donc se déposer sur une couche de l'autre. Cet empilement peut atteindre une quarantaine de couches successives.

• La question fondamentale est de découvrir précisément comment se forment les dépôts. Des méthodes analytiques et expérimentales sont mises en ¶uvre au LCMI. Un réflectomètre, construit au sein de l'équipe, permet de mesurer in situ l'adsorption, et donc la quantité de polymères déposée. Il apporte également des informations pour la connaissance de la physique de surface.
Le département d'optique de l'Institut FEMTO-ST caractérise les propriétés de la couche, en utilisant la microscopie à force atomique et la microscopie optique champ proche de fluorescence. Il est alors possible de déterminer, par exemple, les caractéristiques de la formation d'une couche par rapport à la couche précédente. Enfin, des mesures de relargage**, c'est-à-dire de libération de la matière active dans le milieu extérieur, sont effectuées.
• L'équipe travaille également à une troisième application des nanocapsules, biomédicale : il est parfois nécessaire d'introduire dans les artères des endoprothèses vasculaires — cylindres flexibles, souvent métalliques, qui servent à maintenir constant le diamètre du vaisseau coronarien. Il serait précieux de les traiter en surface pour éviter la prolifération bactérienne ou la croissance d'un dépôt. Or, les agents anti-infectieux adsorbés ne doivent absolument pas se détacher et se diffuser dans le sang. Il est donc primordial de réaliser une adsorption irréversible des nanocapsules à la surface du métal de l'endoprothèse vasculaire, et pour cela de comprendre parfaitement les interactions entre l'acier et les nanocapsules. Pour ce type d'application, on utilise des polymères biocompatibles comme le couple chitosane (cationique) / alginate (anionique).

* Le LCMI — laboratoire de chimie des matériaux et interfaces — et le département d'optique de l'Institut FEMTO-ST.

** Pour libérer les substances, plusieurs choix sont possibles en fonction des conditions et de l'effet recherché. La libération peut être provoquée par un changement des propriétés du milieu, en agissant sur le pH, la température ou en soumettant les nanocapsules à un rayonnement. Les substances actives peuvent également diffuser naturellement et progressivement dans le milieu en traversant l'enveloppe de la capsule.

 

Alain Foissy
Laboratoire de chimie des matériaux et interfaces (EA 474)
Université de Franche-Comté
Tél. 03 81 66 62 97
Fax 03 81 66 64 38
alain.foissy@univ-fcomte.fr

 

 

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