Université de Franche-Comté

Protection de l’enfance : considérer la notion de vulnérabilité

La protection de l’enfance dans nos sociétés sous-tend de pointer le doigt sur les mauvaises conditions de vie que les enfants subissent et sur les défaillances des familles dans lesquelles ils grandissent. Sans nier certaines réalités, étudier les situations au prisme de la vulnérabilité signifie les envisager sous un autre regard, prenant en compte les capacités des familles et considérant les environnements dans lesquels elles évoluent.

Cet éclairage fait l’objet de l’ouvrage Enfants et familles vulnérables en protection de l’enfance, codirigé par Michel Boutanquoi et Carl Lacharité, tous deux professeurs de psychologie, respectivement à l’université de Franche-Comté et à l’université Québec Trois-Rivières.

La vulnérabilité est une notion récente en sciences humaines et sociales, et à ce titre suscite un certain débat. Il est ici question de la « vulnérabilité fondamentale », celle qui, inhérente à la condition humaine, postule que l’individu est dépendant des autres, de leur présence, de leur attention, et que c’est précisément ce soutien bienveillant qui le conduira sur la voie de l’autonomie. Il est aussi question de la « vulnérabilité problématique », qui soumet à domination les personnes et les familles dont la parole ou le champ d’action sont réduits, par exemple parce qu’elles vivent dans la précarité ou sont mal intégrées à la société.

C’est partant de ces définitions que les auteurs suggèrent de s’emparer de la notion de vulnérabilité, non pas tant pour jauger une situation familiale difficile, voire dangereuse, mais comme « un moyen de repenser les fragilités, les liens, les solidarités et les démocraties », dans un contexte contemporain où la cohésion sociale peut faire défaut. Considérer la vulnérabilité sous ces angles de vue amène à inciter à la participation des enfants et des parents, afin qu’ils puissent devenir de vrais acteurs de la réflexion. Leur implication, telle qu’elle est aujourd’hui sollicitée dans la pratique pour tenter de résoudre les problèmes, les inscrit dans une relation de subordination vis-à-vis des professionnels de la protection de l’enfance, qui peut renforcer leur sentiment de ne pas avoir de contrôle sur leur vie et sur leur devenir. Si le propos des auteurs n’est en aucun cas de remettre en cause l’expertise et l’engagement de praticiens méritants, il suggère de prendre conscience de ce déséquilibre et de considérer les expériences vécues d’une manière qui permette aux enfants et aux parents de réfléchir, avec les professionnels, aux projets les concernant.

 

Boutanquoi M., Lacharité C., Enfants et familles vulnérables en protection de l’enfance, PUFC, 2020
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