Université de Franche-Comté

Réparer, recycler, réemployer : une longue histoire

Konstantin Shishkin – Shutterstock

 

 

Dans la Grèce antique, les armes étaient soigneusement entretenues pour garantir leur valeur d’usage et leur portée symbolique. Avant l’industrialisation en Europe, réemployer les tissus était usuel dans toutes les catégories sociales ; la reine d’Angleterre elle-même faisait transformer ses robes en housses de coussin. Aujourd’hui, en Côte d’Ivoire, le travail des artisans dans les casses aide à la circulation des savoir-faire techniques autour de la réparation automobile.

Partout et de tout temps, on s’ingénie à réparer des pièces mécaniques et à les améliorer pour qu’elles fonctionnent mieux, un lien entre réparation et innovation que l’exemple des éoliennes met en évidence dès le XIIe siècle. Dans le domaine maritime, entre le XVIIe et le XIXsiècles, le passage de la voile au moteur et du bois au fer implique des adaptations radicales à bord des navires pour savoir prévenir les avaries… L’histoire fourmille de démonstrations de la réparation comme norme dans une foule de domaines et de sociétés, ainsi que l’illustre l’ouvrage Les réparations dans l’histoire, codirigé par Gianenrico Bernasconi, professeur et directeur de recherche en histoire des techniques à l’université de Neuchâtel.

Bernasconi G., Carnino G., Hilaire-Pérez L., Raveux O. (dir.), Les réparations dans l’histoire. Cultures techniques et savoir-faire dans la longue durée. Presses des Mines, collection Histoire, sciences, techniques et sociétés, 2022

 

Au fil de plus de 500 pages, le livre réunit les contributions de nombreux chercheurs sur les pratiques et les techniques de réparation, l’évolution des savoir-faire, les lieux investis, de l’atelier à la sphère domestique, les figures du réparateur, de l’amateur au professionnel, selon une perspective comparative s’inscrivant dans le long terme. Il met ainsi en évidence l’existence de liens historiques entre réparation et consommation, des logiques qui ne s’opposent pas toujours malgré la rupture que représentent l’industrialisation et l’avènement de la société de consommation dans les pays dits développés.Il montre aussi les enjeux sociaux et politiques parfois insoupçonnés qui vont de pair avec les pratiques de réparation.

Les réparations dans l’histoire témoigne de l’intérêt récent des scientifiques pour cette facette de l’histoire des techniques, en même temps qu’émerge dans les sociétés occidentales la volonté de « se réapproprier la durabilité des objets », en réponse au gaspillage, à la perte des savoir-faire et de la proximité avec la technique, qu’incarne notamment le mouvement maker.

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