Université de Franche-Comté

Relations tout feu tout flamme entre la Grèce et la France

Le rapport entre Olympiades et Grèce antique apparaît comme une évidence aux yeux de tous. Les liens qui unissent la Grèce moderne et la France sont moins manifestes ; à l’occasion des Jeux de Paris prévus en 2024, ils s’expriment cependant par un projet symbolique et inédit, dont des chercheurs de l’université de Franche-Comté sont les artisans.

 

Photo Pexels – Pixabay

Selon une tradition immuable depuis Berlin en 1936, la flamme olympique est allumée par les rayons du soleil qui frappent un miroir parabolique devant les ruines du temple d’Héra à Olympie, avant de commencer son périple jusqu’à la ville qui accueillera les compétitions. Paris 2024 présente cependant une particularité : pour la première fois dans l’histoire des Jeux, la Grèce demande au pays hôte de la nouvelle édition de participer au choix des étapes pour le relais de la flamme sur son propre sol. Une marque d’amitié et de reconnaissance pour la France qui, au cours des deux siècles passés, a apporté son soutien à la genèse de la Grèce moderne et participé au rayonnement culturel du pays.

Comme la flamme, cette requête suit alors tout un parcours : relayée auprès du comité d’organisation de Paris 2024 par les instances olympiques grecques, elle est adressée au CEROU par l’intermédiaire de son directeur Éric Monnin, également vice-président de l’université à l’olympisme, qui, pour y répondre, s’adjoint les compétences de Georges Tirologos, historien et ingénieur en analyse des sources historiques à l’ISTA ; à l’arrivée, la collaboration place l’université de Franche-Comté au cœur d’une démarche symbolique entre les deux pays.

Le rapport des chercheurs a été remis au comité d’organisation Paris 2024 en janvier dernier. Les suggestions portent sur trente­-­deux sites à travers toute la Grèce, révélant chacun à sa manière l’implication de la France dans l’histoire moderne du pays. Corfou, Delphes, Nauplie, Corinthe, Thessalonique, Philippes, Pythio… figurent au nombre des étapes de cet itinéraire digne d’une chasse au trésor.

 

Opérations militaires et pages culturelles

Georges Tirologos rappelle une page d’histoire partagée entre la Grèce et la France, souvent oubliée : « En 1797, le traité de Campo-Formio est signé par Bonaparte, vainqueur de la campagne d’Italie, et fait passer les îles ioniennes sous influence de la France ». Ces îles constituent les trois départements français de Grèce, Corcyre, Ithaque et Mer­-­Égée, avant d’être cédées à l’Empire russe, puis de brièvement revenir en 1807 dans le giron de la France sous le nom d’archipel des Sept­-­Îles. Le gouvernement du protectorat est confié au général César Berthier puis au général François­-­Xavier Donzelot, qui pour la petite histoire était originaire de Mamirolle (25)…

C’est en 1827 que la Grèce devient un État souverain, après dix ans d’une guerre qui l’oppose à l’occupant ottoman, présent depuis quatre siècles sur son territoire. À Chios, à Missolonghi, à Souli, les crimes perpétrés contre les populations grecques suscitent la sympathie de nombreux artistes et intellectuels français, adhérents de la première heure du philhellénisme, un mouvement répandu en Europe et aux États-Unis, et dont le nom signifie littéralement « amour de la Grèce ». Le peintre Eugène Delacroix, les écrivains Victor Hugo et Châteaubriand, le compositeur Berlioz et le sculpteur David d’Angers, chacun dans son art de prédilection, signent des œuvres en faveur de l’indépendance grecque ou témoignant du drame humain que signifie la guerre.

L’armée grecque reçoit sur le terrain l’appui de forces militaires. « De nombreux Français perdent la vie au cours de la bataille de Péta, un village situé dans l’ouest du pays.  Une stèle commémorative visible encore de nos jours mentionne les noms de ces soldats morts au combat. » À la suite de la bataille navale de Navarin, qui voit les alliés français, russes et britanniques infliger une défaite cruciale à la flotte adverse, l’expédition de Morée commandée par le maréchal Maison a pour objectif de faire appliquer le traité de Londres de 1827, qui accordait aux Grecs le droit de former un État indépendant, et libère plusieurs villes du joug ottoman. Sur la petite île de Fanari, un monument rend hommage aux 184 soldats français décédés pendant la bataille de Navarin ; à Nauplie, un autre perpétue le souvenir du maréchal Maison et des officiers et soldats morts pour l’indépendance grecque.

Site archéologique de Philippes. Photo É. Monnin

« Les ingénieurs du corps expéditionnaire de Morée ont pour leur part contribué à mettre en place les infrastructures de l’État grec naissant, dessiné les nouveaux plans d’urbanisme des villes, et reconstruit routes, ponts, écoles, hôpitaux… » Les archéologues et architectes de la mission scientifique accompagnant l’expédition travaillent à mettre en valeur le patrimoine grec et engagent des fouilles, comme à Olympie où ils identifient l’emplacement du temple de Zeus.

C’est un point de départ de la présence culturelle française en Grèce. Les investigations archéologiques s’intensifient avec la création de l’École française d’Athènes en 1846, et sont à l’origine de la découverte des plus grands sites de la Grèce antique, comme Délos, Delphes ou Philippes. Toujours d’actualité, les recherches sont menées par des équipes de différentes nationalités, dont les membres sont hébergés dans des maisons de fouilles propriétés de l’État français.

 

« Passager, souviens-toi le soldat français » (fontaine du village de Goumenisa)

L’histoire plus récente fournit également des points de convergence entre la Grèce et la France, notamment la Première Guerre mondiale après laquelle vont être dessinées les frontières actuelles du pays. L’installation en 1915 à Thessalonique d’une partie de l’armée française signe l’acte de naissance de l’armée d’Orient, successivement commandée par les généraux français Sarrail, Guillaumat et Franchet d’Espèrey. Au cimetière militaire Zeitenlik reposent les corps des soldats morts lors du conflit, dont plus de 8 000 Français. Signalements d’un ancien hôpital ou d’un quartier général militaires, inscriptions funéraires d’époque ou monuments érigés récemment, la mémoire de la Grande Guerre perdure et les marques d’hommage soulignent toujours la présence militaire française en Grèce.

Athènes présente un condensé des relations franco-helléniques en différents endroits de la ville, et notamment dans le plus emblématique d’entre eux, le quartier du « Petit Paris », dont les rues résonnent de noms français illustres. Tout de marbre blanc, le stade Panathénaïque, où les cérémonies des premiers Jeux de l’ère moderne furent données en présence de Pierre de Coubertin en 1896, est le lieu idéal pour boucler la boucle de ce panorama historique en revenant aux origines sportives du projet. Leurs incursions dans le passé ont aidé Éric Monnin et Georges Tirologos à identifier les lieux de mémoire éligibles pour le parcours de la flamme olympique en Grèce. Rendez-vous au départ à Olympie en 2024 pour suivre l’itinéraire décidé pour elle jusqu’à Paris…

 

Paris 2024 à Besançon

Le 5 avril prochain, Tony Estanguet, président du Comité d’organisation Paris 2024 et triple champion olympique de canoé, remettra l’Ordre national du mérite au grade d’officier à Éric Monnin, dont l’engagement en faveur de l’olympisme n’est plus à démontrer, lors d’une cérémonie organisée à l’université de Franche-Comté. Outre ses fonctions de vice-président de l’université à l’olympisme et de directeur du CEROU, Éric Monnin est ambassadeur Paris 2024, membre de la commission olympique « Éducation olympique » du CIO, et récipiendaire de la médaille Pierre de Coubertin. L’événement est aussi l’occasion de mettre en avant l’université dans sa défense des valeurs de l’olympisme, et ses soixante-douze étudiants athlètes de haut niveau engagés dans les plus grandes compétitions internationales.

 

 

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