Université de Franche-Comté

Pour des multinationales respectueuses des droits humains et de l’environnement

Photo Mystic Art Design / Pixabay

 

Le 29 novembre 2020, l’initiative populaire « pour des multinationales responsables » soumise au vote en Suisse était rejetée. Si 50,7 % des citoyens votants s’étaient positionnés en faveur de la mesure, le projet n’a pas remporté l’adhésion dans la majorité des cantons. Or, la double majorité du peuple et des cantons est une condition sine qua non à l’adoption d’une initiative fédérale.

La Suisse affiche une densité de multinationales parmi les plus importantes au monde. Actuellement, la plupart applique les principes de la responsabilité sociale des entreprises (RSE). La démarche, pour être louable, se heurte cependant aux exigences de l’économie capitaliste, qui veut que les entreprises soient toujours plus rentables pour rester compétitives, un résultat obtenu quelquefois au mépris des droits humains et de l’environnement dans les pays où elles installent des centres de production.

 

 

Un mix entre gouvernances privée, publique et civile

La situation s’aggrave encore lorsque ces pays sont dans un tel état de dépendance économique, politique et technique que leurs gouvernements ferment les yeux sur certaines pratiques, voire les encouragent, au nom du nécessaire développement de leur pays. Et si les principes de la RSE s’avèrent souvent compliqués à mettre en place pour les multinationales lorsqu’elles sont de bonne foi, ils sont carrément ignorés par d’autres, qui n’hésitent pas à nier les effets parfois dévastateurs que leurs choix économiques provoquent.

C’est pour expliquer les ressorts d’une situation directement issue de la mondialisation de l’économie et pour étayer scientifiquement des propositions d’amélioration que Ellen Hertz, professeure d’ethnologie à l’université de Neuchâtel, et Yvan Schulz, également ethnologue, chercheur indépendant, ont publié l’ouvrage Entreprises et droits humains : les limites de la bonne volonté ¹. Les auteurs adossent leur propos sur des conclusions de recherches menées en anthropologie, géographie humaine, sociologie ou encore science politique, sur des rapports émanant de la société civile, par exemple des ONG, et sur leurs propres enquêtes de terrain à l’international.

Ils montrent comment la mise en place d’un mix entre gouvernances privée, publique et civile poserait les bases d’une responsabilisation des entreprises plus efficiente. « Conserver les apports de la RSE dans cette équation est essentielle car ils sont fondés sur une connaissance du fonctionnement des chaînes de production que seules les entreprises détiennent. Ajouter au dispositif un cadre réglementaire fixé par les États garantirait des normes identiques pour toutes les multinationales et permettrait l’accès des victimes à la justice du pays dans lequel elles siègent, ici la Suisse. Enfin, acter le rôle de la sphère civile, comprenant les ONG, les travailleurs et les populations locales, signifierait bénéficier de l’expérience du terrain pour constater ou prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement », explique Ellen Hertz.

L’initiative populaire du 29 novembre est la première sur cette question en Suisse. Elle intervient après que les tentatives de plusieurs parlementaires pour établir des dispositifs législatifs au niveau national se sont révélées infructueuses ces dernières années, et alors même que différentes voix s’élèvent sur la scène internationale en faveur d’un droit contraignant et de l’institution d’un cadre global partagé qui placeraient toutes les entreprises sur un pied d’égalité.

¹ L’ouvrage est paru aux éditions Seismo en octobre 2020 dans la collection Penser la Suisse, dont l’objectif est de publier des contenus scientifiques à destination du grand public pour nourrir la réflexion et le débat citoyens autour de problématiques d’actualité.
Contact(s) :
Institut d’ethnologie
Université de Neuchâtel
Ellen Hertz
Tél. +41 (0)32 718 17 17
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