Université de Franche-Comté

Quand le maïs appelle à l'aide… les nématodes arrivent toujours à temps


Au début des années 90, à cause de la guerre dans les Balkans, arrive par avion, aux alentours de Belgrade, un insecte connu pour décimer les plants de maïs aux États-Unis. Il se propage rapidement, et en moins de 10 ans, il apparaît dans le Tessin. Les larves de ces coléoptères, Diabrotica, attaquent les racines des plants de maïs, ce qui rend ces derniers cacochymes et improductifs. Aux États-Unis, un milliard de dollars par an serait dépensé en pesticides pour lutter contre ces parasites, ce qui laisse présager d'une énorme pollution. Pourtant, pour se défendre de l'attaque des larves, certains plants de maïs émettent un signal chimique qui se propage sous la terre et qui est perçu par des nématodes. Ceux-ci viennent à la rescousse du maïs pour le débarrasser de ses ennemis.
• Une équipe du PRN  Survie des plantes Ÿ de l'université de Neuchâtel a réussi à déterminer précisément le type de signal chimique émis. C'est la première fois qu'un signal se propageant sous la terre est mis à jour. Grâce à un olfactomètre à six bras, conçu au laboratoire, les chercheurs ont d'abord fait la preuve que c'est bien une attaque des larves qui induit une réponse des nématodes.

Olfactomètre à six bras

Olfactomètre à six bras


Pour cela, ils ont placé dans trois bras d'un olfactomètre des plants de maïs et dans les trois bras restants juste du sable mouillé. Quatre olfactomètres ont été préparés de la sorte. Pour chacun, parmi les trois bras contenant le maïs, le premier a reçu des larves (du 2e ou 3e instar), les racines de la plante du 2e ont été endommagées mécaniquement et le 3e a été laissé indemne. 2 000 nématodes ont ensuite été placés au centre de l'olfactomètre. Le lendemain, on en observait trois fois plus dans les bras contenant le parasite que dans le bras indemne. Il s'est ensuite agi de découvrir quel type de molécule chimique entrait en jeu. Par microextraction en phase solide suivie d'une chromatographie et d'une spectrométrie de masse, le (E)-ß-caryophyllène a été reconnu dans les racines des plants  attaqués Ÿ. Les expérimentations menées dans des champs en Hongrie ont confirmé l'attractivité de (E)-ß-caryophyllène dans des conditions réelles. Cependant, si le système fonctionne théoriquement, il n'existe pas suffisamment de nématodes au regard de l'ampleur de l'infection. L'équipe travaille donc à une stratégie pour renforcer cette défense naturelle sans utiliser de pesticides.
• Si les plants de maïs européens ont gardé la faculté de se défendre, les plants étasuniens, eux, ont perdu cette capacité d'émettre le (E)-ß-caryophyllène, sans doute à cause de la sélection artificielle (non génétique). L'étape suivante, pour laquelle travaille une équipe du Max Planck Institut for Chemical Ecology (Allemagne), consiste donc à identifier le gène responsable de cette défense (au vu de la simplicité de celle-ci, il ne devrait y en avoir qu'un), puis de tenter de le réactiver, si possible sans manipulation génétique.

 

Théodoor Turlings
Institut de Zoologie
Université de Neuchâtel
Tél. 41 32 718 31 58
Fax 41 32 718 25 01
ted.turlings@unine.ch

 

 

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