Université de Franche-Comté

Production industrielle et protection de l’environnement

Doyen de la faculté des sciences de Besançon de 1845 à 1851, Henri Sainte-Claire Deville sera le premier à produire chimiquement l’aluminium. Un matériau aux propriétés décuplées par le traitement de surface, un procédé qui fait l’objet de recherches à UTINAM et à Chrono-environnement, et un fer de lance de l’industrie comtoise.

 

Aux origines de la production de l’aluminium

Henri Sainte-Claire Deville

Métal le plus abondant de l’écorce terrestre, extrait principalement de la bauxite, l’aluminium se combine à d’autres éléments pour former des alliages largement utilisés dans la production industrielle, de la barquette alimentaire au cadre de vélo, des fenêtres d’une maison aux miroirs d’un télescope…

Le chimiste français Henri Sainte-Claire Deville (1818-1881) est en 1854 le premier à obtenir de l’aluminium par voie chimique. Le lingot d’aluminium qu’il présente à l’exposition universelle de Paris de 1855 vaut à l’époque celui de l’or. Mais le savant pressent que « l’aluminium est susceptible de devenir un métal usuel » : moins coûteux, le procédé électrolytique qu’il n’avait pu mettre en œuvre faute d’une énergie électrique suffisante à l’époque, lui donnera raison trente ans plus tard.

Si ces expériences fructueuses ouvrent la voie à la fabrication industrielle de l’aluminium et valent au chimiste une renommée mondiale, elles ne sont pas les premières à mettre à son crédit. Henri Sainte-Claire Deville produit déjà des travaux qui feront date pour la science, alors qu’il devient en 1845 le jeune doyen de la faculté des sciences de Besançon, qui vient de rouvrir ses portes. C’est durant les six années passées à ce poste qu’il réalise une analyse des eaux du Doubs, et de là caractérise la composition des eaux potables, dont il déduit le rôle fertilisant pour les prairies ; c’est aussi à Besançon qu’il réussit à isoler l’anhydride d’acide nitrique, un composé qu’on pensait jusqu’alors impossible à synthétiser.

Cette expérience et cette découverte lui valent la reconnaissance de ses pairs et propulsent sa carrière. Henri Sainte-Claire Deville quitte alors la faculté bisontine pour l’École normale supérieure de Paris, où il est nommé en 1851, et où son laboratoire en chimie minérale expérimentale connaît une solide réputation à l’international.

 

Propriétés contrôlées

L’aluminium est un matériau de prédilection à l’Institut UTINAM, où des chercheurs en chimie travaillent sur l’anodisation, un traitement de surface qui lui confère différentes propriétés attendues par l’industrie : résistance à la corrosion, dureté, coloration… L’anodisation permet la formation d’une couche d’oxyde d’aluminium duplex, à savoir une couche barrière de quelques nanomètres d’épaisseur suivie d’une couche poreuse de plusieurs micromètres. Dans une thèse CIFRE codirigée par Virginie Moutarlier, spécialiste du traitement de surface des alliages légers à UTINAM, et menée en partenariat avec l’entreprise Aalberts de Villers-Cotterets (02), Jérémy Daval étudie l’impact des modifications des paramètres du traitement sur la morphologie de la couche barrière, et par là même sur les propriétés du matériau, comme sa coloration en surface ; réalisée sous certaines conditions thermiques, la couche anodique permet de plus l’incorporation de particules lubrifiantes, sans altération de ses propriétés de dureté et de résistance à la corrosion.

L’impact des paramètres d’anodisation sur les propriétés des couches anodiques reste encore mal expliqué. Il est de mieux en mieux compris et caractérisé grâce aux travaux menés à UTINAM qui, en apportant une assise scientifique à des observations empiriques, sont garants de mises en œuvre contrôlées et reproductibles, et donnent aux industriels la pleine maîtrise de leurs procédés de fabrication.

 

Le respect de l’eau

La directive cadre européenne sur l’eau exige des industriels qu’ils mettent en place des actions pour réduire voire supprimer de leurs rejets certaines substances réputées « dangereuses ou dangereuses prioritaires ». Le projet MYDREAU, engagé entre le laboratoire Chrono-environnement et la blanchisserie UNAP de Pontarlier, financé par l’uFC aux côtés de partenaires européens, prévoit d’identifier, de quantifier et d’étudier la variabilité temporelle des substances cibles rejetées dans les eaux usées par l’établissement ; ce diagnostic permettra d’évaluer précisément leur impact et de prévoir les actions à mettre en place pour optimiser la gestion du traitement de l’eau.

Le Salon à Champlitte (70), photo MClerc, Wikimedia Commons

Cette collaboration est à mettre à l’actif de Nadia Morin-Crini et Grégorio Crini, dont les travaux dans le domaine sont connus de longue date et font l’objet de programmes de recherche menés avec des PME de la région. Le partenariat engagé avec l’entreprise SILAC à Champlitte (70), spécialisée dans le traitement de surface de l’aluminium pour les besoins du bâtiment, est ainsi reconduit depuis 2006. Il fait actuellement l’objet du projet de thèse de Chiara Mongiovi.

Au fil des années, les recherches ont donné lieu à une amélioration notable de la qualité des rejets industriels de l’entreprise et à la diminution des prélèvements d’eau. Un résultat obtenu grâce à l’optimisation des performances de la station de traitement par une méthode adaptée et au moyen de filtres d’origine naturelle. SILAC produit aujourd’hui des chiffres bien inférieurs aux normes en vigueur, une garantie de protection pour les eaux de la rivière Le Salon toute proche.

 

Transmettre la curiosité

Les propositions émises par les chercheurs entrent en résonance avec la curiosité et l’esprit d’ouverture qui animent les dirigeants de SILAC, une entente incarnée dès le départ par Grégorio Crini et Xavier Hutinet, responsable environnement de la PME. L’arrivée d’Élise Euvrard, dont le parcours s’est construit à l’interface entre les mondes universitaire et industriel, lui donne une dimension supplémentaire. Chanitoise d’origine, étudiante en chimie à l’université, Élise Euvrard effectue son stage de master 2 à SILAC sous la direction de Grégorio Crini, qui lui propose alors de poursuivre en doctorat. L’étudiante remporte le concours de l’école doctorale qui lui donne accès à la préparation d’une thèse cofinancée par la Région et l’Agence de l’eau, et qu’elle soutient en 2016. « Ma thèse avait pour but de trouver des matériaux innovants pour l’épuration des eaux industrielles. »

Depuis son embauche définitive en 2018, Élise Euvrard continue de participer aux programmes de recherche, accompagne de nouveaux travaux de doctorat, suit des étudiants en stage, souligne l’importance pour elle de transmettre. Et de créer des interactions entre recherche et industrie : « L’entreprise est amenée à se poser des questions sur sa façon de travailler et à ne pas tomber dans la routine ; les chercheurs se frottent à la réalité du terrain. Les séminaires que nous organisons ont pour objectif de faire profiter d’autres industriels de notre expérience, et de les inciter à mener la leur dans des partenariats profitables à tous ».

Contact(s) :
Institut UTINAM
UFC / CNRS
Virginie Moutarlier
Tél. +33 (0)3 81 66 20 22

Laboratoire Chrono-environnement
UFC / CNRS
Grégorio Crini
Tél. +33 (0)3 81 66 57 01

SILAC
Élise Euvrard
Tél. +33 (0)3 84 67 74 34
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