Université de Franche-Comté

Quel est le pays de Courbet ?

Il y a Gauguin et Tahiti, Cézanne et l’Estaque… Avant, il y a eu Courbet et Ornans. Le peintre (1819 – 1877) n’a eu de cesse de peindre et repeindre son pays natal. Lui qui ouvrait une troisième voie entre le classicisme, avec ses sujets allégoriques ou historiques et le romantisme, avec son exaltation des émotions et sentiments individuels, lui qui prônait « que la peinture est un art essentiellement « concret » et ne peut consister que dans la représentation des choses réelles et existantes » (in Manifeste du réalisme), que voyait-il dans les scènes et paysages francs-comtois ? Que transparaît-il, dans ses tableaux, de la façon dont il habitait son territoire ? Quelles valeurs fait-il porter à la vallée de la Loue ?

 

 

Gustave Courbet est un enfant de la campagne, circulant entre Flagey, Ornans, Salins-les-Bains. Il fait ce que les enfants de la région font  : écumer à pied les falaises, les grottes, les sources, les plateaux et les vallées, pêcher, chasser… Ce qui nous reste des tableaux de Courbet se fait le reflet de cette vie quotidienne, avec la nature pour décor, mais une nature habitée, vivante.

 

Une nature marquée géologiquement par l’érosion qui façonne des paysages karstiques : les gouffres, les grottes, les résurgences, les reculées ; une identité du Jura faite de ruptures et d’eau. De ce paysage, Courbet en retient souvent des éléments particuliers. Ses types de cadrages, resserrés, surtout à partir de 1856, font le point sur un détail, donnent une emphase à un élément. S’il ne s’est pas intéressé aux gouffres (du moins à ce que l’on sait), il a, par contre, beaucoup représenté les sources, la source de la Loue, celle du Lison. Par exemple, l’entrée de la grotte Sarrazine se trouve au pied d’une immense arche de 100 m de haut et 30 m de large. Courbet, pourtant, ne choisit pas de peindre la magnificence du lieu ; il cadre son tableau sur l’entrée de la grotte, décide de la figurer un jour de crue (ce qui arrive deux fois l’an)… Les interprétations psychanalytiques sont nombreuses sur ce sujet…, elles alimentent l’idée que le territoire peint par Courbet est un territoire initiatique. Imprégné du paysage, il n’en peint pas la globalité, mais des éléments qui lui donnent un sens, montrant la vie sociale, travailleuse, ou encore qui sont investis d’un symbole.

 

 

Tableau de gustave Courbet, La grotte Sarrazine, 1864

 

Gustave Courbet, La grotte Sarrazine, 1864. Coll. musée des Beaux-Arts de Lons-le-Saunier

 

 

 

Marcou, précurseur de la géologie nord-américaine

 

Jules Marcou (1824 – 1898) est un géologue autodidacte, un peu iconoclaste, mais qui a été repéré pour son analyse des massifs en tant que systèmes par des naturalistes suisses et notamment Louis Agassiz. Après avoir, ensemble, décrit le massif jurassien, ils poussent Marcou à entreprendre le voyage vers l’Amérique du Nord. Là, utilisant notamment les prospections faites pour le tracé des chemins de fer, il traverse le continent d’est en ouest, relevant les roches et les caractéristiques géologiques. On lui doit donc plusieurs  transepts effectués à différentes latitudes, ce qui lui permit d’établir la première carte géologique des États-Unis en 1862.

 

 

 

Le pêcheur, présent en bas à droite de La grotte Sarrazine est surprenant. Jamais il n’a été vu de pêcheur à cet endroit  : il y a rarement d’eau et donc aucun poisson. Courbet n’a-t-il pas voulu poser là un élément de son enfance ? Et l’on reviendrait alors au territoire initiatique. En tout cas, un territoire qui fonctionne comme référentiel. Lorsqu’il peint Bonjour Monsieur Courbet, qu’il dit se situer dans l’arrière-pays de Montpellier, on ne peut s’empêcher, si l’on est, comme Pascal Reilé, hydrogéologue, de reconnaître au fond les lignes des falaises du val de Loue… et de transposer la scène sur le plateau de Flagey.

 

La Franche-Comté de Courbet est très minérale, liée à sa compréhension très fine de la géologie. Alors que les plantes et arbres ne sont pas peints avec toute la rigueur d’un botaniste, il devient naturaliste quand il s’agit de représenter la roche, les montagnes, les sources… Les stratifications sont précises, les différentes formes de calcaires composant la voûte ou le socle des sources sont apparentes… tous les éléments géologiques sont scrupuleusement respectés. Cette compréhension fine, il la doit sans doute à son amitié avec le géologue Jules Marcou, rencontré durant son enfance. Marcou apparaît à ce moment des sciences de la Terre où l’on commence à sortir d’une géologie descriptive des roches pour penser une construction dynamique, une structuration des massifs. Poussé par les géologues suisses, il initie avec eux une géologie fonctionnelle du massif jurassien abordant l’hydrogéologie et l’électromagnétisme. Il transmet à Courbet cette lecture scientifique du paysage. On doit aussi à cette amitié, qui va durer toute leur vie, la conservation de la météorite tombée à Flagey en 1868. Courbet a en effet mandaté un habitant du plateau pour qu’il l’envoie à Marcou afin qu’il l’étudie. Elle est aujourd’hui conservée au Muséum national d’histoire naturelle.

 

Cette analyse de l’œuvre du peintre au regard de son territoire d’attachement participe au fil rouge du projet culturel et touristique mené par le conseil général du Doubs pour mettre en valeur le pays de Courbet. Il intègre la restauration du musée et de l’un de ses ateliers à Ornans, la rénovaton de la maison paternelle de Flagey, mais aussi l’implantation de grandes ouvertures d’exploration de son territoire artistique.

 

 

 

Courbet, peinture et politique

 

Gustave Courbet est célèbre pour son activisme politique, notamment pendant la Commune. Quels liens relève-t-on entre art et politique dans son oeuvre ? Admirateur de Proudhon, qu’il qualifie « d’ami très intime », Courbet se situe-t-il pour autant dans la même pensée philosophique ? Les idées politiques du peintre, démocrate affirmé, sont-elles présentes dans sa peinture ? Sont-elles présentes même en ces paysages peut-être traversés des questions sociales ?

 

Ces questions et d’autres seront au cœur du colloque « Courbet, peinture et politique  », organisé, du 24 au 26 septembre 2009 à Besançon, par le laboratoire de Recherches philosophiques sur les sciences de l’action, la Maison des sciences de l’homme et de l’environnement Claude Nicolas Ledoux de l’université de Franche-Comté et le musée des Beaux Arts de Besançon, avec le soutien du conseil général du Doubs.

 

Il s’intègre dans un projet de recherche des philosophes et historiens sur les idées socialistes, républicaines et démocratiques au XIXe siècle et leurs prolongements dans le XXe.

 

 

Contact : Hervé Touboul

Laboratoire de Recherches philosophiques sur les sciences de l’action

Université de Franche-Comté

Tél. (0033/0) 3 81 66 54 43

 

 

 

Contact : Anne Vignot

Laboratoire Chrono-environnement

Université de Franche-Comté

Tél. (0033/0) 3 81 66 64 47

 

Pascal Reilé

Cabinet Reilé Pascal

Tél. (0033/0) 3 81 51 89 76

 

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