Université de Franche-Comté

Quand les microtechnologies sur silicium viennent en aide aux médecins


Imaginez une matrice de 100 ou 1 000 microaiguilles qui pénètre dans la peau et s'arrête juste avant la couche nerveuse. Plus de douleur, des soins au plus près des lésions… Voici résumé en quelques mots le projet européen Angioskin, à la nuance près qu'il s'inscrit dans des applications très précises de guérison du psoriasis ou du cancer de la peau.
Ces deux maladies ont la particularité de détourner la production de vaisseaux sanguins (angiogenèse) pour leur propre compte. Les tissus malins sont ainsi vascularisés et se développent plus facilement. Limiter ou empêcher l'angiogenèse constitue donc une piste thérapeutique prometteuse, que de nombreuses équipes médicales suivent de par le monde (cf. article suivant).
• Dans ce contexte, Angioskin, projet européen du 6PCRDT − Programme cadre de recherche technologique −, porté par le CNRS (l'équipe de Lluis Mir de l'Institut Gustave Roussi), vise à inventer une technique originale de thérapie génique par électrotransfert d'ADN. Une méthode éprouvée depuis longtemps, l'électroperméabilisation, consiste à faire pénétrer du matériel génétique dans une cellule en déstabilisant ses parois par un champ électrique. L'objectif d'Angioskin est de réaliser cette technique in vivo de façon très localisée.
• Pour cela, les chercheurs ont imaginé développer une matrice de microaiguilles. Chaque aiguille, d'une hauteur de 500 micromètres environ, serait séparée de sa voisine de 1 mm. 100 aiguilles seraient ainsi disposées par cm2. Leur rôle est d'injecter en transcutané le matériel génétique nécessaire et d'amener un champ électrique pour provoquer la mutation.

L'entreprise est de taille et mobilise de nombreux acteurs (10 partenaires). L'Institut FEMTO-ST, via le département LPMO − laboratoire de Physique et métrologie des oscillateurs −, est chargé de la coordination des travaux pour le développement de la matrice. Fort de ses compétences en microtechnologie sur silicium, son rôle est de la concevoir en respectant les contraintes à la fois mécaniques, fluidiques et biologiques imposées. En effet, de nombreux paramètres interfèrent, qu'il s'agit d'optimiser. D'une part, le diamètre interne des aiguilles doit être suffisamment grand pour éviter un écoulement trop lent du liquide injecté. Sur ce sujet, une équipe de l'université de Rennes travaille à modéliser le comportement des fluides à de telles échelles, les règles de la mécanique des fluides classique ne s'appliquant pas. D'autre part, le diamètre extérieur des aiguilles doit être suffisamment grand pour permettre la pénétration dans la peau. D'un point de vue mécanique encore, la peau étant particulièrement élastique, il peut se produire à l'échelle du cm ce qui se produit avec une planche à clou : les forces se répartissent sur tout le corps et les aiguilles ne pénètrent pas. De plus, le fait que le comportement mécanique et fluidique de l'épiderme soit globalement inconnu à cette échelle vient s'ajouter à la complexité du problème, qui fait l'objet d'un travail spécifique d'une équipe de l'université catholique de Louvain (Belgique).
• Tandis que les équipes médicales mettent au point l'ADN antiangiogénique, ce sont tous ces paramètres que FEMTO-ST doit prendre en considération pour atteindre le but fixé. Le jeu en vaut la chandelle si l'on considère l'avancée thérapeutique que ce système représente. À terme, il est envisagé d'étendre la surface des matrices, pour pouvoir traiter des zones entières (un membre, par exemple)… mais là, d'autres contraintes entrent encore en jeu, dont la souplesse de la matrice.

 

Gonzalo Cabodevila
FEMTO-ST (CNRS UMR 6174)
Département LPMO
Université de Franche-Comté / UTBM / ENSMM
Tél. 03 81 85 39 38
gonzalo.cabodevila@femto-st.fr

 

 

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