Université de Franche-Comté

Devoir de mémoire
Procès de criminels et mémoire du nazisme

Le box des accusés du procès de Nuremberg. Au premier rang, de gauche à droite : Hermann Göring, Rudolf Heß, Joachim von Ribbentrop, Wilhelm Keitel. Au deuxième rang, de gauche à droite : Karl Dönitz, Erich Raeder, Baldur von Schirach, Fritz Sauckel.

 

Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, les procès des criminels nazis et leur médiatisation favorisent la prise de conscience des exactions commises par le régime hitlérien. Sur les listes des inculpés, les noms de hauts responsables politiques, d’officiers, de dirigeants de camps de concentration, de médecins, de kapos, de membres de la Gestapo…, tous accusés, à des degrés divers, de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre, de crimes contre la paix ou de complot. La mémoire du nazisme se construit ainsi au fil des décennies, jalonnées de temps forts sur le plan judiciaire.

 

Trois grandes phases d’audience

70 % des condamnations pour crimes nazis en Allemagne ont été prononcées directement après la guerre, pendant les années d’occupation du pays vaincu (1945-1949), une série de procès inaugurée par le retentissant procès de Nuremberg en 1945-46. La Shoah est plus particulièrement au centre des procès des années 1960, à la suite de celui d’Adolf Eichmann à Jérusalem en 1961, l’un des responsables de la mise en œuvre du génocide des Juifs.

 

Au début des années 1990, la chute du mur de Berlin, la fin de la guerre froide et l’éclatement de l’URSS façonnent un nouveau contexte géopolitique, qui rend possible l’accès aux archives des pays de l’Est et l’organisation de nouveaux procès. La recherche a établi que ces trois grandes étapes avaient rythmé la transmission de la mémoire du nazisme dans l’opinion publique.

Marie-Bénédicte Vincent, professeure d’histoire contemporaine à l’université de Franche-Comté, et Nathalie le Bouëdec, professeure de civilisation allemande à l’université de Bourgogne, ont décidé d’explorer les années 1950 et le début du XXI­siècle, beaucoup moins étudiés par la recherche, pour continuer à tisser le fil de cette évolution mémorielle. Ces périodes ont vu aussi, en Allemagne, en France, en Pologne et ailleurs, juger des criminels nazis, certes moins connus du grand public, mais dont l’impact des procès sur la mémoire collective mérite d’être questionné.

Niches chronologiques

Ruines du village martyr d’Oradour-sur-Glane. Photo Pixabay

L’organisation de deux journées d’étude avec des spécialistes de différentes disciplines à Besançon et à Dijon en 2021 ont permis de revenir sur ces niches chronologiques. « Dans les années 1950, le lien entre les procès et l’opinion se fait par l’intermédiaire de journalistes de presse écrite et de radio accrédités, seuls autorisés à suivre les débats dans les prétoires. La médiatisation est évidemment tout autre au cours des années 2000 et 2010, avec la prépondérance de la télévision et d’internet, et le poids que représentent les images filmées. »

Marquées par la guerre froide, animées par la volonté de tirer un trait sur les horreurs de la guerre, les années 1950 voient les procès engagés alors faire l’objet d’une couverture médiatique internationale moins forte que ceux de l’immédiat après-guerre ; le relais dans la presse régionale des jugements, voire des anciens forfaits de criminels vivant à proximité de la population a cependant favorisé une mémoire locale forte.

À partir des années 2000, les procès concernent des personnes très âgées. Leur jugement parle autant de l’impunité dont elles ont bénéficié pendant des années d’une vie tranquille ou cachée, que de leurs crimes. Plus qu’une fonction punitive, leur procès tient du devoir de mémoire et de l’action pédagogique auprès de publics qui n’ont ni connu la guerre, ni assisté à des procès plus anciens.

« Depuis quelques années, la construction de la mémoire du nazisme entre dans une nouvelle phase. Par la force des choses peu à peu privée du témoignage direct des protagonistes et de la comparution physique des accusés, elle s’appuie désormais de plus en plus sur un travail d’histoire contemporaine classique, fondé sur l’étude de documents d’archive », souligne Marie-Bénédicte Vincent.

 

Complétez votre lecture avec l’article Ascq, l’impossible procès.

Contact(s) :
Centre Lucien Febvre
Marie-Bénédicte Vincent
Tél. + 33 (0)3 81 66 54 33
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