Université de Franche-Comté

Quelle influence ont les sels de déneigement sur la végétation le long des autoroutes ?


Répandus sur les routes en hiver, les sels de déneigement — employés aussi pour empêcher le verglas — sont composés de NaCl, mais pas uniquement. Éthers de glycol et autres fondants chimiques sont également utilisés. Une fois ces produits déversés, ils se retrouvent dans l'environnement. Quel est l'impact de ces sels sur la végétation ? Jouent-ils un rôle dans la disponibilité en eau en modifiant la teneur des sols à proximité d'une route ?
• Le laboratoire de biologie environnementale, sollicité par la SOCIÉTÉ DES AUTOROUTES PARIS RHIN RHÔNE (devenue APRR depuis) et le ministère de l'Équipement*, a pris comme champ d'expérimentation la végétation riveraine de l'A39. De 1995 à 2006, il a mis en ¶uvre pendant plus de dix ans des techniques de biosurveillance et de suivi des données. Parfois, l'analyse physico-chimique ne suffit pas pour rendre compte de la complexité des mécanismes en jeu dans les systèmes écologiques. Des méthodes de biosurveillance, étudiant très spécifiquement la réaction des organismes vivants à leur milieu, viennent alors les compléter.
Pour déterminer l'impact du relargage des sels de déneigement sur la végétation, le laboratoire a installé un dispositif de six stations, l'une à niveau par rapport à l'autoroute, la deuxième en déblai, et la troisième en remblai, cette configuration étant répétée de part et d'autre de la voie pour quantifier l'influence des vents dominants. De plus, des prélèvements réalisés régulièrement ont été effectués en s'éloignant de 20, 50 et 100 m, (allant jusqu'à 200 m la dernière année).
• Les résultats montrent ainsi une augmentation de la teneur en cation (notamment du sodium et du calcium). En modifiant la pression osmotique de la solution du sol, cette surcharge en ions risque de réduire la quantité d'eau disponible pour la plante et facilite le lessivage des sols. À terme, il est à craindre une perte de structure du sol. Pour la végétation, on observe une diminution de la teneur en eau des tissus des plantes bio-indicatrices. La sécheresse  physiologique Ÿ induite par le stress salin conduit à une déshydratation plus ou moins marquée des tissus de la plante.

On peut alors s'attendre à assister à un dessèchement partiel des feuilles. De tels phénomènes ont été constatés dès 2002 et 2003 pour le hêtre, le charme, le lierre ou la ronce (bio-indication passive), ou dès 2001 chez le chêne ou le pin, plantés le long de l'A39 (bio-indication active). Les végétaux tendent alors à s'adapter avec plus ou moins de succès à ces conditions salines, mais dans tous les cas, cette adaptation a un coût métabolique et cela se traduit par une réduction de la croissance et du développement des espèces touchées.
• En ce qui concerne les concentrations en sodium dans les tissus végétaux, ce sont les espèces à feuillage persistant, le lierre et la ronce, qui révèlent les plus fortes teneurs, sans doute parce qu'elles présentent deux voies de contamination (les feuilles et les racines). L'augmentation des teneurs en ion sodium, conjointement à celle des teneurs en ion calcium, conduit, à partir d'un certain seuil, à une inhibition ou une limitation de l'absorption d'autres éléments essentiels à la plante. Na+ et Ca2+ entrent notamment en compétition avec K+ et Mg2+. Les carences minérales induites engendrent alors un faible développement des racines de la plante, qui, pour subsister, tend à réduire le développement de son appareil aérien.
• Si l'épandage des sels se fait de façon homogène jusqu'à 100 m de part et d'autre de l'autoroute, on n'en trouve plus trace à 200 m. D'autre part, les résultats de l'étude, s'ils montrent bien une augmentation des teneurs dans les sols et l'eau des sols, ne sont pas catastrophiques pour autant : les plantes touchées sont peu nombreuses et pas en danger mortel. C'est pourquoi, sans doute, l'étude s'est arrêtée là.

* À l’occasion de la construction de l’Autoroute A39, la SAPRR, société concessionnaire, a mis en place en partenariat avec le ministère de l’Équipement et les collectivités concernées (conseils généraux) un  observatoire de l'environnement et des effets économiques de l'autoroute A 39 Ÿ. De nombreuses recherches ont ainsi été menées par les laboratoires de l’université de Franche-Comté regroupés dans l’institut des sciences et techniques de l’environnement.

 

Pierre-Marie Badot – Nadia Crini
Laboratoire de biologie environnementale
Université de Franche-Comté
Tél. 03 81 66 57 08 / 57 86
pierre-marie.badot@univ-fcomte.fr
nadia.crini@univ-fcomte.fr

 

 

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