Université de Franche-Comté

Politiques urbaines à l’épreuve de l’ analyse

Photo Mostafa Meraji – Pixabay

Tous les trois jours, une ville de plus de 100 000 habitants produit un nouveau plan d’urbanisme en Europe. Au laboratoire ThéMA, Thomas Buhler analyse une partie de ce volume incroyable et toujours plus grand de documents avec un double objectif : savoir quels ressorts sous-tendent la prise de décision en matière d’aménagement urbain et quelles sont les mesures réellement mises en œuvre parmi celles annoncées.

Enseignant-chercheur en aménagement et urbanisme à l’université de Franche-Comté, Thomas Buhler vient d’être nommé membre junior de l’Institut universitaire de France (IUF) pour une durée de cinq ans, une distinction assortie d’un financement et d’une dispense partielle de cours qui lui permet de donner toute l’envergure voulue à ce projet ambitieux et novateur. « L’urbanisme est un champ disciplinaire encore très jeune et fortement opérationnel. La recherche développée ici vise à établir un socle de connaissances théoriques pour mieux comprendre et interpréter les pratiques réelles des urbanistes qui œuvrent en planification », explique le chercheur.

Le projet concerne les documents d’urbanisme émis sur une période de trente ans (1990-2020) par une cinquantaine de villes moyennes en Allemagne, Angleterre, Danemark, France, Grèce, Tchéquie, des pays qui ne sont pas choisis au hasard : « Ils sont représentatifs de différents modèles culturels de l’urbanisme en Europe, comme des travaux précédents l’ont mis en évidence. » Planification des transports, de l’habitat et du logement, de l’urbanisme réglementaire ou stratégique…, sont autant de dimensions sur lesquelles différentes influences peuvent s’exercer, des pouvoirs centraux ou locaux jusqu’aux acteurs privés.

Menée en collaboration avec Richard Stephenson, urbaniste et spécialiste en civilisation britannique à ThéMA, l’étude requiert également les compétences en analyse de discours de Virginie Lethier et Marion Bendinelli au laboratoire ELLIADD. « La constitution de lexiques multilingues permet de mesurer les centres d’intérêt spécifiques des plans, de suivre l’évolution des discours dans le temps et d’établir des comparaisons d’une ville ou d’un pays à l’autre », précise Thomas Buhler, pour qui le croisement des méthodes est un principe fondamental de la démarche scientifique.

Les premières analyses publiées montrent que le flou est un outil prisé par les acteurs de l’urbanisme. Une tendance mise en évidence par exemple par l’absence de dates pour la réalisation d’un projet, ou le remplacement de mots très concrets comme « trottoirs » par des termes plus évasifs comme « mobilité douce ». L’usage du flou permet aux villes, sur certains sujets, d’occuper l’espace sans pour autant s’engager trop précisément.

L’analyse des images, assurée avec Nicolas Lépy, spécialiste en intelligence artificielle à ThéMA, complète utilement celle des mots. « Le visuel suggère ce que l’écrit ne dit pas ! » : cette pratique apparaît courante en France, où les plans, de transport notamment, montrent exclusivement certains espaces de la ville, comme le centre historique ou les espaces verts, et mettent en scène des profils choisis d’habitants, couples avec enfants dans un parc ou cadres se déplaçant à vélo sur une artère balisée. « La sélection de ces illustrations est davantage du ressort des services communication des instances gouvernantes que des urbanistes », souligne le chercheur. L’analyse et l’interprétation des documents de planification donneront lieu à la constitution d’une base de données européenne, jusqu’à présent inexistante dans le domaine.

Contact(s) :
Laboratoire ThéMA
UFC / UB / CNRS
Thomas Buhler
Tél. +33 (0)3 81 66 54 81
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