Université de Franche-Comté

Prendre toute la mesure du temps

Bien loin des sphères de l’horlogerie traditionnelle qui reste son berceau, le domaine du temps-fréquence voit naître des horloges d’une exactitude et d’une stabilité de plus en plus impressionnantes. Oscillateurs à quartz, horloges atomiques à ondes radiofréquences ou optiques, horloges disséminées sur les territoires et embarquées dans les satellites, nécessitant une synchronisation et une transmission exemplaires… Réussir à mesurer le temps et à le délivrer avec des précisions de l’ordre de seize chiffres après la virgule semble un tour de force extravagant, mais porte en réalité des enjeux des plus pragmatiques.

 

 

  

 

SOMMAIRE

– Une histoire à 16 chiffres après la virgule

S’orienter, comme Christophe COLOMB

– Distribuer le temps

– Minis et compactes au secours des grandes

 

  

 

Du pendule mis au point par Huygens au début des années 1600 jusqu’aux horloges optiques de dernière génération, la mesure du temps a connu des progrès considérables en termes d’exactitude et de stabilité. En quatre siècles, avec une accélération notable ces dernières décennies, la précision de la mesure du temps a gagné treize ordres de grandeur, faisant d’elle la championne toute catégorie de la métrologie. Aujourd’hui, le cœur d’une horloge atomique impliquée dans la réalisation du Temps atomique international (TAI) bat dix milliards de fois par seconde ! Et celui des horloges optiques testées dans les laboratoires de recherche 10 000 fois plus vite encore, atteignant une fréquence de quelque 1014 Hz. Pourtant le principe du pendule n’a pas bougé d’un iota depuis qu’il a été découvert par Galilée, et les contraintes qui pèsent sur le fonctionnement des systèmes constituent un défi que la science et la technologie ont à relever à chacune de leurs avancées.

 

Une histoire à 16 chiffres après la virgule

L’élément essentiel d’une horloge est le résonateur, qui imprime un mouvement de va-et-vient selon une fréquence qui lui est propre. C’est le pendule de nos horloges comtoises, qui ont inlassablement rythmé la vie quotidienne de leur tic-tac sur plusieurs générations. Mais pour que ce mouvement perdure, il faut l’entretenir. C’est un système mécanique qui impulse cette énergie au pendule de l’horloge comtoise ; les systèmes électroniques puis optiques ont ensuite pris le relais, en même temps que le résonateur passait au quartz, au saphir, à l’atome, faisant entrer la mesure du temps dans le domaine du temps-fréquence moderne.

Inventé en 1918, le résonateur à quartz révolutionne la mesure du temps ; il entre aujourd’hui dans le cœur de la plupart des objets de notre quotidien, la montre bien sûr, et tous les appareils électroniques tels que lecteurs CD, ordinateurs, appareils photo numériques, GPS…, qui ont besoin d’une référence de fréquence, de signaux électroniques pour fonctionner. Mais si la stabilité du quartz est amplement suffisante pour des applications courantes, elle présente de sérieuses limites pour aller plus loin dans la mesure du temps. Car un résonateur est toujours sensible aux facteurs qui l’entourent, comme le champ magnétique, la gravité, la température surtout, et l’oscillateur à quartz n’échappe pas à la règle.

Oscillateur à quartz

Oscillateur à quartz

Dans les années 1960 entre en scène l’atome, dont les propriétés vont être couplées à celles du quartz, et c’est une nouvelle révolution. Résistant aux perturbations et notamment aux variations de température, l’atome confère de la stabilité au signal électronique émis par l’oscillateur à quartz, qu’il asservit. Sous l’influence d’une onde électromagnétique, l’atome passe d’un état d’énergie à un autre état d’énergie ; la fréquence de vibration du quartz s’ajuste sur cette fréquence de transition entre les deux niveaux, ce qui lui apporte de la stabilité à long terme. C’est la naissance de l’horloge atomique.

Différents atomes, comme le rubidium ou l’hydrogène, peuvent être utilisés dans les horloges atomiques. Mais c’est l’atome de césium 133 qui, depuis 1967, est à la base de la définition universelle de la seconde et du Temps atomique international. Pour la première fois dans l’histoire de notre planète, le temps est défini selon un modèle physique et non plus selon le mouvement des astres, et il est le même partout.

Directeur du département Temps-Fréquence de l’Institut FEMTO-ST, Serge Galliou rappelle que la synchronisation du temps est un concept relativement récent. « Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, chaque gare avait son horloge et son heure ! » Des expériences de synchronisation ont bien existé auparavant, mais elles restaient ponctuelles, comme le rappelle François Vernotte,  enseignant-chercheur en astrophysique à l’OSU THETA1 : « Les horloges du centre-ville de Besançon étaient synchronisées dès la fin du XIXe siècle grâce aux garde-temps de l’Observatoire ».

Depuis les années 1990, les horloges à césium ont vu leurs capacités augmenter encore ; les fontaines atomiques en sont les versions les plus récentes et les plus performantes. Fonctionnant selon la technologie des atomes refroidis par laser, elles atteignent aujourd’hui une exactitude au niveau de 10-16 et une stabilité de fréquence à quelque 10-17

L’histoire n’en reste pas là pour autant. Avec les progrès des lasers à semi-conducteurs naît l’horloge atomique dite optique, pour laquelle la transition énergétique des atomes ne s’effectue plus dans des gammes d’ondes radio, mais dans des gammes lumineuses. Ces ondes sont plus courtes, d’où une fréquence d’oscillation encore plus rapide. La stabilité de ces horloges développées en laboratoire avoisine par ailleurs 10-18.

« De telles avancées promettent une nouvelle définition de la seconde dans les années à venir, estime Serge Galliou. Mais seulement lorsque la technologie sera acquise partout : chaque pays doit pouvoir conserver la maîtrise du temps, et pour l’instant seuls quelques-uns savent fabriquer l’horloge optique. »

1 OSU THETA : Observatoire des sciences de l’univers Temps Homme Environnement Territoire Astronomie

de Franche-Comté – Bourgogne

amélioration de l'exactitude des horloges dans le temps

Amélioration de l'exactitude des horloges atomiques,

de la première horloge à jet de césium

à l'horloge à réseau optique d'atomes de strontium

retour sommaire

 

Bâtir le même temps pour tous

Soumises à leur environnement, les horloges ne délivrent pas le même signal selon qu’elles se trouvent en altitude ou au niveau de la mer, sous des latitudes tempérées ou tropicales, etc. Il faut même beaucoup moins que ces extrêmes pour voir une horloge se dérégler. L’atome seul a pu aider à s’affranchir de ces contraintes environnementales. Grâce aux technologies développées autour de ses propriétés, le temps est depuis 1967 universellement déterminé par la physique, avec une précision encore jamais atteinte.

Pour gommer les variations résiduelles, le Temps atomique international (TAI), établi par le Bureau international des poids et mesures (BIPM) à Paris, est une moyenne réalisée par toutes les horloges atomiques à césium disséminées à travers le monde, soit une vingtaine de fontaines atomiques et environ quatre cents horloges à jet de césium ou masers hydrogène. Les horloges dites primaires sont l’apanage des laboratoires nationaux de métrologie, comme le LNE-SYRTE2 de l’Observatoire de Paris pour la France. Les horloges dites secondaires contribuent à l’élaboration du temps par leurs propres mesures, qu’elles transmettent aux horloges primaires. Le laboratoire Temps-Fréquence de Besançon (LTFB) dispose de trois horloges secondaires sur la vingtaine que compte le territoire français.

horloge atomique

Une horloge atomique de l'OSU-THETA au moment de l'ajout d'une seconde intercalaire

à UTC dans la nuit du 30 juin au 1er juillet 2015

Le temps atomique est beaucoup plus juste que le temps astronomique, qui supposait une rotation régulière de la Terre autour de son axe, ce qui n’est pas tout à fait le cas. Cependant, le Temps universel coordonné (UTC) permet, pour des raisons essentiellement pratiques, de conserver une mesure du temps connectée à la rotation de la Terre. Pour l’obtenir, une seconde intercalaire est ponctuellement ajoutée au TAI, en fonction de l’évolution de la rotation de la Terre.

2 LNE-SYRTE : Laboratoire national de métrologie et d'essais – Système de Références Temps-Espace

retour sommaire

S’orienter, comme Christophe COLOMB

Si la recherche d’une exactitude et d’une stabilité aussi incroyables semble défier le sens commun, une simple comparaison historique aide à reprendre pied dans une réalité plus concrète. Serge Galliou évoque ainsi les progrès de la géolocalisation, l’un des domaines d’applications du temps-fréquence. « Pour déterminer leur position en latitude, les explorateurs se servaient du positionnement des étoiles. Mais pour s’orienter en longitude, ils avaient besoin de mesurer le temps. Ce sont des calculs erronés sur l’estimation du temps, et donc des distances, qui ont conduit Christophe Colomb sur les côtes américaines. Aujourd’hui, nous sommes confrontés au même challenge que Christophe Colomb, mais à l’échelle de l’espace ! Car c’est par des satellites placés en orbite autour de notre planète que les systèmes de navigation comme le GPS sont à même de nous guider sur Terre. Et plus les distances à mesurer sont grandes, plus la mesure du temps doit être précise. »

Les horloges atomiques embarquées dans les satellites sont reliées à des horloges au sol, à qui elles envoient des signaux électromagnétiques à la vitesse de la lumière. La durée de propagation est convertie en distance, puis le croisement des informations par triangulation (ou plus exactement par trilatération) permet d’indiquer une localisation sans erreur possible et avec la plus grande précision. Une erreur sur l’estimation du temps de propagation de l’onde de seulement une microseconde (0,000 001 secondes) conduit à une erreur de positionnement de 300 m. Les scientifiques et techniciens sont désormais capables de la même façon de mesurer la hauteur des océans, la pesanteur à la surface de la Terre, la dérive des continents…  « La précision de la mesure du temps permet de mesurer des grandeurs physiques qu’on ne saurait apprécier par aucun autre moyen », explique Serge Galliou. D’autres domaines sont concernés, comme la navigation aérienne ou encore la finance, pour laquelle les spécialistes veulent pouvoir garantir des transactions à la microseconde près sur une journée !

retour sommaire

 

Le temps en garde alternée

La mesure du temps est à Besançon l’affaire de deux laboratoires de recherche : l’Institut FEMTO-ST, spécialisé dans les aspects de fréquence et de stabilité, et l’Institut UTINAM, qui à l’intérieur de l’OSU THETA est un expert des notions de temps et d’exactitude. Un héritage historique et des compétences complémentaires investies dans un fonctionnement en binôme et des projets communs. Fédérant ces deux entités indissociables, le laboratoire Temps-Fréquence de Besançon (LTFB) est un « laboratoire associé » au LNE à Paris, au nom duquel il remplit des missions de métrologie temps et fréquences. « Le LTFB est accrédité au plus haut niveau pour la mesure de fréquences ou pour la réalisation d’étalonnages d’horloges atomiques », raconte François Meyer, le directeur du laboratoire. Outre ces activités qui tiennent de la prestation de services, le LTFB participe, en amont de la recherche, au développement de nouvelles références de temps, et sur un versant préindustriel, à l’établissement de cahiers des charges. « Nous assurons notamment la caractérisation théorique des oscillateurs. Grâce à des outils statistiques, nous pouvons prévoir comment ils se comporteront dans le temps et indiquer celui qui sera le plus adapté aux attentes. »

Le temps-fréquence bisontin est largement encouragé par les Programmes investissements d’avenir (PIA) dont il est partie prenante. Le LabEx FIRST-TF coordonne les orientations de recherche et de développement de tout le domaine temps-fréquence national ; l’EquipEx OSCILLATOR-IMP prévoit de construire une plateforme pour la caractérisation, la mesure et l’étalonnage d’oscillateurs ; enfin l’EquipEx REFIMEVE + est un projet portant sur la distribution de la fréquence étalon par fibre optique sur l’ensemble du territoire français, avant de se ramifier à toute l’Europe.

Ces programmes apportent moyens et dynamisme à un domaine d’excellence de la Franche-Comté, directement hérité de ses savoir-faire en matière de microtechniques et de mesure du temps, eux-mêmes liés à son passé en horlogerie et en astronomie. De nombreux projets viennent les étoffer, dont le collegium SMYLE n’est pas le moindre. Cet accord de coopération signé entre FEMTO-ST et l’EPFL (École polytechnique fédérale de Lausanne) prévoit en effet des collaborations majeures sur le thème « Alliance des MEMS et du temps-fréquence ».

 

retour sommaire

Une horloge à un seul ion

Clément Lacroûte travaille à FEMTO-ST à la mise au point d’une horloge à ion ytterbium (Yb). Combinant la technologie des atomes froids et celle de l’horloge optique à ion, ce projet est une double première pour le laboratoire comtois. « Il est en phase avec sa logique scientifique et entre dans une stratégie de développement des horloges optiques, qui sont les meilleures au monde », explique Clément Lacroûte.

Une horloge à ion piégé fonctionne avec un seul ion, isolé et interrogé, quand les horloges à atomes neutres comptent une centaine de milliers d’atomes. « Cette technologie est un peu moins performante, mais elle est aussi plus simple à maîtriser, notamment dans le fonctionnement des lasers ». Ce qui donne la possibilité à l’horloge à ion d’être beaucoup plus compacte, une qualité qui intéresse des disciplines scientifiquement très pointues, comme la géodésie. « Les horloges optiques sont les seules capables de mesurer le champ de gravitation terrestre avec une résolution de quelques centimètres. Encore faut-il pouvoir les transporter sur le terrain. » D’où l’intérêt et l’enjeu d’une horloge compacte.

Après deux ans de recherche, l’horloge à ion bisontine est en cours de développement. Le système qui permet de piéger l’ion grâce à des champs électriques est au point. Il reste à intégrer ce système dans une enceinte à vide, seule capable de garantir que l’ion reste immobilisé pour être en résonance avec le laser excitateur, un développement attendu au cours de l’année 2017.

 

retour sommaire

Distribuer le temps

Dans tous les cas de figure, la synchronisation des horloges est à tous points de vue essentielle et exige une bonne transmission du temps. Le transfert du temps et des fréquences entre les horloges du LTFB et celles du SYRTE à Paris se fait par GNSS (Global Navigation Satellite System) depuis trente ans. Un système en amélioration depuis tout juste un an, grâce à l’installation à l’ENSMM d’une parabole dédiée à une diffusion des signaux selon le procédé Two Way. Les ondes radiofréquence effectuent un aller-retour entre les horloges, ce principe corrigeant les effets parasites inhérents à la transmission, et réduisant les erreurs d’un facteur 10 à 100.

Les transmissions font aujourd’hui aussi l’objet d’expériences sur fibre optique, comme le système White Rabbit développé par le CERN, dévolu à la transmission du temps. « Depuis quelques semaines, les horloges à césium de l’OSU THETA et le maser à hydrogène de FEMTO-ST installé à l’ENSMM sont ainsi reliés. Une expérience prochaine verra l’Observatoire de Besançon se relier par White Rabbit avec l’Observatoire de Paris. Ce sera une première en France sur une telle distance », indique François Meyer, directeur du LTFB, le laboratoire fédérant les activités temps-fréquence de FEMTO-ST et de l’OSU THETA.

REFIMEVE + est un autre procédé de transfert fibré auquel participe le LTFB. Ce réseau prévoit la transmission de fréquences très stables entre les horloges primaires et secondaires par fibre optique, pour un échange de fréquences des plus sûrs.

« La distribution des références et sa sécurisation sont essentielles : il ne suffit pas que les horloges soient d’une grande fiabilité, il faut aussi protéger leur transmission des erreurs, des aléas naturels ou des dégradations volontaires », explique Serge Galliou.

Outre l’amélioration des systèmes de diffusion, la multiplication des horloges est une solution intéressante. Des horloges atomiques de petit volume peuvent assurer le relais des horloges classiques en cas de perte de signal. Des « horloges de secours » qui présentent bien d’autres avantages encore…

retour sommaire

Minis et compactes au secours des grandes

Le choix de la dimension d’une horloge dépend de la stabilité de fréquence requise pour une application donnée. Car miniaturisation et stabilité sont deux exigences difficiles à combiner, une complexité à laquelle la microfabrication peut apporter des solutions.

Après une dizaine d’années de développement, la micro-horloge atomique mise au point à Besançon est prête à basculer vers l’industrialisation. Fruit d’une collaboration entre des chercheurs du département Temps-Fréquence et du département Micro Nano Sciences et Systèmes (MN2S) de l’Institut FEMTO-ST, la micro-horloge est passée dans le giron d’un consortium d’industriels piloté par la DGA, intéressée par ses performances pour la communication et la localisation sur le terrain. 15 cm3 d’encombrement, 150 mW de puissance de consommation, une alimentation sur pile ou batterie pour fonctionner, quelques dizaines de secondes de mise en route, et une stabilité de fréquence à la journée de l’ordre de 10-11 sont autant d’atouts pour se rendre très vite indispensable sur les théâtres d’opération les plus reculés. La micro-horloge fonctionne avec des atomes de césium, selon le principe optique dit de piégeage cohérent de population, grâce auquel il a été possible de réduire ses dimensions.

Au cœur de l’horloge, la cellule qui reçoit le césium est composée d’une structure verre / silicium microfabriquée, dans laquelle les atomes sont maintenus dans l’état désiré sous l’influence d’un gaz. La présence de ce gaz « tampon » permet de ralentir les atomes et donc de pouvoir les observer plus longuement, condition nécessaire à l’amélioration de la stabilité de fréquence de l’horloge. « Cette cellule a déjà fait l’objet d’un transfert auprès d’une entreprise aujourd’hui capable de la fabriquer », explique Rodolphe Boudot, du département Temps-Fréquence. « Le bloc électronique qui assure les fonctions connexes est en bonne voie de transfert également, complète Nicolas Passilly, du département MN2S. Cela signifierait-il que le laboratoire FEMTO-ST n’a plus de lien avec les avancées de la micro-horloge ? « Il est vrai que ce sont désormais les entreprises qui pilotent son avenir industriel. Cependant, nous restons grandement impliqués pour rendre cette technologie pleinement mature et industriellement viable. Parallèlement nous poursuivons nos efforts de recherche en amont pour ouvrir ces sytèmes à de nouvelles applications haute-température par exemple, et à réfléchir aux micro-horloges de nouvelle génération. »

À peine plus grande que l’horloge à césium miniature de FEMTO-ST, l’horloge à rubidium du laboratoire Temps-Fréquence de l’université de Neuchâtel se classe dans la catégorie « compacte ». Des horloges de ce type sont embarquées sur les satellites aujourd’hui placés en orbite dans le cadre du projet de positionnement européen Galileo. Avec un encombrement limité à moins de trois litres et pour un poids largement moindre, elles secondent efficacement les masers passifs à hydrogène qui sont les références de temps absolues dans les satellites. La stabilité de l’horloge au rubidium permet une précision de positionnement au sol de cinq mètres, contre moins d’un mètre pour les masers. « Notre équipe travaille depuis plusieurs années, en collaboration avec l’Agence spatiale européenne (ESA), à améliorer la précision de l’horloge, de manière à ce que sa stabilité atteigne peu à peu celle du maser, pour un jour peut-être le remplacer à bord des satellites », explique Christoph Affolderbach, physicien à l’université de Neuchâtel.

L’horloge actuellement sur Galileo est composée de deux cellules en verre contenant du rubidium : la cellule de résonance, comportant les atomes de rubidium entourés d’une cavité micro-ondes, et la cellule portant la source optique chargée d’activer le phénomène de résonance. « C’est grâce à l’emploi de systèmes laser semi-conducteurs que des avancées importantes en termes de stabilité sont possibles. »

Si l’intérêt de développer une horloge compacte pour embarquer dans l’espace paraît évident, il l’est tout autant sur Terre, cette fois pour des applications industrielles. C’est pour faire bénéficier les entreprises qui ont besoin d’une référence de temps exacte et stable des avancées technologiques de haut vol, que le projet MClocks a été décidé dans le cadre du Programme européen de recherche en métrologie (EMRP). MClocks vient de prendre fin, il a réuni les instituts nationaux de métrologie d’Italie et de Turquie, l’Observatoire de Paris, le département Temps-Fréquence de FEMTO-ST, l’université de Neuchâtel et la start-up française MUQUANS dans une collaboration métrologique de premier plan. « L’objectif était d’adapter la technologie rubidium à stabilité améliorée pour mettre au point une horloge d’un encombrement maximum de dix litres, ce qui représente à peu près le volume d’une horloge à jet de césium commerciale, qu’elle pourrait à terme supplanter en termes de performances. »

retour sommaire

 

A -269°C, l’horloge cryogénique est une nature froide

Depuis 2011, l’horloge cryogénique saphir a fait ses preuves et le tour de l’Europe, d’où elle continue de recevoir les meilleurs retours. Un défaut ? Sa gourmandise énergétique, que les chercheurs essaient de réguler et qui fait l’objet d’un projet ANR Émergence. Grâce à son extrême stabilité, l’horloge cryogénique intéresse le domaine spatial et la radioastronomie. Elle est d’ailleurs née d’une collaboration entre le département Temps-Fréquence de FEMTO-ST et l’Agence spatiale européenne. Dans l’horloge cryogénique, c’est la température maintenue constamment basse, proche du zéro absolu (-269°C), qui garantit une stabilité incomparable au résonateur en saphir (corindon) sur le long terme. La stabilité est de 10-15 sur une durée de 1 à 10 000 secondes.

« Aujourd’hui, nous nous attachons à optimiser l’environnement et notamment le cryostat qui génère le froid nécessaire au bon fonctionnement de l’horloge, afin de gagner sur le coût de mise en œuvre », explique Vincent Giordano, responsable du projet à FEMTO-ST.

Une nouvelle version de l’horloge a d’ores et déjà permis de passer d’une alimentation en courant triphasé à un réseau monophasé, réduisant la consommation électrique de moitié (de 6 à 3 kW/h). Il n’en existe pour l’instant qu’un exemplaire.

L’une des trois horloges de première génération est actuellement utilisée par AIRBUS pour contrôler les instruments de radionavigation que la société aéronautique installe dans l’espace.

banc de mesure de bruit

Banc de mesure de bruit de résonateurs acoustiques

 retour sommaire

 

La microfabrication dans l’air du temps

Dans l’horloge neuchâteloise, les atomes de rubidium sont contenus dans une cellule en verre, que les techniques de microfabrication ont permis de réduire en dimension et en coût, en vue de réaliser des horloges miniatures. Les cellules en verre soufflé d’origine sont désormais remplacées par des cellules composées d’un assemblage de silicium et de verre. Ces « galettes » sont produites en grande série sur wafers, selon des technologies semblables à celles développées pour la fabrication des écrans plasma des téléphones portables.

« Ces microtechnologies rendent possible le contrôle des formes à la géométrie très précise qui entrent dans la structure du verre, à l’échelle de quelques fractions de millimètres », explique Christoph Affolderbach. L’encombrement de la cellule de rubidium n’excède pas quelques dizaines de millimètres cubes, et l’horloge neuchâteloise entière peut afficher des dimensions aussi petites que 5 x 5 x 1,5 cm. Ce développement technologique a été assuré en collaboration avec l’entreprise neuchâteloise OSCILLOQUARTZ, le CSEM (Centre Suisse d’Électronique et de Microtechnique) et l’EPFL (École polytechnique fédérale de Lausanne) ; il a abouti à un prototype industriel. Cette horloge entièrement swiss made est désormais prête à faire face au produit concurrent que l’on trouve aux USA, notamment pour la synchronisation des réseaux de télécommunications et des réseaux électriques intelligents (smart grids).

Le travail des chercheurs ne s’arrête cependant pas là, il consiste désormais à éprouver le comportement des cellules sur le long terme. « La cellule en verre microfabriquée présente une excellente étanchéité, qui n’est cependant pas parfaite à 100 %. De très faibles échanges de gaz restent possibles, provoquant des variations de fréquence, qui, même infimes, peuvent jouer sur la stabilité à très long terme. » Des tests et des mesures sont effectués en laboratoire à une température supérieure à celle d’une utilisation normale, une méthode pour accélérer le processus de vieillissement de la cellule et tirer des conclusions précoces par rapport à la durée de vie de l’horloge.

retour sommaire

 

Six horloges en une

Si une horloge possède une bonne stabilité à court terme, une autre à moyen terme, et une autre encore à long terme, pourquoi ne pas les réunir pour créer une super-horloge dotée d’une stabilité inédite ? C’est ainsi que, dans l’ordre, l’oscillateur à quartz, le maser hydrogène et l’horloge à jet de césium ont vu leurs performances se combiner dans une horloge composite créée par des chercheurs de l’équipe Temps-Fréquence d’UTINAM (OSU THETA). Une idée murie et développée au cours de plusieurs programmes Interreg franco-suisses, sous la houlette de François Vernotte et de Jean-Pierre Aubry, qui a depuis rejoint l’équipe bisontine.

L’aventure se poursuit aujourd’hui en collaboration avec la société TIMELINK MICROSYSTEMS à Toulouse, sous la forme d’une thèse CIFRE. « La grande nouveauté de ces trois dernières années consiste à avoir transformé les signaux émis par les horloges en signaux numériques, pour une plus grande robustesse de l’horloge et des aléas environnementaux moins contraignants », explique François Vernotte. Et une manipulation différente des signaux. « Les informations sont traitées par une carte FPGA intégrant un microprocesseur. Nous travaillons à trouver l’algorithme qui guidera la carte par elle-même vers un choix optimal entre plusieurs sources mises à disposition », précise Alexis Benigni, doctorant CIFRE. Le trio quartz-maser-césium de départ sera ainsi remplacé par une formule générique, pour une horloge sur mesure. « Actuellement, nous sommes à même de combiner six sources différentes ; dans tous les cas, la fréquence du quartz est asservie sur ces sources, quel que soit leur nombre. »

 retour sommaire

Grâce aux travaux du LTF dans le cadre de ce projet, la cavité micro-ondes a été réduite au tiers de son volume initial, la sensibilité à la température de la cellule de résonance réduite d’un facteur 100 ; un système de source laser très compacte avec sortie pulsée a été conçu. Un tout nouveau projet prévoit le recours à l’impression 3D pour la production des cavités micro-ondes. Un projet mené par le LTF en collaboration avec le laboratoire EPFL-LEMA et l’entreprise SWISSto12, à l’origine d’une nouvelle technologie d’impression de composants « radiofréquence » de haute performance. Des exemples de progrès allant à la fois dans le sens de la miniaturisation, d’une plus grande stabilité et de coûts moindres.

Créer des systèmes capables de s’affranchir d’infimes perturbations environnementales pour garantir l’exactitude et la stabilité du temps, signifie qu’il est à l’inverse possible de capter ces variations. C’est là l’autre facette du temps-fréquence : la mise au point de capteurs hypersensibles, dont le développement concerne aussi bien la détection de champs gravitationnels que l’activité magnétique du cerveau humain. Des recherches menées en parallèle à celles consacrées à la quête du temps…

impacteur

Impacteur pour la détection des particules PM 10 et PM 2,5

en suspension dans l'air

Photos dossier: Institut FEMTO-ST – © Ludovic Godard – UFC

retour sommaire

 

Contacts :

Institut FEMTO-ST – Université de Franche-Comté / ENSMM / UTBM / CNRS

Serge Galliou / Rodolphe Boudot / Clément Lacroûte / Vincent GiordanoDépartement Temps-Fréquence

Tél. +33 (0)3 81 88 57 14

 

Nicolas PassillyDépartement MN2S – Tél. +33 (0)3 81 66 66 19

 

OSU THETA Franche-Comté – Bourgogne

François Vernotte / François Meyer / Alexis Benigni – Tél. +33 (0)3 81 69 23 / 69 27 / 69 46

 

Université de Neuchâtel

Christoph AffolderbachLaboratoire Temps-Fréquence – Institut de physique – Tél. +41 (0) 32 718 34 56

retour haut de page

  •  
retour