Université de Franche-Comté

Procédés de nettoyage de surfaces au moyen d'ultrasons de puissance


Le nettoyage par ultrasons est une technique éprouvée, bien connue en particulier pour la préparation de surface où ils sont utilisés conjointement à des produits dégraissants. La technique est séduisante : les ondes ultrasonores se propagent dans le milieu liquide et agissent à la fois par la transmission de la vibration mécanique et l'implosion de bulles de cavitation à proximité de la surface. Toutefois, la mise en ¶uvre industrielle de ce type de procédés est délicate, car l'utilisation des ultrasons de puissance dans le milieu réactionnel induit de fortes perturbations dans les écoulements et des modifications spécifiques, difficiles à maîtriser. C'est pourquoi le nombre d'installations industrielles a tendance à stagner, les résultats n'étant pas toujours à la hauteur de l'attente des utilisateurs.
• Pourtant, l'équipe  sonochimie et réactivité des surfaces Ÿ du laboratoire de chimie des matériaux et des interfaces de l'université de Franche-Comté a été contactée par la société NAVYCLEAN pour participer au développement de stations de lavage de bateaux de plaisance par ultrasons. Le principe proposé par un jeune inventeur marseillais est très simple en apparence : pratiquant la plaisance en loisir, il était désolé de devoir régulièrement immobiliser son bateau pour de longs et coûteux nettoyages des parties immergées, sous peine de voir les algues et les coquillages qui envahissent la coque ralentir considérablement la marche du navire. S'inspirant des stations de lavage automatique des voitures, Ignaki Albaina a imaginé un système de nettoyage de coque par ultrasons, à flot et en libre-service. Concrètement, le plaisancier amarre son bateau dans l'enceinte de nettoyage — un ponton en forme de U — et lance lui-même le processus, qui dure environ une heure. Les ultrasons assurent alors un nettoyage de la partie immergée de la coque sans qu'aucun élément mécanique n'entre en contact avec elle, ce qui limite les risques de rayures, tout en éliminant les algues et coquillages fixés sur les surfaces complexes comme les hélices ou les embases…
Ce procédé respecte l'environnement puisque les stations de lavage seront équipées d'un système de pompage et de traitement des eaux de carénage, ce qui est depuis 2003 une obligation réglementaire. De plus, aujourd'hui, les plaisanciers appliquent sur les coques une peinture antifooling pour retarder au maximum l'apparition des salissures et espacer les nettoyages. Or, cette peinture est toxique. Si les nettoyages, plus rapides et moins coûteux, deviennent plus fréquents, elle ne sera plus nécessaire, ce qui devrait permettre une amélioration notable de la qualité des eaux portuaires. Ce procédé a reçu pour cela le prix Cap Innovation pour le développement durable en Méditerranée.

• Quel a été le rôle de l'équipe  sonochimie et réactivité des surfaces Ÿ dans cette aventure ? Depuis plusieurs années, elle s'intéresse aux mécanismes d'utilisation des ultrasons de puissance et à leurs applications. Il s'avère que les nombreux phénomènes induits par la propagation de l'onde ultrasonore dans un liquide (cavitation, courants acoustiques…) ne sont pas distribués de manière uniforme au sein du réacteur, et ne sont pas prédictibles par des modèles classiques de mécanique du fait des non linéarités induites par la présence de bulles de cavitation. Des recherches ont donc été axées sur les interactions entre les phénomènes hydrodynamiques, la cavitation et les réactions électrochimiques, pour pouvoir disposer d'éléments fiables de caractérisation. Une fois compris les mécanismes et leurs limites, les équipements disponibles peuvent être optimisés, notamment entre 20 et 60 kHz.
• La caractérisation de l'activité ultrasonore a été mise en ¶uvre par des méthodes telles que la mesure de la puissance transmise ou la dosimétrie de Fricke qui donnent un bilan énergétique global. Les écoulements hydrodynamiques perturbés induits par la propagation des ondes ultrasonores ont également été caractérisés par deux techniques : la Particle Image Velocimetry (développée par le département CREST de FEMTO-ST) qui permet de mesurer la vitesse réelle des écoulements au sein du réacteur, et la méthode électrodiffusionnelle qui donne accès à une vitesse apparente au niveau de l'électrode et qui correspond à la vitesse du fluide nécessaire pour obtenir l'augmentation du transfert de matière équivalente. Enfin, la description du phénomène de cavitation à la surface de l'électrode a été effectuée par une technique chronoampérométrique à l'aide d'ultra microélectrodes. Il a été ainsi possible d'isoler des pics de courant correspondant aux perturbations créées par les bulles de cavitation sur la surface de l'électrode.
• Ainsi, fort de ces connaissances et des capacités de caractérisation du mécanisme, le laboratoire a été en mesure de prendre en compte les nombreux paramètres opératoires issus du cahier des charges de NAVYCLEAN. Il a proposé un premier prototype portable, testé avec succès sur des bateaux l'été dernier dans le vieux port de Marseille. Il prépare maintenant une deuxième génération de nettoyeur ultrasons qui devrait être proche de ceux qui équiperont les bras robotisés de la station complète prévue pour le milieu de l'année 2008.

 

Rémy Viennet – Jean-Yves Hihn
Laboratoire de chimie des matériaux et interfaces
Université de Franche-Comté
Tél. 03 81 66 68 92
remy.viennet@univ-fcomte.fr
jean-yves.hihn@univ-fcomte.fr

 

 

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