Le travail collaboratif à distance restait jusqu'à présent une chimère, tant reproduire une salle de travail dans l'espace virtuel nécessite la prise en compte de nombreux paramètres. Des éléments qui nous paraissent insignifiants — percevoir les réactions non formulées de l'autre, savoir qui demande la parole, disposer d'un document commun sur lequel chacun peut intervenir, mais aussi savoir qui intervient au moment t Ÿ — sont autant de conditions nécessaires pour que la communication soit rendue possible de façon fluide et sans méprise.
Pourtant, un travail de longue haleine — plus de dix années de travail —, effectué au LIFC — laboratoire d'informatique de Franche-Comté — et qui justement intègre ces considérations, est en train de se concrétiser dans une offre logicielle d'un nouveau genre.
• Spécialisés dans les environnements collaboratifs virtuels, les chercheurs du LIFC ont développé un noyau logiciel. Ce noyau permet à plusieurs utilisateurs distants de manipuler des applications de manière conjointe et simultanée. D'où son nom, UbiCore, pour noyau d'ubiquité. Sur ce socle commun, viennent se greffer les outils usuels de la télécollaboration, à savoir ceux de la visioconférence, du partage de bureau et du tableau blanc, mais aussi toutes applications utiles, même celles spécifiques à un métier ou à un champ d'activité comme EEG ou viewer DICOM. Ceci constitue un avantage certain.
• La prise en charge simultanée de plusieurs intervenants par UbiCore résout de nombreux problèmes de communication. Ainsi, à chaque instant, tous les participants ont les mêmes informations et les mêmes possibilités d'action. Ceci est rendu possible grâce à une gestion des interactions entre les utilisateurs distants (organisation de la concurrence Ÿ, ordonnancements…). Dans le même ordre d'idée, les actions des uns et des autres sont visualisées graphiquement sur l'écran, dans la salle de réunion virtuelle. Chacun sait qui fait quoi, quand et où, et peut donc réagir et interagir en fonction de ces données.
Les conditions sont alors réunies pour permettre une communication ayant quasiment les mêmes qualités qu'en présentiel.
D'autres avantages techniques viennent encore améliorer ces performances. Les images et documents vidéo, même de très haute qualité, ne subissent aucune altération, pas même une compression. D'autre part, UbiCore n'a pas besoin d'un réseau haut débit et la fluidité des interactions est indépendante des fluctuations du trafic sur le réseau. La tolérance aux pannes est donc maximale. En terme de sécurité également, les données qui circulent sont cryptées et utilisent des canaux privés.
• UbiCore a été développé et testé en conditions réelles de travail, dans le cadre d'un projet européen Interreg, associant les centres hospitaliers universitaires de Besançon et du canton de Vaud (Suisse) et le LIFC (cf. en direct n° 180, janvier 2004). L'objectif était de développer un outil de travail collaboratif entre les services de neurologie, incluant le partage des images médicales et des informations relatives au patient pour permettre des diagnostics à distance. Dans ce champ particulièrement sensible, la traçabilité des prises de décision et des événements, mais aussi le respect du secret médical et l'utilisation du réseau des hôpitaux, fonctionnant avec un protocole spécifique, devaient être pris en compte. Dans le prolongement de ce travail, un autre projet Interreg est en cours, concernant cette fois la dermatologie et le diagnostic de mélanomes. Une photo prise sur un patient dans un cabinet généraliste pourra être envoyée sur un serveur et être analysée par un dermatologue, tout en respectant les règles de l'éthique médicale.
• Désormais, UbiCore est au c¶ur d'UbiFrame, un projet hébergé par l'incubateur d'entreprises innovantes de Franche-Comté et qui donnera naissance à la société COVALIA début 2007. Le champ d'application de cette nouvelle technologie est très vaste ; les entreprises ont de plus en plus des activités éclatées géographiquement ; la valeur ajoutée la plus précieuse est maintenant la connaissance. Tout ceci laisse à penser que ce projet a une belle vie devant lui.
Jean-Christophe Lapayre – Éric Garcia
Laboratoire d'informatique de Franche-Comté (FRE 2661)
Université de Franche-Comté
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