Université de Franche-Comté

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Podemos : à la rencontre de la
« gauche alternative » espagnole

 

En 2014, le jeune parti espagnol Podemos obtenait cinq sièges au Parlement européen. En 2015, il s’imposait à la tête de plusieurs villes, dont Madrid et Barcelone, et en 2020, son leader Pablo Iglesias devenait vice-président du gouvernement. L’enthousiasme autour du parti qualifié de « gauche alternative » faiblit ensuite. Des grandes mairies obtenues, il ne lui reste aujourd’hui que Barcelone ; Pablo Iglesias n’a fait qu’un bref passage au gouvernement et s’est retiré de la vie politique en mai 2021, quittant son poste de secrétaire général du parti.

Mais Podemos continue à bénéficier de l’approbation de 15 % de l’électorat espagnol. Son influence a conditionné des avancées sociales majeures ; son mode de fonctionnement et son organisation ont fait leurs preuves ; son discours a remobilisé la jeunesse autour de la question politique. Et s’il est difficile de prédire son avenir sur l’échiquier politique espagnol, il apparaît certain que Podemos en a bousculé toutes les pièces au cours de la dernière décennie.

Signé par Mathieu Petithomme, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’université de Franche-Comté / CRJFC, l’ouvrage Génération Podemos retrace la trajectoire du parti depuis son émergence en 2010 jusqu’à la place qu’il a prise dans une mouvance touchant différents pays en Europe. Des recherches de terrain menées par l’auteur entre 2014 et 2017, enquêtes auprès de la population espagnole, interviews de militants, observations de meetings, dépouillement de coupures de presse, nourrissent l’analyse pour « alimenter le débat sur les leçons et les limites de l’expérience Podemos ».

 

Les raisons d’une ascension fulgurante

Le chercheur expose les différents facteurs à l’origine de l’ascension fulgurante du parti. Sur le plan économique et social, la crise économique de 2008 entraîne faillites, aggravation du chômage – qui atteint jusqu’à 27 % de la population active début 2013 – et hausse des inégalités ; l’austérité, imposée en réponse à la crise par la gauche puis par la droite au pouvoir, plonge en réalité un peu plus le pays dans le chaos. Au fil des années 2010, le mécontentement gagne l’ensemble de la société.

Des collectifs de citoyens se montent pour lutter contre l’expulsion de propriétaires placés dans l’incapacité de rembourser leurs emprunts, pour s’élever contre des pratiques bancaires jugées intolérables, pour protester contre l’explosion du coût des études ou encore la privatisation des hôpitaux. D’un point de vue politique, l’image des partis est entachée par une corruption généralisée, impliquant des élus de tous bords. À gauche, le virage opéré par le PSOE vers le néolibéralisme déçoit de nombreux militants. Et l’électorat change : la jeune génération, capable de s’affranchir du dogme des partis conventionnels mieux que ses aînés, adopte de « nouvelles attitudes politiques ».

Au-delà de la description d’un contexte qui à divers titres favorise l’avènement d’une « deuxième gauche », Mathieu Petithomme montre comment le fonctionnement même de Podemos lui bénéficie. Il souligne notamment la capacité d’innovation dont fait preuve le jeune parti, à la fois dans son discours et dans sa façon de communiquer, et sa faculté à se « professionnaliser », passant en quelques années du statut de parti indigné à celui de force politique.

 

Petithomme M. Génération Podemos. Sociologie politique d’un parti indigné, Presses universitaires de Rennes, 2021.
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